Au Théâtre des Champs-Elysées, Philippe Jaroussky dirige son premier opéra avec Jules César de Haendel. A la tête de son ensemble Artaserse et d’un plateau vocal de premier ordre, il galvanise un spectacle d’inspiration « arty ».
Giulio Cesare est sans doute l’opéra de Haendel le plus connu et joué. Alors même qu’il l’a souvent chanté sur scène, le contre-ténor relève un sacré défi en assurant désormais la direction musicale de l’ouvrage dans la nouvelle production que met en scène Damiano Michieletto. Chanteur amoureux des voix, instrumentiste de formation, fin connaisseur du répertoire baroque qu’il ne cesse de défendre, Philippe Jaroussky convainc admirablement pour sa première apparition en fosse d’orchestre où se déploie avec intensité et sensibilité un son généreux et chaleureux au service d’une vision aussi bien ciselée que contrastée de l’œuvre. Malgré quelques légers défauts de justesse, l’orchestre et son chef confèrent autant de vigueur que de volupté à la musique qui réclame cette belle vitalité. A la formidable énergie et la majesté de l’orchestre, répond une palette de voix auxquelles Jaroussky se montre très à l’écoute. Chacun des chanteurs aborde pour la première fois son rôle en scène, tout en subtilité et avec un souci constant de l’expressivité dramatique.
La mise en scène dont le propos s’écarte de tout pittoresque Égyptien ne donne pas à voir de large plaine bordant le Nil ou de somptueux palais ou harem orientaux ; tout cela est calfeutré derrière les murs d’une boîte s’apparentant au péristyle caractéristique de la tragédie classique, un espace à la fois mental et organique, plus symbolique qu’illustratif, dans lequel les protagonistes sont prisonniers comme ils le sont de leur destin voué à la finitude. En effet, la mort domine la représentation. Le sang ruisselant et la cendre funéraire ne tardent pas à maculer les parois blanches du décor. Grave et sévère, le fantôme de Pompée hante le plateau comme les trois Parques, divinités décaties aux silhouettes zombiesques, corps nus blafards et longues chevelures couleur ébène. Elles prennent place dans une installation sculpturale qui, à la manière très reconnaissable de Chiharu Shiota, entrelace des fils rouges formant une immense toile de lignes de vie.
Cette mise en image picturale et conceptuelle de l’intrigue propose des tableaux esthétisants assez froids qui peinent parfois à faire pleinement s’animer les pulsions et les passions humaines. Une tonalité funeste prend le pas sur la délicieuse malice et la flamboyance de l’ouvrage. Aux antipodes de héros triomphants, les protagonistes se présentent souvent prostrés, torturés et affligés. A commencer par le rôle-titre tenu par Gaëlle Arquez qui fait d’un point de vue vocal un fort beau et touchant César quoique théâtralement sans trop de relief. La fougue et l’ardeur reviennent davantage au Ptolémée débauché de Carlo Vistoli, et à l’Achille imposant de Francesco Salvadori. En Cléopâtre, Sabine Devieilhe un brin coquette et altière, s’illustre dans une entreprise de séduction formidablement réussie. Elle palpite et éblouit dans pléthore d’arie tendres et sensuelles agrémentées de fioritures et de suraigus à l’envie. Lucile Richardot aux graves rugueux fait une Cornélia profondément tragique tandis que Franco Fagioli aux aigus tantôt suaves tantôt corsés et aux vocalises virtuoses, libère une émotion vengeresse à fleur de peau. Le chanteur domine et illumine le plateau dans le rôle de Sesto qu’interprétait justement Philippe Jaroussky aux côtés notamment de Cecilia Bartoli et passera lui aussi à la direction d’orchestre la saison prochaine avec, on l’espère, autant de succès que son pair.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Giulio Cesare in Egitto
Jules César en Egypte
Georg Friedrich HaendelPhilippe Jaroussky | direction
Damiano Michieletto | mise en scène
Thomas Wilhelm | chorégraphie
Paolo Fantin | scénographie
Agostino Cavalca | costumes
Cécile Kretschmar | coiffure, maquillage, masques
Alessandro Carletti | lumièresGaëlle Arquez | Jules César
Sabine Devieilhe | Cléopâtre
Franco Fagioli | Sextus
Lucile Richardot | Cornelia
Carlo Vistoli | Ptolémée
Francesco Salvadori | Achille
Paul-Antoine Bénos-Djian | Nireno
Adrien Fournaison | CurioEnsemble Artaserse
Opéra chanté en italien, surtitré en français et en anglais
NOUVELLE PRODUCTION
COPRODUCTION Théâtre des Champs-Elysées | Oper Leipzig |
Opéra National de Montpellier | Théâtre du Capitole de Toulouse
En partenariat avec france.tvAvec le soutien de Madame Aline Foriel-Destezet, Mécène principale des opéras mis en scène au Théâtre des Champs-Elysées
Théâtre des Champs-Elysées
du 11 au 22 mai 2022
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