
photo Christophe Raynaud De Lage
A la tête des Tréteaux de France depuis peu, Olivier Letellier présente sa nouvelle pièce à destination du jeune public, enfermée dans un environnement naïf et fantastique
Le diabolo de couleur jaune surgit sur scène, côté jardin, roulant sans encombre jusqu’à son propriétaire manifeste. Ce dernier l’attrape, l’enfourche sur le fil tendu entre deux baguettes de bois, et le fait virevolter avec facilité au-dessus de lui. Tout au long du Théorème du pissenlit, nouvelle pièce d’Olivier Letellier arrivé en septembre dernier à la tête des Tréteaux de France, le diabolo sera utilisé comme une parenthèse poétique, maîtrisé de bout en bout par le comédien jongleur Anton Euzenat. L’action de cet instrument semble ainsi à la portée de tous et en premier lieu de celle des enfants. Lesquels forment la cible principale de cette pièce à la mise en scène efficace mais à l’intrigue naïve et schématique.
Suggérant le temps qui passe par sa forme de sablier et les fleurs de pissenlit par sa robe citron, le diabolo gravite donc autour de cette narration chorale signée Yann Verburgh, portée sur scène par cinq voix : celles de trois hommes et deux femmes. Tels des conteurs, ils se relaient pour raconter l’histoire de Li-Na, jeune habitante d’un Etat imaginaire, le Pays-de-la-Fabrique-des-Objets-du-Monde, où elle travaille dans une manufacture de jouets. En parallèle, les comédiens s’adressent au public en le tutoyant, et narre l’existence d’un autre enfant, sans caractéristique particulière mais dont on devine qu’il habite en Occident, recevant un jour un jeu pour son anniversaire avec, à l’intérieur de la boîte, une lettre écrite par… Li-Na. La fillette a rédigé cette missive pour dénoncer le travail des enfants dont elle est victime avec son ami Tao. En toile de fond de cette histoire, de mystérieux pissenlits magiques qui dessinent un horizon d’espérance devant la déshumanisation subie par les deux enfants et leurs collègues.
Dans le bâtiment de béton, Li-Na est réduite à un numéro : 9013. « C’est comme ça qu’on t’appellera », lui lancent les directeurs de l’usine. « Ne pas parler, ne pas s’arrêter, ne pas se tromper » , les enfants ouvriers répètent en boucle ces consignes, aliénés par le travail à la chaîne. Sur scène, les comédiens déplacent et assemblent des casiers à bouteilles – seuls décors de la pièce – tels des Lego devenant tantôt les briques d’une maison, les murs de l’usine, ou une barque sur laquelle se réfugier… Empilés les uns sur les autres, ces casiers prennent la forme de colonnes délimitant le gouffre avilissant du travail en usine dans lequel Li-Na se débat. Les récits de la fillette et de l’enfant ayant trouvé la lettre s’entrecroisent au long de la pièce grâce à un découpage très rythmé alternant le récit de l’une avec celui de l’autre. Notre attention est maintenue sans interruption, en partie aussi grâce à l’énergie constante des cinq jeunes comédiens. Le décor protéiforme comme le plastique servant à la fabrication des jouets, se révèle être un outil ingénieux pour illustrer le récit sans le contraindre.
Toutefois ces belles images ne suffisent pas à convaincre. A l’instar de la dextérité du diaboliste, Le théorème du pissenlit affiche une simplicité troublante. Olivier Letellier et Yann Verburgh s’accrochent au point de vue des enfants, sans parvenir à dégager un horizon plus réflexif. Le recours au genre du conte, mêlant vraisemblance et scènes fantastiques, réduit le sujet du travail des enfants à son essence et le confine dans la pure fiction. En témoigne la fin de la pièce… Pourtant, Le théorème du pissenlit est inspiré de l’histoire vraie des enfants de l’arrière, livrés à leur propre sort en Chine. Malgré cette source réelle, la pièce pâtit du cadre imposé par ses deux auteurs, asphyxiant la complexité pour embrasser le dessein pédagogique, hélas trop compendieux. Mais ne sont-ce pas là finalement les caractéristiques propres d’un théorème ?..
Kilian Orain – www.sceneweb.fr
Le théorème du pissenlit
de Yann Verburgh
Mise en scène Olivier Letellier
Interprétation Fiona Chauvin, Anton Euzenat, Perrine Livache, Alexandre Prince, Antoine Prud’homme de la Boussinière
Assistante à la mise en scène Marion Lubat
Création lumières Jean-Christophe Planchenault
Création sonore Antoine Prost
Assistant son Haldan de Vulpillières
Scénographie-accessoiriste Cerise Guyon
Accessoiriste, régisseuse plateau Elvire Tapie
Costumes Augustin Rolland
Régie générale Celio Menard
Régisseurs lumière en alternance Arthur Michel et Jean-Christophe Planchenault
Régisseurs son en alternance Haldan de Vulpillières, Celio Menard, Arnaud Olivier
Régisseurs plateau en alternance Brahim Achhal et Elvire TapieProduction Théâtre du Phare, Les Tréteaux de France, Centre dramatique national itinérant
Coproductions Le Théâtre de la Ville – Paris, La Filature – Scène nationale, Espace des Arts – Scène Nationale de Chalon sur Saône, Le Grand T – théâtre de Loire-Atlantique, Théâtre de la Manufacture CDN Nancy Lorraine, Le Quai CDN Angers Pays de la Loire, La Maison des Arts de Créteil, Le Grand Bleu – Scène conventionnée d’intérêt national « Art, enfance et Jeunesse », Ville de Fontenay-sous-Bois, Théâtre de Sartrouville et des
Yvelines – CDN, Scène nationale du Sud-Aquitain, Le Canal théâtre du Pays de Redon, scène conventionnée d’intérêt National art et création pour le Théâtre, L’Équinoxe – Scène nationale de ChâteaurouxAvec le soutien : du Théâtre de l’Arsenal de Val-de-Reuil – scène conventionnée d’intérêt
national « art et création pour la danse » et du Domaine du Mons (Vitrac sur Montane)Spectacle tout public à partir de 9 ans
Durée 1h
du 14 au 18 mars 2023
Théâtre de La Ville – Paris au Théâtre des AbbessesDu 23 au 25 mars 2023
Théâtre de La Manufacture – Nancy29 et 30 mars 2023
Espace des Arts – Chalon-Sur-Saônedu 5 au 7 avril 2023
Le Grand T – Nantesdu 12 au 14 avril 2023
Maison des Arts de Créteildu 19 au 21 avril 2023
Théâtre de Sartrouville et des Yvelines4 et 5 mai 2023
Le Quai – Angers11 et 12 mai 2023
Le canal – Redon15 et 16 mai 2023
Scène nationale Bayonne Sud-Aquitaine25 et 26 mai 2023
Théâtre d’Angoulême Scène nationaledu 1er au 3 juin 2023
Théâtre de Lorient CDN
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