Mis en scène par Phia Ménard, l’opéra de chambre composé par Philip Glass d’après Cocteau perd la fraîcheur juvénile qui fait pourtant son profond intérêt.
Dans la trilogie qu’il consacre à l’œuvre de Cocteau, le compositeur américain s’éloigne des grandes fresques musicales telles son révolutionnaire Einstein on the beach, pour se tourner vers des formes lyriques plus chambristes et narratives. Créé en 1996, Les Enfants terribles suit de près Orphée (1991) et La Belle et la bête (1994). Inspirée du roman du même nom paru en 1929 et de son adaptation cinématographique par Jean-Pierre Melville en 1950, l’œuvre met au cœur de son propos le sort tragique de jeunes enfants épris de liberté et de transgression.
Pilotée par le directeur musical Emmanuel Olivier et confiée à la performeuse et metteuse en scène Phia Ménard, cette nouvelle production de la co[opéra]tive a été créée à Quimper puis présentée à Rennes avant de partir pour une longue tournée. Cette singulière version des Enfants terribles semble bien mal porter son titre. Car les protagonistes Paul et Elizabeth n’y sont plus des adolescents livrés à eux-mêmes, divagant dans leur chambre d’enfant où ils s’isolent du monde et laissent se déployer leur propre réalité imaginative. A la place, s’impose un huis-clos autrement moins séduisant : des vieillards rabougris en fauteuil roulant ou prostrés sur les sofas d’un hospice où ils demeurent confinés.
Ils évoluent sous le contrôle de Jonathan Drillet qui endosse les rôles du narrateur disert et de Cocteau lui-même. En blouse d’infirmier ou en robe d’animatrice, l’acteur distribue leurs pilules médicamenteuses aux patients comateux, propose un atelier récréatif de pliage de papier ou un carnaval fantomatique.
L’incandescent pouvoir hallucinatoire de la musique de Philip Glass fait pénétrer comme par magie dans l’intrépide rêverie adolescente dont la scène prive malheureusement. Avec une merveilleuse douceur, un délicat équilibre entre humour et mélancolie, l’accompagnement exclusivement pianistique laisse entrevoir ce monde originel et onirique empreint d’autant d’ardeur que d’apesanteur. Le quatuor de solistes et les trois pianos numériques présents sur scène sont comme emportés par le tourbillon d’un large plateau tournant qui symbolise sans doute l’inexorabilité du temps qui passe et la vitesse à laquelle il a défilé. Son incessant mouvement comble l’absence des danseurs que Glass imaginait avec la complicité de la chorégraphe Susan Marshall à la création. Ici c’est le décor qui bouge et tente de dynamiser un ensemble un peu morne.
Absconse et éculée, la transposition dans une maison de retraite a tout du hors-sujet et du déjà vu. Déjà complexe, l’intrigue est rendue encore plus difficilement compréhensible tant viennent se contredire ce qui est donné à voir et ce qui se dit dans le texte du livret. Tout au long de la représentation, on se demande où sont passées l’insolence, l’énergie, l’ambiance fiévreuse et sulfureuse de l’œuvre. Peut-être faudrait-il, à l’instar des personnages principaux, chausser son nez d’une paire de lunettes de réalité augmentée, pour tenter de goûter ce qui fait le piquant de la pièce, sa jeunesse fulgurante, la naissance dévastatrice du désir, sa troublante ambivalence, la passion et la destruction qui en émanent, ce sont autant d’éléments à côté desquels le spectacle donne l’impression de passer.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Les Enfants terribles
Jean Cocteau / Philip Glass / Phia Ménard / Emmanuel Olivier
Les Enfants terribles de Philip Glass
Opéra pour quatre voix et trois pianos
(Créé le 18 mai 1996 au Théâtre du Casino de Zoug dans le cadre du Festival Steps)Livret de Philip Glass et Susan Marshall d’après Jean Cocteau
Nouvelle Production
Première le 8 novembre 2022 au Théâtre de Cornouaille – Scène nationale de QuimperMise en scène et scénographie Phia Ménard
Direction musicale Emmanuel OlivierAssistante mise en scène et scénographie Clarisse Delile Création lumières Éric Soyer Costumes Marie La Rocca Dramaturgie Jonathan Drillet Régie générale Marie Bonnier Régie son Jonathan Lefèvre-Reich Régie plateau Nicolas Marchand
Paul Olivier Naveau
Elisabeth Mélanie Boisvert
Dargelos/Agathe Ingrid Perruche ou Anne-Marguerite Werster
Gérard François Piolino
Narrateur Jonathan DrilletPianos Nicolas Royez, Flore Merlin, Emmanuel Olivier
Production de la co[opéra]tive ; Les 2 Scènes / Scène nationale de Besançon, Théâtre Impérial – Opéra de Compiègne, Le Bateau Feu / Scène nationale de Dunkerque, Théâtre de Cornouaille / Scène nationale de Quimper, Opéra de Rennes, Atelier Lyrique de Tourcoing
Coproduction La Comédie de Clermont-Ferrand scène nationale, MC2 / Scène nationale de Grenoble, MC93 / Scène nationale de Bobigny, Théâtre national de Bruxelles, Le Carreau / Scène nationale de Forbach.
Durée 1h45
8 et 9 novembre 2022
Quimper – Théâtre de Cornouailledu 14 au 20 novembre 2022
Opéra de Rennes26 et 27 novembre 2022
Atelier Lyrique de Tourcoing1er et 2 décembre 2022
Dunkerque – Le Bateau Feu7 décembre
Théâtre Impérial – Opéra de Compiègne10 et 11 janvier 2023
Besançon – Les 2 Scènesdu 17 au 20 janvier 2023
La Comédie de Clermont-Ferrand1er et 2 février 2023
MC2 : Maison de la Culture de Grenoble10 et 11 février 2023
Théâtre National Wallonie-Bruxellesdu 23 au 26 février 2023
MC93 : Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis Bobigny
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