Du 10 juillet au 12 septembre, le Théâtre national de Strasbourg organise « La Traversée de l’été ». Un programme aussi riche que pluriel où se succèdent une dizaine de projets artistiques. Plein feu sur quatre d’entre eux.
Après plusieurs mois d’interruption contrainte et forcée, le Théâtre national de Strasbourg a voulu prendre l’été à contre-pied. Habituellement fermé au public le temps de la trêve estivale, le lieu a, cette année, fait le pari de l’ouverture et de la projection pour renouer, tout à la fois, avec le public et les artistes. « Durant La Traversée de l’été, les portes du théâtre fonctionnent un peu comme celles d’un saloon, explique la responsable de la coordination du projet, Hélène Bensoussan. L’idée est que les spectateurs puissent pénétrer à l’intérieur, mais aussi que nos propositions se démultiplient à l’extérieur. » Dans les rues de Strasbourg, bien sûr, mais aussi à travers tout le département du Bas-Rhin. Parmi la dizaine de projets artistiques proposés – dont une reprise de deux épisodes de L’Odyssée d’Homère créé, l’an passé, au Festival d’Avignon par Blandine Savetier, artiste associée au TNS et désormais implantée avec sa compagnie dans la région Grand Est –, les « Brigades contemporaines » illustrent sans doute le mieux cette double volonté.
Composées de jeunes élèves-comédiens volontaires des groupes 45 et 46 de l’Ecole du TNS, elles portent les mots de dramaturges contemporains là où, habituellement, ils ne vont pas. Dans des Ehpad, des collèges, des centres socio-culturels ou, plus simplement, dans la rue, comme ce samedi matin du mois de juillet. Habilement installés sous le porche qui jouxte la librairie Quai des Brumes, Jisca Kalvanda, Achille Regianni, Quentin Ehret et Kadir Ersoy s’emparent, sans coup férir, des mots de Danielle Collobert, Pauline Peyrade, Andrea di Consoli (Il y aura sûrement), Bernard Marie-Koltès (Dans la solitude des champs de coton) ou Peter Handke (Par les villages). Dûment préparées, ou plus improvisées, ces irruptions dans l’espace public parviennent à accrocher, le temps de quelques secondes ou de longues minutes, l’attention des passants et des commerçants de la Grand’Rue. Plus habitués au confort du public captif qu’à la volatilité des spectateurs des arts de la rue, les apprentis-comédiens ne se laissent, pour autant, jamais désarçonner, et battent le pavé avec ces extraits où se percutent le politique et l’intime.
D’intime, il est également question, à quelques pas de là, dans l’une des salles de répétition du TNS. Autour de la table, huit écrivains en herbe intéressés par l’écriture de soi boivent les paroles de Julien Gaillard. Avant Julie Aminthe, Pauline Peyrade et Roland Fichet, le dramaturge s’est, pour une quinzaine de jours, plié à l’exercice de l’atelier d’écriture qu’il conduit, avec moult pédagogie, d’une main de maître. Arrivés à mi-parcours, après avoir abordé, notamment, les notions de fiction et de personnage, et déjà porté la plume dans la plaie, les « élèves » bénéficient, ce matin-là, d’un topo accéléré sur l’histoire de l’écriture de soi. Grâce à leur parole libre et leur attention de chaque instant, ils parcourent les âges et débattent des pratiques de Saint-Augustin et de Pétrarque, de Montaigne et de Rousseau, de Strindberg et de Joyce, sans jamais perdre de vue leur objectif : pouvoir s’inscrire, un jour, à une échelle ou une autre, dans cette vertigineuse lignée.
Un voyage dans le passé auquel invite aussi, dans un tout autre style, la visite de l’ancien conservatoire. Conçue et conduite par une pair d’élèves-comédiens du groupe 46, elle permet de pénétrer dans ses 3.500 m2 laissés tristement à l’abandon depuis quinze ans. Insolite et surprenante, telle une ballade fantôme, elle permet de découvrir la richesse et les multiples handicaps de ce lieu méconnu, de son architecture classée et de sa salle de concert délaissée, où les 600 fauteuils poussiéreux témoignent d’un temps révolu et d’un avenir incertain.
Patrimoniale et culturelle donc, cette Traversée de l’été n’est reste pas moins, et c’est son fil rouge, intrinsèquement théâtrale, comme le prouve la répétition ouverte au public organisée, chaque samedi, par Gwenaël Morin. En pleine création d’Andromaque à l’infini – présenté lors de la Semaine d’art à Avignon, avant de s’inscrire dans « L’Autre saison » du TNS –, le metteur en scène, qui n’aime rien tant que se nourrir des équilibres précaires, a souhaité utiliser la présence de spectateurs pour « mettre sous tension » son trio de comédiens issus du programme Ier acte. Accompagnés par Barbara Jung, la collaboratrice artistique de Gwenaël Morin, Sonia Hardoub, Mehdi Limam et Emika Maruta offrent alors une énergie incroyable aux vers raciniens. Embarqués dans un rythme effréné, dont leur metteur en scène ajuste constamment le tempo, ils révèlent l’urgence de la pièce de Racine et donnent à ressentir les flux et les reflux qui traversent, habitent et parfois submergent ses personnages. En 1h30 chrono, ils prennent Andromaque à bras-le-corps et la transforment en une mer furieuse, où les marées montantes et descendantes se succèdent autant qu’elles se chevauchent. De quoi offrir aux spectateurs une mise en bouche de haut-vol et de très bon augure pour les ateliers de transmission et le rendu final à venir.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
La Traversée de l’été du TNS
Un programme de 10 projets artistiques : les voyages d’Ulysse dans L’Odyssée d’Homère (Blandine Savetier), les ateliers d’écriture (Julien Gaillard, Julie Aminthe, Pauline Peyrade, Roland Fichet), la Troupe Avenir s’empare de l’été, les visites de l’ancien conservatoire et du théâtre, les brigades contemporaines, les résidences d’artistes (Andromaque à l’infini de Gwenaël Morin ; Îlots de Sonia Chiambretto et Yoann Thommerel), les batailles littéraires, les résidences d’écriture (Gwendoline Soublin et Guillaume Cayet) et #TNSChezVousProgramme complet à retrouver sur le site du TNS
Théâtre National de Strasbourg et en itinérance dans le Bas-Rhin
du 10 juillet au 12 septembre 2020
Merci pour cet article élogieux, très précis et en adéquation avec notre volonté de travail. Cependant permettez-moi de vous soumettre une correction : mon nom s’écrit MeHdi LimaM.
Merci
Mehdi Limam, acteur de Gwenaël Morin
Bonjour Mehdi, avec toutes nos excuses, vous avons corrigé, bonne journée.
Si même les théâtres nationaux se prêtent à cette comédie du théâtre totalement amateur c’est que vraiment ils n’ont rien d’autre à créer. La troupe de G.Morin et ses performances est particulièrement affligeante. Ils ne connaissent rien aux alexandrins à la diction ni même au sens de la pièce. Ce Morin est un imposteur.