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Un vivant qui passe : itinéraire d’un complice ordinaire

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Jean-Louis Fenrnandez
Nicolas Bouchaud dans Un vivant qui passe d'après Claude Lanzmann

Photo Jean-Louis Fernandez

Au Théâtre de la Bastille, Nicolas Bouchaud s’approprie le troublant documentaire de Claude Lanzmann et décortique l’aveuglement, individuel et collectif, face à la machine d’extermination nazie.

Depuis une dizaine d’années, en parallèle de sa carrière de pur comédien, Nicolas Bouchaud trace un sillon artistique bien à lui et fait son miel de textes qui, a priori, ne sont pas théâtraux par essence. Du Méridien de Paul Celan à Maîtres anciens de Thomas Bernhard, en passant par l’entretien entre Serge Daney et Régis Debray retranscrit dans Itinéraire d’un ciné-fils, il cherche à s’approcher au plus près de la pensée, parfois ardue, souvent passionante, d’intellectuels de tous horizons, à entretenir un contact direct avec elle pour mieux en sonder la profondeur, en appréhender la complexité, voire en sentir le pouls. Avec l’aide de ses fidèles complices Véronique Timsit et Eric Didry, il s’est cette fois attaqué à un monument, ou plutôt à l’appendice d’un monument : Un vivant qui passe, ce documentaire ad-hoc que Claude Lanzmann avait filmé pendant le tournage de Shoah. Contrairement à Sami Frey qui, hasard du calendrier, s’en est lui aussi récemment emparé lors d’une lecture au Théâtre de l’Atelier, Nicolas Bouchaud n’est pas directement parti de la transcription écrite de ce face-à-face entre Claude Lanzmann et Maurice Rossel, mais est revenu aux rushes du film, façon, pour lui, d’aller dénicher dans cette matière brute une vision augmentée de la complicité passive dans laquelle Rossel s’est laissé piéger.

Car, dans l’Histoire, ce Suisse, délégué à Berlin du Comité international de la Croix-Rouge pendant la Seconde guerre mondiale, restera comme celui qui n’a rien vu, qui n’a pas pu, ou pas voulu, « voir au-delà ». A deux reprises, pourtant, il s’est approché, comme peu de gens, du coeur de la machine d’extermination nazie. La première lorsque, en 1943, il se rendit à Auschwitz où il rencontra, à ses dires, le commandant du camp, Rudolf Höss ; la seconde quand, en juin 1944, il fut autorisé par les autorités allemandes à pénétrer dans le « ghetto modèle » de Theresienstadt. A chaque fois, Maurice Rossel nie avoir ne serait-ce que soupçonné l’ampleur de la barbarie à l’oeuvre. A Auschwitz, il reconnaît tout juste avoir croisé la route de « squelettes ambulants » chez qui « il n’y avait que les yeux qui vivaient », mais réfute avoir aperçu les lueurs ou senti l’odeur émanant des fours crématoires ; à Theresienstadt, il s’est laissé abuser par la mise en scène que les Allemands, à commencer par Adolf Eichmann, avait mis au point, durant six mois, pour préparer sa venue. De cette visite dans cette ville-forteresse Potemkine qui n’était, en réalité, qu’un point de passage vers Auschwitz et Treblinka, il tira même un rapport positif qui rendit possible, plutôt que de les dénoncer à la face du monde, la poursuite des déportations.

Au fil d’une adaptation qui a la justesse de replacer Maurice Rossel dans un système beaucoup plus large que lui, où des institutions, comme le CICR, et des Etats, de la France à la Suisse, se laissent enfermer dans le mensonge, cette joute musclée entre l’intervieweur et l’interviewé a la force d’un uppercut. Dans sa manière de décrire l’itinéraire d’un complice ordinaire, trop ordinaire, elle parvient à montrer toute l’ambivalence de cet homme qui, tout en étant antinazi, est gorgé de cet antisémitisme ambiant qui lui permettra, notamment, de décrire Theresienstadt comme un ghetto d’ « Israélites », ne cesse-t-il de marteler, « riches et importants ». Malgré les coups de boutoir de Claude Lanzmann qui se plait à le mettre sur le grill, Maurice Rossel parvient à rester dans cette zone grise, tel un animal hagard, au pied du mur, qui n’assume pas, n’avoue pas, mais ne se renie pas non plus. A partir de cet échange substantiel, aux confins de la lâcheté et de la médiocrité humaines, on peut simplement regretter qu’Eric Didry n’ait pas fait le choix d’une plus grande radicalité, capable de pousser encore un peu plus les feux de ce face-à-face.

En lieu et place, il préfère apporter une touche de théâtralité, à la fois didactique dans son principe – pour appuyer la sombre comédie qu’a été Theresienstadt – et artificielle dans son exécution. De la « visite » faussement inaugurée en préambule – où sont rappelés des éléments historiques bien connus ou qui se laissent aisément comprendre par la suite – au tour de chant final, ces quelques éléments apparaissent souvent décalés, voire inutiles, face à un texte qui, pris à bras-le-corps, se suffisait amplement à lui-même. Reste que le tandem formé par Nicolas Bouchaud et Frédéric Noaille tient fermement la barre. Le second en Lanzmann quasi-procureur qui tente de tirer les vers du nez de son interlocuteur, de lui faire cracher le morceau en le mettant face à ses contradictions, de l’acculer avec la réalité des faits historiques ; et le premier en Rossel ambigu qui, telle une anguille, mais tout en répondant aux interrogations, ne cesse de vouloir fuir, de s’échapper sans en donner la ferme impression. Jusqu’à, en définitive, réussir à se réfugier dans ce flou qui soulage, sans doute, sa conscience, mais ne dupe plus personne.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Un vivant qui passe
d’après Claude Lanzmann
Adaptation Nicolas Bouchaud, Éric Didry, Véronique Timsit
Mise en scène Éric Didry
Collaboration artistique Véronique Timsit
Avec Nicolas Bouchaud, Frédéric Noaille
Scénographie et costumes Élise Capdenat, Pia de Compiègne
Peintres Eric Gazille, Matthieu Lemarié
Lumière Philippe Berthomé en collaboration avec Jean-Jacques Beaudouin
Son Manuel Coursin

Production déléguée Otto Productions Nicolas Roux ; Théâtre Garonne – scène européenne
Coproduction Festival d’Automne à Paris ; Théâtre de la Bastille ; Comédie de Clermont-Ferrand – scène nationale ; Bonlieu – scène nationale d’Annecy ; Théâtre national de Nice – Centre dramatique national ; La Comédie de Caen – Centre dramatique national
Accueil en résidence La Villette, Paris

Durée : 1h30

Théâtre de la Bastille, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
du 2 au 23 décembre 2021, puis du 3 au 7 janvier 2022

Points Communs, Cergy-Pontoise
les 3 et 4 février

La Comédie de Clermont-Ferrand
du 9 au 12 février

Comédie de Caen
du 22 au 24 février

Théâtre national de Nice
du 2 au 4 mars

Théâtre Garonne, Toulouse
du 29 mars au 9 avril

4 décembre 2021/par Vincent Bouquet
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