Pauline Bayle poétise Chanson douce de Leïla Slimani

Quand le théâtre sublime le roman. Avec autant de délicatesse que d’intelligence Pauline Bayle adapte Chanson douce de Leïla Slimani, prix Goncourt 2016 et signe au Studio-Théâtre de la Comédie Française, sa première mise en scène dans le temple du théâtre national.

Bonne nouvelle, c’est à partir de l’œuvre d’une autre jeune femme, Leïla Slimani, que Pauline Bayle construit une adaptation remarquable d’un roman qui avait obtenu en 2016 le prix Goncourt. Chanson douce – dans le livre comme à la scène – annonce d’emblée la couleur, tragique. Une femme a tué deux jeunes enfants. Puis, flash-back sur ce couple de parisiens, bourgeois, qui, parce que l’épouse veut reprendre son activité d’avocate, engagent une nounou. Louise, incarnée par Florence Viala, est cette employée de maison qui, dans un premier temps, va faire le bonheur de la famille. Sébastien Pouderoux joue le père et la petite fille, l’aînée. Anna Cervinka, la mère et le petit dernier. Le couple exerce sur le personnage de Louise cette violence feutrée de la bourgeoisie aimable avec ses employés. « Elle fait partie de la famille » disent-ils, mais, en réalité, ils ne s’intéressent pas à elle. Le spectacle toutefois perdrait en intérêt s’il n’était que dénonciation des mécanismes quotidiens de l’oppression sociale.

S’y ajoute l’ambivalence des personnages, ordinaires et monstrueux, qui conduisent à voir en chacun d’eux des parties de nous. Et surtout un traitement scénique, entre réalisme et fantastique, alternant les points de vue comme il retourne les personnages de parents en enfants, qui produit tout du long une narration fluide et surprenante, élégante et pleine de finesse. Là où le roman trace des destinées et creuse des parcours, le théâtre esquisse, poétise, lance des pistes de sens. Ainsi, le personnage de Louise, invisible sociale, dépose dans la mémoire du spectateur une image marquante et durable, composite. Fragile criminelle, déclassée sacrificielle, ogre de rien du tout dévorée du puissant besoin de l’autre.

Eric Demey – www.sceneweb.fr

Chanson douce d’après Leïla Slimani
Mise en scène Pauline Bayle
Costumes
Bernadette Villard
Lumières
Pascal Noël
Collaboration artistique
Isabelle Antoine
Assistanat à la mise en scène
Béatrice Bienville de l’académie de la Comédie-Française
Avec
Florence Viala,
Sébastien Pouderoux,
Anna Cervinka
Durée: 1h20

Studio de la Comédie-Française
14 mars 28 avril 2019

A l’Espace 1789 de St-Ouen le 14 mai.