Carnets de création (14/28). Le chorégraphe retrouve sa compagnie Emka après son « passage » au Ballet de l’Opéra de Paris. Sa création Dabkeh est à découvrir sur Culturebox le 18 février. Portrait du chorégraphe « du moment ».
Mehdi Kerkouche ne semble plus toucher terre : après des vidéos « confinées » acclamées sur les réseaux sociaux l’an passé puis une commande venue d’Aurélie Dupont, il s’invite ces jours-ci sur Culturebox nouvelle chaîne sur le Canal 19 de la TNT. Le temps de présenter son « bébé », Dabkeh, remonté pour l’occasion et capté au Palais de Tokyo à Paris. Dans sa voix, il y a encore et toujours cette vitalité cachant sans doute autre chose : souvenirs de ses débuts à l’arrache avec la danse comme « sauf-conduit » sans doute. «Pas de plan B » dit-il en évoquant son parcours. Dans sa famille il y avait beaucoup d’amour mais pas assez d’argent pour lui payer les cours de danse. Mehdi arrête l’école en 1ère, certain qu’il y a une vie possible en croyant à sa passion. Inutile de dire qu’enfant il était du genre à danser partout et tout le temps. Il va chorégraphier pour des shows tv, croisé une artiste comme Christine and the Queens, apprendre à rêver plus fort en quelque sorte. Son style brasse hip hop, danse jazz et contemporaine. Son enthousiasme fait le reste. Lorsque nous l’avons rencontré, en octobre dernier dans un studio à l’opéra Bastille, il restait quelque chose de cette jeunesse filante. Mais à bientôt 35 ans Mehdi Kerkouche peut viser les étoiles. « Et Si », sa pièce pour une dizaine d’interprètes du Ballet de l’Opéra de Paris, en a séduit plus d’un.
On va pouvoir enfin découvrir Le Kerkouche des débuts. « Dabkeh est mon premier projet pour ma compagnie en 2018 et comme tel il a tous les « défauts » d’une première fois. Après mon exposition via les réseaux sociaux puis ma création à l’Opéra de Paris on est venu me proposer cette captation. A la base, je n’avais pas de moyens pour la faire vivre complétement sur un plateau ; j’avais l’envie de la revisiter. Nous avons occupé deux espaces du Palais de Tokyo au moment du tournage. L’idée c’est de casser le rapport scène/salle et de faire vivre une expérience à 360 degrés. On peut parler de Dabkeh 2.0 ! ». Surtout cette chorégraphie lui « permet de se reconnecter à ses racines algériennes. Par la musique arabe notamment ».
Mehdi Kerkouche, pour autant, ne cache pas une certaine frustration : ces deux dernières créations n’ont en effet pas rencontré le public enlive, pandémie oblige. De quoi lui donner des sueurs froides pour la suite. « Durant mes nuits blanches, je vois ma future pièce « privée » de spectateurs » plaisante-t-il à peine. « Je suis dans le doute ». Dans le rapport sur la diversité tout juste remis à Alexander Neef nouveau directeur de l’Opéra de Paris, Pap Ndiaye et Constance Rivière citent le nom de Mehdi Kerkouche pour pointer le faible nombre de chorégraphes invités dans la maison issus justement de la diversité. « Bintou Dembelé a été la première du côté de l’Opéra (avec Les Indes galantes), moi pour le ballet. Mais je ne pense pas que l’Opéra de Paris soit dans un engagement de façade. Il y a un réel projet d’ancrer cette maison dans son époque, dans une actualité. Il ne s’agit pas de se donner bonne conscience. Il faut continuer ce travail d’ouverture. J’espère avoir été un bon exemple. L’Opéra après tout n’invite pas tellement de chorégraphe français… ». En attendant Mehdi Kerkouche s’imagine un futur plein de défis. « En 2020 je me disais, on y va, on danse. Je vivais, comme beaucoup d’autres, au jour le jour. Les retours du public comme de la presse ont été bienveillants. Cette année je suis seul contre moi-même. »
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
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