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On ne sera jamais Alceste : sur les bancs de l’école Jouvet

A voir, Les critiques, Paris, Théâtre
Lisa Guez monte On ne sera jamais Alceste d'après Louis Jouvet au Studio-Théâtre de la Comédie-Française Christophe Raynaud de Lage
Lisa Guez monte On ne sera jamais Alceste d'après Louis Jouvet au Studio-Théâtre de la Comédie-Française

Photo Christophe Raynaud de Lage, coll. Comédie-Française

Au Studio-Théâtre, Lisa Guez s’inspire des préceptes du metteur en scène pour imaginer une leçon de théâtre, nourrie avec malice par Michel Vuillermoz (à la création en 2022 – rôle repris par Dominique Parent), Gilles David et Didier Sandre.

Cartable sur le dos, gâpette sur la tête, Didier (Sandre) et Gilles (David) arrivent par la petite porte, celle des apprentis-comédiens, des artistes en devenir. En bons élèves, ils sont là légèrement en avance, dans l’attente anxieuse du professeur, juge et maître, qui doit venir apprécier la scène qu’ils avaient à préparer. Histoire de tromper le stress qui se lit dans leur regard et dans leur attitude, ils mettent soigneusement en place quelques éléments de décor, un banc ici, une table là, une chaise juste à côté, tout en devisant sur les clefs de la salle qu’ils semblent avoir égarées. Quand soudain leur mentor surgit, du haut des gradins. Et Louis Jouvet (Michel Vuillermoz) de descendre les marches d’un pas tranquille et assuré, tout en donnant, au passage, des bons et mauvais points aux membres du public, transformés, le temps d’une soirée, en étudiants du Conservatoire venus assister au supplice annoncé de leurs camarades.

Au programme : la scène 1 de l’acte 1 du Misanthrope de Molière. « Le début, quoi », se hasarde Didier, face à la mou déjà dubitative du professeur ; cet échange si compliqué à appréhender entre Alceste et Philinte qui contient et annonce tous les enjeux de la pièce à venir – comme bon nombre de scènes d’exposition du théâtre classique. D’emblée, les jeunes acteurs se lancent tête baissée, et abattent la carte de l’incarnation un peu forcée. Jouvet ne tarde pas à les arrêter, sans aucun égard pour leur fougueux élan. A ses yeux, rien ne va, à commencer par l’ersatz de mise en scène imaginée par le tandem. Le maître veut entendre le texte, et rien que le texte, façon de se concentrer sur la pièce maîtresse, la clé de voûte de la cathédrale théâtrale qui, si elle n’est pas solidement charpentée, tend à faire s’écrouler tout l’édifice. Alors les deux apprentis vont, une heure durant, remettre la scène sur le métier, et les rôles circuler entre les trois comédiens-français qui joueront, chacun leur tour, le prof et ses deux élèves.

Et il est là, sans doute, le premier levier du succès de la mise en scène de Lisa Guez qui s’est emparée, au Studio-Théâtre, de Molière et la comédie classique, fondé sur des cours donnés par Louis Jouvet au Conservatoire au tournant des années 1940. Conforme à l’esprit de ce maître du théâtre français – s’il est impossible d’incarner des personnages, comment pourrait-on l’incarner, lui ? –, cette fluidité des rôles offre une progression et un rythme naturels à cette répétition au long cours qui se transforme bien vite en leçon de théâtre qui fera école. Celle, à tort ou à raison, où le texte est glorifié, où l’auteur est sanctifié, placé au-dessus de tout. Pour Jouvet, un acteur ne doit pas chercher à tirer le personnage à lui, mais à s’inscrire dans son esprit, et dans celui de l’auteur, se laisser traverser par l’énergie du texte, plutôt que de vouloir y mettre la sienne, comme on tenterait de ranimer un corps inerte. « À 70 ans, quand tu seras un grand comédien et un grand homme, car il faut être un grand homme pour jouer Alceste, tu joueras Alceste, mais tu ne seras pas Alceste ; tu mourras et Alceste vivra », résume-t-il avec humilité.

Pour animer encore davantage cette pensée, Lisa Guez a eu la riche idée de la mêler à cette écriture de plateau qu’elle affectionne – comme en témoigne son précédent spectacle, Les Femmes de Barbe-Bleue – et que Michel Vuillermoz, Gilles David et Didier Sandre ont nourrie avec malice. Leur expérience en bandoulière, ils font honneur à leur statut de comédien hors-pair, capable de jouer faux – trop neutre, trop incarné, trop à côté –, de passer avec une aisance déconcertante de rôle en rôle, d’habiter le plateau avec une complicité réelle, et de s’amuser aussi, beaucoup, avec ce texte qui ne manque jamais de sel, de traits d’esprit cassants et autres énervements, comme si du théâtre dépendait la vie. Savoureux, l’ensemble se laisse regarder avec gourmandise, et une pointe de curiosité dans sa manière de lever le voile sur les coulisses et sur la fameuse formation de l’acteur chère à un autre grand maître, Constantin Stanislavski.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

On ne sera jamais Alceste
d’après Molière et la comédie classique de Louis Jouvet
Mise en scène Lisa Guez
Avec Michel Vuillermoz (à la création en 2022), Gilles David, Didier Sandre, Dominique Parent.
Adaptation Lisa Guez, Alexandre Tran
Dramaturgie Alexandre Tran
Scénographie et lumières Lila Meynard
Assistanat à la scénographie et aux costumes Auriane Robert de l’académie de la Comédie-Française

Molière et la comédie classique de Louis Jouvet est publié aux Éditions Gallimard.

Durée : 1h

Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Paris
du 21 novembre 2024 au 5 janvier 2025

29 mars 2022/par Vincent Bouquet
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