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Roxane Best, avocate au bord de la crise de nerfs

A voir, Les critiques, Paris, Théâtre
30 minutes de Roxane Best et Thomas Meyer
30 minutes de Roxane Best et Thomas Meyer

Photo Pauline Le Goff

Inspirée par son expérience d’avocate au Barreau de Paris, Roxane Best s’associe à Thomas Meyer, son complice au sein de la Compagnie La Loupe, pour partager les récits dont elle est dépositaire et les situations dont elle est témoin. Dans l’intimité d’un entretien de garde à vue, ce qui se joue dépasse largement le cadre des méfaits reprochés au justiciable. En faire théâtre permet d’élargir la focale et de pointer du doigt un système en déroute.

30 minutes, c’est le délai maximum d’entretien entre une personne placée en garde à vue et l’avocat·e commis d’office qui lui a été attribué. 30 minutes, c’est court et c’est long à la fois. Une durée un peu bâtarde qui permet à peine de s’apprivoiser, de construire un terrain de confiance où la vérité peut se formuler (ou pas), où l’autre peut se livrer, se faire connaître, donner des clés pour imaginer à deux une stratégie de défense. 30 minutes, c’est le temps d’un récit, souvent décousu, qui remonte à plus loin que les simples faits, le temps que l’inconnu en face devienne une histoire. « Racontez-moi », dit l’avocate qui, dans ce premier tête-à-tête, pratique la maïeutique – plus subtile que de tirer les vers du nez – et surtout, écoute. Écouter la détresse, la colère, la peur, le mal-être qui suintent en un huis clos garantissant la confidentialité de l’échange. Dispositif éminemment théâtral, situation dialogique sous tension, chambre close où aucune oreille extérieure ne peut pénétrer, nid à récits qui renvoient à la société ses failles et ses échecs, les ingrédients sont réunis pour en faire le point de départ d’un spectacle infusé par l’expérience de Roxane Best, avocate pénaliste de son état, formée au jeu par ailleurs.

Avec Thomas Meyer, comédien passé par les sciences politiques, ils fondent la Compagnie La Loupe pour transmettre ces paroles que l’on n’entend pas, reléguées entre les quatre murs des commissariats, palais de justice et prisons. Deux personnalités aux profils doubles donc, riches et éclairés, qui écrivent à quatre mains à partir des notes et souvenirs de l’une pour tisser une fiction aux airs de documentaire. Un processus de récolte et de transformation qui leur a valu la saison dernière d’être lauréats de l’appel à projets Culture & Justice de la DRAC Île-de-France. C’est effectivement dans cet entre-deux que se positionne la compagnie et les liens tissés se révèlent passionnants, quand bien même la théâtralité mériterait de se muscler un peu.

Dans un décor éclaté, un rocher à jardin, un banc de chaises en plastique bleues à cour, des pendrillons de vêtements et du sable sur une partie du plateau, Roxane Best, chemisier seyant et pantalon fluide tombant parfaitement, carnet en main, nous partage anecdotes et situations consignées dans ses notes. Son allure bourgeoise, sérieuse et bien sous tous rapports, tranche avec les deux « cas » qui s’amènent, dégaine roublarde, tchatche qui embrouille et punchlines qui fusent. En venant piocher dans les costumes à disposition, Thomas Meyer et Élodie Laurent, tous les deux excellents, alternent les identités pour que s’incarne un éventail représentatif de la teneur de ces entretiens qui virent souvent à l’incompréhension et à la confrontation. En face, Roxane Best tient son rôle d’avocate, le rôle de sa vie, dont elle livre ici la complexité, les difficultés, les à-côtés et le désarroi qui pointe, la frustration devant les peines infligées, le découragement et les utopies de la jeunesse noyées sous la réalité du métier.

C’est le blues de l’avocate qui s’immisce et finit par prendre toute la place dans un renversement de rôles et de focale intéressant. Car aucun des interprètes n’est assigné à une place définie, selon que l’on est d’un côté ou de l’autre de la situation, selon que l’on a enfreint la loi ou qu’on la représente, et ce petit théâtre de postures s’inverse lorsque l’avocate, à bout, se retrouve dans la peau de la fautive, de l’autre côté du miroir, face à un confrère devenu son interlocuteur délégué pour la défendre. Car personne n’échappe au dérapage, au texto de trop, au débordement, à la bascule. Et l’avocate de se retrouver l’accusée, dans le viseur de la justice. Mais à force de manquements, de peines inappropriées, de conditions délétères, est-elle toujours crédible notre sacro-sainte justice ?

Porté par un trio solide et engagé – mention spéciale à l’éblouissante Élodie Laurent, qui nous tire les larmes autant que les éclats de rire –, accompagné à l’écriture et à la mise en scène par Lucie Digout, habillé d’une création sonore subtile et pénétrante signée Jefferson Lembeye, qui nimbe les scènes en créant des ambiances adéquates, ce spectacle encore frais, mais plein de qualités, monte en puissance sur sa durée pour éclater en un réquisitoire bouleversant qui fait état des conditions de détentions indécentes au pays des droits de l’Homme. Et cette parole, née du terreau même du système judiciaire, vaut tous les reportages documentaires et enquêtes infiltrées. Elle se lève face à nous dans ce qui rend le théâtre si indispensable depuis la nuit des temps : se faire le miroir de nos dérives, l’écho de nos civilisations et l’observatoire de nos zones d’ombre.

Marie Plantin – www.sceneweb.fr

30 minutes
Écriture Roxane Best, Thomas Meyer
Mise en scène Roxane Best, Lucie Digout, Thomas Meyer
Avec Roxane Best, Élodie Laurent, Thomas Meyer
Dramaturgie Lucie Digout
Assistanat à la mise en scène Louise Delilez
Scénographie Yuma Fournier
Création lumière Lucien Laborderie
Création sonore Jefferson Lembeye
Entraînement chant Laura Clauzel

Production Compagnie La Loupe
Coproduction Studio Théâtre de Stains et Théâtre Montansier
Coréalisation Les Plateaux Sauvages
Avec le soutien et l’accompagnement technique des Plateaux Sauvages
Avec le soutien de la DRAC Île-de-France, de la Ville de Saint-Ouen, du Moulin d’Andé, des Maisons Mainou et du CENTQUATRE-PARIS

Durée : 1h15

Les Plateaux Sauvages, Paris
du 3 au 15 novembre 2025

4 novembre 2025/par Marie Plantin
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