Génération sceneweb (2/30). En une décennie, la metteuse en scène sera passée de l’écriture de plateau à Maurice Maeterlinck, du CNSAD au Festival d’Avignon, avec son intuition et sa soif de théâtre pour unique boussole.
Il n’aura pas fallu longtemps à Julie Duclos pour apprendre à oser. Dès sa sortie du CNSAD, la jeune femme tape haut, très haut, et envoie une maquette à Didier Julliard qui, à l’époque, épaule Stéphane Braunschweig en tant que secrétaire général et directeur de programmation du Théâtre de La Colline. « Après dix années de théâtre, je me rends compte que mon parcours se fonde sur un agencement entre hasard et désir, explique-t-elle. A côté du travail artistique, il faut une grande conviction, une foi dans ce que l’on fait, pour avoir la force d’aller frapper aux portes et risquer quelques coups d’audace. » Celui-ci s’avère payant et, cinq ans plus tard, elle voit son troisième spectacle, Nos Serments, programmé dans la petite salle du théâtre national, et sa carrière connaître un joli bond en avant. « Même si c’est cette pièce qui m’a fait découvrir, je dois aussi beaucoup à La Loge et au Théâtre de Vanves, qui m’ont fait grandir, et à des partenaires de longue date, comme Célie Pauthe, qui m’a suivi depuis le début », précise-t-elle.
Après un passage par le Festival d’Avignon, avec son Pelléas et Mélisande, et une récente association au Théâtre national de Bretagne, « tout parait évidemment plus simple aujourd’hui » aux yeux de la metteuse en scène qui s’estime « chanceuse ». « Je peux désormais m’inscrire dans une logique de partenariat avec les producteurs, et parler sur un pied d’égalité avec eux », souligne-t-elle. D’autant que Julie Duclos a, au fil de ses spectacles, prouvé qu’elle était une touche-à-tout, en renouvellement constant, capable de passer, avec la même aisance, de l’écriture de plateau la plus pure (Masculin/Féminin) à l’adaptation d’une oeuvre ultra-classique comme celle de Maurice Maeterlinck. « Dans les choix que je fais, je suis finalement très intuitive, presque instinctive, remarque-t-elle. J’écoute évidemment, comme tout artiste, le monde qui m’entoure, mais je ne m’oublie pas. Dans une société où tout va très vite, où tout est de plus en plus binaire, je crois que le travail du théâtre est d’amener des contrepoints, d’offrir des espaces aux spectateurs et la réflexion qui va avec. Lorsque nous avons créé Nos Serments en plein pendant l’attentat contre Charlie Hebdo, je me souviens d’un débat très difficile, presque pénible, qui interrogeait la pertinence d’une pièce sur les rapports amoureux alors que le terrorisme frappait à notre porte. Or, je pense que le travail sur l’amour, sur l’intime, est nécessaire aussi dans les temps que nous traversons. »
Un nouveau segment
Une période trouble et troublée que la metteuse en scène vit comme un « temps de solitude » alors que, sans création durant cette saison 2020-2021 plus que chamboulée, elle passe, pour l’instant, entre les mailles du filet. « Je pense que cette situation appelle une capacité de rebond encore plus forte que d’habitude et renvoie à la question de la nécessité de l’art et du théâtre, considéré comme « non essentiel », en même que temps que chacun à lui-même, assure-t-elle. A titre personnel, elle m’a permis de prendre conscience de ce que je voulais vraiment. Cela constitue une étape qui se conjugue avec une décennie de carrière et me donne envie d’ouvrir un nouveau segment. » Déjà amorcé avec Pelléas, qu’elle considère comme « une conquête », son face-à-face avec les textes de théâtre se poursuivra, en septembre prochain, lors de son adaptation de Kliniken de Lars Norén. « C’est une oeuvre pour beaucoup d’acteurs dans un univers, celui de l’hôpital psychiatrique, radicalement différent de celui de Maeterlinck, mais qui nécessite de mêler un travail documentaire et un soupçon de poétique. »
Pour le reste, Julie Duclos ne s’interdit rien. Si prendre la tête d’un lieu n’est, pour l’instant, pas à son ordre du jour, elle souhaiterait poursuivre son chemin d’actrice au cinéma, voire réaliser ce long métrage qu’elle est en train d’écrire, et qui n’est pas étranger à son langage théâtral, particulièrement cinématographique. « Tout dépendra beaucoup des opportunités, des désirs, des rencontres, anticipe-t-elle. Une seule chose est certaine : j’aurai toujours besoin d’être créatrice, de fabriquer des objets, de faire bouger les lignes pour apporter ma modeste pierre à l’édifice en matière de direction d’acteurs comme de scénographie. L’important étant de ne jamais devenir un faiseur et de continuer à être travaillée par une nécessité. »
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
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