Sceneweb
  • À la une
  • Actu
  • Critiques
    • Coup de coeur
    • A voir
    • Moyen
    • Décevant
  • Interviews
  • Portraits
  • Disciplines
    • Théâtre
    • Danse
    • Opéra
    • Cirque
    • Jeune public
    • Théâtre musical
    • Marionnettes
    • Arts de la rue
    • Humour
  • Festivals
    • Tous les festivals
    • Festival d’Avignon
    • Notre Best OFF
  • Rechercher
  • Menu Menu

Julien Villa s’égare entre Mexique et Aveyron

Décevant, Les critiques, Paris, Théâtre

photo Tixador

Dans Rodez-Mexico, Julien Villa crée pour son collectif d’acteurs fidèles la fiction d’un autre groupe. Il est mené par un certain Marco, jardiniez communal à Rodez dans l’Aveyron qui s’inspire de la figure du sous-commandant Marcos jusqu’à s’identifier à lui. La rencontre entre réel et imaginaire, France et Mexique, passé et présent produit hélas aussi peu de sens que de théâtre.

Muni d’une lampe torche qui éclaire faiblement un échafaudage et un bric-à-brac s’étalant à ses pieds, Laurent Barbot nous fait entrer dans Rodez-Mexico côté Mexique. Mais d’un Mexique fantasmé, imaginé à partir d’une histoire elle-même peut-être inspirée d’une légende : celle du Vieil Antonio, utilisée dans tous ses communiqués par le sous-commandant Marcos, insurgé mexicain, en 1994 lors du soulèvement qu’il initie dans la région du Chiapas en tant que porte-parole de l’EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale). En déroulant une fable où trois jeunes Mexicains rencontrent dans leurs jeux la sagesse du vieil Antonio, le comédien aux allures d’explorateur perdu dans la nuit pose d’emblée l’objectif de la pièce de Julien Villa : depuis la France d’aujourd’hui, aller vers le Mexique d’hier. Ce double mouvement, géographique et temporel, semble être pour l’auteur et metteur en scène une manière de placer les injustices actuelles dans un continuum de violences. Cette méthode très usuelle dans les luttes d’aujourd’hui produit hélas ici bien peu de théâtre et de pensée.

Sans transition, le conte du Vieil Antonio, plein de métaphores et de philosophie, s’éclipse devant un univers tout autre dès lors que s’avance sur scène le comédien Damien Mongin qui jusque-là fumait des cigarettes dans un coin. Avec lui, la fiction change de place : elle est non plus une chose étrangère, lointaine, qui se tapit au fond des bois et des esprits, mais est désormais un élément parmi d’autres du réel. Marco Jublovski en effet, le jardinier communal à Rodez qu’incarne Damien Mongin, devient une sorte de Don Quichotte lorsqu’on lui apprend la démolition prochaine de son pavillon, dernier obstacle à l’extension d’une zone industrielle. Il rejoint alors dans son étrangeté et son désir d’en découdre avec le capitalisme le protagoniste du spectacle précédent de Julien Villa, Philip K., ou la fille aux cheveux noirs : un écrivain paranoïaque imprégné par l’œuvre de Philip K. Dick au point de ressembler aux personnages qui l’habitent, et surtout à l’écrivain lui-même. Dans Rodez-Mexico, Marco s’identifie lui aussi à une figure du passé : le sous-commandant Marcos en personne.

La transformation de Marco en Marcos nouvelle version, de Rodez et de notre temps, est traitée de manière assez hâtive et simpliste. Présenté comme un être dénué de toute culture, de même que la bande d’amis avec qui il traîne depuis toujours son ennui, le jardinier se métamorphose au retour d’une visite au Larzac, où il découvre grâce à un film le sous-commandant Marcos et sa lutte. Son apprentissage, qu’il fait dans les livres malgré un entourage peu compréhensif, donne lieu sur scène à un récit d’apprentissage dont on ne sait s’il est ironique ou pas. Si l’on décide qu’il l’est, une autre difficulté se présente : contre qui ? La cible de Julien Villa et ses comédiens a beau être clairement l’ennemi invisible qu’est le capitalisme, les habitants de Rodez apparaissent dans le spectacle sous un jour peu glorieux, caricatural. La métamorphose de Marco n’arrange rien : à mesure que les personnages entrent dans son jeu révolutionnaire, ils basculent seulement vers un ridicule un peu plus carnavalesque et surréaliste. L’arrivée de nouveaux camarades précipite cette évolution. Noémie Zurletti y contribue avec son personnage de baba espagnole délurée, et Renaud Triffault en journaliste bileux à outrance d’une radio régionale.

