Michel Raskine s’en laisse conter

Photo Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Pour la première fois, Michel Raskine aborde le territoire du conte. Créé à l’occasion du Festival d’Avignon, son Blanche-Neige, histoire d’un prince écrit par Marie Dilasser dynamite les codes du genre. Et des genres.

Certains contes posent au théâtre les mêmes questions que le répertoire classique. Comment les raconter aujourd’hui ? En restant tout à fait fidèles aux récits d’origine, ou en prenant la liberté de les adapter à l’époque ? Dans Blanche-Neige, histoire d’un prince, Michel Raskine invente entre ces deux voies une réponse collective. Confiant l’écriture à Marie Dilasser et la construction des nombreux objets du spectacle à la marionnettiste Claire Dancoisne, il fait du célèbre conte de Grimm un espace de rencontres. Un carrefour d’esthétiques diverses en direction de tous les publics. Avec une attention particulière portée aux enfants, mis à l’honneur à la Chapelle des Pénitents Blancs où est présenté le spectacle. Audacieux, le mélange donne lieu à de beaux moments, mais aussi à une certaine confusion.

Il faut dire que Marie Dilasser, fidèle à son goût de la farce et du subversif – pour Michel Raskine, son écriture se place dans la filiation de Copi et de Jarry – y va franchement en matière de transformations. Au point non seulement de donner au Prince le premier rôle de sa fable, mais aussi d’en faire « une petite femme » qui a vieilli prématurément après ses noces. Blanche-Neige n’est pas épargnée par le remue-ménage. Tandis que son Prince se ridait, la belle qui est en fait « un grand homme » n’a cessé de « grandir grandir grandir ». Le tout dans un royaume où, nous apprend au début du spectacle une voix off, il n’y a « plus rien à excaver ni à couper ». Où il n’y a « plus de bals, ni de banquets, ni d’armes pour les chevaliers ».

Blanche-Neige, histoire d’un prince ne prend pas les enfants pour des créatures perchées. Il nous plonge dans un univers traversé par des questions sociales et politiques qui ne sont pas sans rappeler les nôtres. Tout bricolés, à base de rouge et de noir façon presque gothique, les costumes réalisés par Michel Raskine lui-même et le décor de Stéphanie Mathieu – une sorte de castelet géant qui recèle de nombreuses surprises – créent toutefois une atmosphère onirique. De même que les nombreux objets qui portent la belle marque de Claire Dancoisne, tels une grosse lune de métal et des nains en ferraille qui s’agitent en un boucan d’enfer.

Aussi beau soit-il, tout ce matériel, ajouté à tous les sujets que brasse la pièce, laissent assez peu de place au jeu. Dans le rôle du Prince, Marief Guittier reste au bord du trouble qu’elle aurait pu susciter. Le jeune et très longiligne Tibor Ockenfels est une Blanche-Neige qui demeure au seuil de son fort potentiel comique, et le technicien Alexandre Bazan incarne à l’aide d’une grande perruque blonde une Souillon sans grande épaisseur. Tout en manipulant à vue le castelet géant. Très dense, le texte de Marie Dilasser peine alors à être entendu. Bien qu’ayant chacun son langage, sa gouaille personnelle, tous les personnages sont pris dans un tourbillon qui gomme leurs aspérités pourtant nombreuses. Et qui leur fait rater en partie leur rendez-vous avec la lune, avec toutes les curiosités de Claire Dancoisne.

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

Blanche-Neige, histoire d’un Prince
Texte Marie Dilasser
Mise en scène et costumes Michel Raskine
Décor Stéphanie Mathieu
Lumières Julien Louisgrand
Objets mécaniques Olivier Sion
Collaboration artistique Claire Dancoisne

Production Rask!ne & Compagnie
Coproduction Festival d’Avignon, Le Bateau Feu Scène nationale Dunkerque, La Maison/Nevers Scène conventionnée Art en territoire, Théâtre du Vellein Communauté d’Agglomération Porte de l’Isère, Théâtre Molière – Sète Scène nationale archipel de Thau
Avec l’aide de Théâtre La Licorne (Dunkerque)
Blanche-Neige, histoire d’un Prince de Marie Dilasser, est publié aux éditions Les Solitaires intempestifs.

Durée : 1 heure

Festival d’Avignon 2019
Chapelle des Pénitents Blancs
Les 6, 7, 8, 10, 11 et 12 juillet à 11h et 15h

Comédie de Valence
Du 1er au 4 octobre 2019

Le Bateau Feu – Dunkerque (59)
Du 8 au 12 octobre 2019

Le Rive Gauche – Saint-Etienne-du-Rouvray (76)
Le 15 octobre 2019

Théâtre du Gymnase – Marseille (13)
Les 6 et 7 novembre 2019

Théâtre du Vellein – Villefontaine (38)
Les 21 et 22 novembre 2019

Comédie de Saint-Etienne (42)
Du 4 au 6 décembre 2019

Théâtre Molière – Sète (34)
Les 19 et 20 décembre 2019

La Maison/Nevers (58)
Du 7 au 9 janvier 2020

Château Rouge – Annemasse (74)
Les 30 et 31 janvier 2020