Génération sceneweb (22/30). Entré à la Comédie-Française à seulement 25 ans, le comédien y a depuis croisé les plus grands, tels Ivo van Hove et Thomas Ostermeier, séduits par sa présence particulière et son grain de voix pétri de mystère.
Intégrer la troupe de la Comédie-Française peut ressembler, à première vue, à un rêve de gosse, un objectif de carrière mûri et préparé de longue date. Pas pour Christophe Montenez. Son entrée soudaine, presque fortuite, au sein de la maison de Molière, en juillet 2014, à seulement 25 ans, le comédien la doit en grande partie à Galin Stoev, qui l’avait dirigé quelques semaines plus tôt dans Liliom. « Un jour, Galin m’appelle et me dit : « Est-ce que tu veux rencontrer Muriel Mayette [alors administratice générale de la Comédie-Française, NDLR] demain matin ? ». J’avais, à l’époque, une image assez muséale de cette maison où je n’avais jamais mis les pieds, mais les propositions de ce genre ne se refusent pas. Alors, deux semaines avant la fin de son mandat, j’ai fait sa connaissance, lors d’un rendez-vous très humain, presque pas théâtral, et dès l’après-midi je répétais Tartuffe que Galin était en train de créer. »
Depuis, Christophe Montenez est devenu l’un des piliers de la jeune garde du Français, embarqué dans nombre de spectacles qui, ces dernières années, ont fait événement. Des Damnés à Electre/Oreste, montés par Ivo van Hove, d’Angels in America, adapté par Arnaud Desplechin, à La Nuit des rois ou Tout ce que vous voulez, revue et corrigée par Thomas Ostermeier, sa présence particulière et son grain de voix pétri de mystère ont su envoûter les plus grands, et le public à leur suite. « Au début, on prend tout avec gourmandise, on joue beaucoup, beaucoup, beaucoup, et c’est génial car c’est le plateau qui nourrit, explique-t-il. Alors qu’à l’École du TnBA, on m’avait appris à sacraliser le plateau, ce qui a alimenté cette foi, quasi-religieuse, que j’avais dans le théâtre, ces expériences m’ont permis de réguler cette chose-là et de me rendre compte que ce n’était aussi « que » du jeu. »
Se ménager une fenêtre de liberté
Car le co-fondateur du collectif Les Bâtards Dorés n’est pas comédien à considérer l’art dramatique comme l’alpha et l’oméga du monde, même s’il reste très attaché à « cette idée hugolienne que la poésie pourra le sauver, à cette force du cérémonial théâtral qui permet de se retrouver collectivement dans une société de plus en plus individualiste ». Loin d’être retranché dans sa tour d’ivoire de la place Colette, il se laisse traverser, et tourmenter, par ses soubresauts. « La question écologique, par exemple, me fait très peur et peut me rendre les choses vaines, confie-t-il. Je sens parfois poindre en moi l’envie de me terrer à la campagne et de faire quelque chose de mes mains, mais, une fois cela sédimenté, j’ai ce désir de construire artistiquement qui revient très fort. Même si on nous promet l’apocalypse, on a rien d’autre à faire que de continuer, car ce serait lâche d’abandonner. »
La suite, Christophe Montenez ne l’envisage d’ailleurs pas autrement que sur un plateau, au rythme de « cet escalier naturel qui, jusque-là, [l]‘a balloté de projet en projet ». Happé par le cinéma – il jouera notamment dans le prochain film de Mélanie Laurent, Le Bal des Folles –, il entend « construire un équilibre entre les rôles formidables au Français, où [il est] récemment devenu sociétaire, et une fenêtre de liberté à soi pour faire respirer tout ça ». « Même si je ne suis plus en première ligne, le travail que je continue à mener avec Les Bâtards Dorés m’est toujours aussi cher, assure-t-il. Il me fait me réaliser, dans l’horizontalité du collectif, à un endroit de metteur en scène, et me permet de tenter de répondre à une question fondamentale : qu’est-ce que mon théâtre dit du monde et dit de moi ? »
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
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