Génération sceneweb (19/30). Fort du succès de HEN, ce touche-à-tout assume son statut d’indiscipliné. Marionnette, théâtre, chanson, Johanny Bert impose sa petite musique.
Il le dit sans ambages : Johanny Bert est un autodidacte « en partie ». Il aime « à chaque création inventer un nouveau protocole de travail, nourrit des expériences précédentes. Ces dix dernières années m’ont permis je crois, d’assumer mon identité de créateur multiple ». Il ne fait pas mystère de l’incompréhension parfois ressentie dans le milieu. « La marionnette est souvent un prolongement fascinant que je confie aux acteurs (mais pas toujours) et je travaille avant tout avec des interprètes qu’ils soient acteurs, danseurs, chanteurs, plasticiens ». Cette décennie « dingue » est celle où des théâtres ont fini par lui faire confiance comme la Comédie de Clermont-Ferrand dirigée par Jean-Marc Grangier ou la Scène nationale de Dunkerque avec Ludovic Rogeau. « C’est une chance de retrouver les spectateurs d’un théâtre années après années, de grandir avec eux ».
Les créations se sont enchainées comme Dévaste-moi avec Emmanuelle Laborit, Elle pas Princesse/lui pas héros écrit par Magali Mougel ou HEN. Ce dernier, auréolé d’un prix de la critique, n’en finit pas de surprendre. Un cabaret queer enchanté et politique. « Je fabrique des spectacles comme un artisan et je tente de comprendre le monde dans lequel je vis. C’est pour le moment ma façon de faire. Les quelques activités d’association ou d’aides durant le confinement sont des actes personnels. Les créations que je fais en équipe sont forcément des réactions à ce que nous vivons. Nous ne pouvons faire autrement non ? Il y a des actes forts dans notre société qui me révoltent, que je ne comprends pas ou que je ne veux pas comprendre. Je pense par exemple que l’assassinat de Samuel Paty est un échec de notre démocratie. L’art, la culture au même titre que l’éducation devrait permettre qu’un acte comme celui-là ne puisse jamais exister. Nous avons raté quelque chose. Je suis un enfant de la décentralisation et je crois à cette identité forte qui permets notamment d’ouvrir les esprits, de développer un regard critique. Je ne sais pas si j’y parviens dans mes spectacles mais j’y travaille en tous cas. L’art développe à tout âge une pensée active qu’il ne faut pas négliger et qui n’a rien à voir avec une démarche explicative ou pédagogique. Que ce soit le spectacle vivant, le cinéma, la sculpture, la peinture, les installations ou d’autres arts…je crois d’abord à la confrontation directe à une œuvre. Il s’agît de sensations, d’émotions, de grenades de vie et d’humanité qui peuvent se déposer à l’intérieur de chacun de nous ».
Comme beaucoup d’artistes Johanny Bert a vécu 2020 avec angoisse. « Les artistes ont été très touchés et nous le serons sur le long terme mais je pense aussi beaucoup aux théâtres qui nous accueillent et leurs équipes. C’est un travail titanesque lorsqu’on souhaite le faire de façon sensible et pertinente, de relier des artistes et leurs projets à des publics très différents. Les équipes de ces théâtres sont souvent tout aussi engagées que nous. Le lien avec les publics est fragile, se construit pas à pas et peut se déconstruire aussi vite ». Une épopée nouvelle aventure de Johanny a demandé trois ans de préparation. On y passe, en famille, une journée au théâtre. Autant dire un défi par temps de crise sanitaire. 4 auteurs.trices, sept acteurs, un musicien, une équipe technique conséquente. Tout le planning a été bouleversé. « Nous n’avons pu jouer que deux représentations avec toutes les consignes sanitaires. Masques, distanciation etc. Et pourtant c’était une fête de théâtre, vraiment ! ». La tournée reprendra en février prochain au Bateau Feu de Dunkerque puis à la MC93 de Bobigny. Au plus près du vivant.
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
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