Les acteurs ne vont toutefois pas jusqu’à l’excès en matière de comédie : jusque dans leurs pitreries, ils conservent une forme de sérieux qui doit beaucoup à leur rapport au passé. Cet entre-deux contribue au flou entourant l’intention précise de Julien Villa et ses comédiens. Contrairement à ce qu’on a par exemple pu voir récemment à Saint-Soline, où une répression policière particulièrement violente a fait resurgir la mémoire de mouvements plus anciens de sans-terre tels que ceux du Larzac et du Chiapas, le recours à une mémoire des luttes n’est pas source d’une intelligence particulière. Au contraire. Elle n’est pas non plus un moteur de création esthétique. Il aurait peut-être fallu pour cela que passé et présent se côtoient sur le mode du frottement plutôt que de la fusion. Tout comme les comédiens auraient sans doute gagné à jouer davantage avec le roman écrit en amont par Julien Villa et Vincent Arot, ou à rendre visible un jeu qu’ils font peut-être sans que le spectateur puisse s’en douter.

Il est aussi regrettable que Rodez-Mexico ne garde aucune trace de son processus de création singulier, qui témoigne chez Julien Villa d’une tentative passionnante d’inventer une autre manière de faire du théâtre, hors des modes de production et de diffusion existants. En 2021 en effet, relate l’artiste, c’est sous la forme d’une marche que l’équipe a commencé ses répétitions. Entre Monbalen, Cancon-Villeréal et Bergerac, leur sous-commandant Marco ses amis ont arpenté villages et campagnes « à la recherche du peuple mexicain ». Ils ont « cherché à faire dialoguer la fiction de la pièce avec le réel des territoires arpentés ». Dans la pièce, ce réel n’apparaît que de façon très dénaturée, à travers la carricature décrite plus tôt. Lorsque les artistes disent vouloir revenir régulièrement à leurs marches, qu’ils présentent comme formant un tout avec Rodez-Mexico, on peine à imaginer comment ils vont retrouver le monde et ses combats après les avoir tant quittés.

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

Rodez-Mexico

Pièce écrite au plateau à partir du roman Rodez-Mexico de Julien Villa

Mise en scène : Julien Villa

Avec:  Vincent Arot, Laurent Barbot, Tristan Ikor, Clémence Jeanguillaume, Damien Mongin, Renaud Triffault, Noémie Zurletti

Collaboration à l’écriture du roman:  Vincent Arot

Dramaturgie : Samuel Vittoz

Scénographie : Laurent Tixador

Vidéo et lumières : Gaëtan Veber

Composition musicale : Tristan Ikor, Clémence Jeanguillaume

Régie générale et régie son : Raphaël Joly

Production/développement/presse : Mara Teboul, Élise Bernard – Bureau L’œil écoute.

Production : La Propagande Asiatique en coproduction avec le Théâtre de Lorient – CDN, La Comédie de Caen – CDN de Normandie, l’Empreinte – scène nationale Brive-Tulle, la compagnie Vous êtes ici, le Melkior Théâtre – La Gare Mondiale, l’agence culturelle départementale Dordogne-Périgord dans le cadre des résidences d’artistes territorialisées, le Théâtre de l’Union – CDN du Limousin avec l’aide de la DRAC Nouvelle Aquitaine, de l’OARA Nouvelle Aquitaine avec le soutien de la Maison Forte de Monbalen en coréalisation avec le Théâtre de la Tempête.

Le roman Rodez-Mexico de Julien Villa est publié aux éditions Rue de l’échiquier

Durée : 2h

Théâtre de la Tempête – Paris (75)

Du 31 mars au 23 avril 2023

2 avril 2023/par Anaïs Heluin
Partager cette publication
  • Partager sur Facebook
  • Partager sur X
  • Partager sur WhatsApp
  • Partager sur LinkedIn
  • Partager par Mail
  • Lien vers Instagram
Vous aimerez peut-être aussi
Guillermo Pisani crée Croyances #1 au Théâtre 13« Croyances #1 », dans le laboratoire de résistance de Guillermo Pisani
Utopie d’Alexandre Horréard
Banquet Capital de Sylvain Creuzevault
Avec Julien Guyomard, les zombies ont ce qu’ils (m)éritent
Pères de Élise Chatauret et Thomas Pondevie au Festival Off d'Avignon 2021 Les Pères, figures multiples entre intimité et société
Victor Inisan crée Mars Exploration aux Plateaux SauvagesMars Exploration, transe interstellaire
Sylvain Creuzevault défend les « sans-dents »
Lazare, Ismaël, Jésus, Nerval, pêle-mêle sur scène
1 réponse
  1. Avril
    Avril dit :
    8 avril 2023 à 16 h 41 min

    Vous né connaissez rien à la realidad

    Répondre

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dans le moteur de recherche, plus de 22 000 spectacles référencés

© Sceneweb | Création site et Maintenance par Limbus Studio
  • L’actualité du spectacle vivant
  • Qui sommes-nous ?
  • Newsletter
  • Politique de confidentialité
  • Signaler un abus
  • Contact
  • Politique de cookies (UE)
Faire défiler vers le haut