Après Molière, Barillet et Gredy, Jean Poiret ou Edouard Bourdet, Michel Fau retrouve un écrivain anglo-saxon. En 2012, il avait mis en scène Que faire de Mr Sloane ? de Joe Orton, il s’attaque à l’une des pièces les plus célèbres de Pinter, Trahisons en choisissant une sacrée partenaire de jeu : Claude Perron.
Trahisons est la pièce la plus personnelle de Pinter. Créée en 1978 au Royal National Theatre de Londres c’est un peu de l’histoire de la vie du dramaturge anglais, habitué aux frasques conjugales. En 1977, Harold Pinter quitte sa femme, l’actrice Vivien Merchant, avec laquelle il s’était marié en 1956, pour Lady Antonia Fraser. L’affaire fait les gros titres de la presse à scandale. Mais Trahisons raconte aussi une autre histoire de Pinter, celle de sa relation avec la présentatrice de télévision Joan Bakewell.
Trahisons décortique les relations amoureuses, la façon dont elles se construisent et se brisent. La pièce débute au moment où deux amants adultérins se retrouvent deux ans après leur rupture. La pièce remonte le temps jusqu’aux premières rencontres. Pendant dix ans le couple vit caché. Emma est trahie par une lettre envoyée par son amant Jerry. Robert, son mari devine tout, mais elle fait comme si de rien n’était et continue de voir en cachette son amant dans leur garçonnière. Tandis que le mari voit de son côté l’amant qui est aussi son meilleur ami.
C’est un polar amoureux croustillant dont on reconstitue le puzzle tout au long des neuf scènes. Pinter commence par la fin et remonte le fil de l’histoire. Michel Fau fait débuter sa pièce dans une salle de squash, de dos avec Roschdy Zem, en tenue de sport, ils frappent la balle, en silence. Le silence, la clé de la pièce de Pinter ; ces moments de non-dits, de gènes où chaque personnage épie la réaction de l’autre. Michel Fau respecte à la lettre la dramaturgie de Pinter. Autant que les mots, les regards sont d’un grande importance dans cette une pièce d’atmosphère. Les silences créent le malaise et le doute. A ce jeu subtil, Michel Fau et Claude Perron offrent une composition parfaite. Roschdy Zem manque un peu de nuances et a du mal à se hisser à la hauteur de ces deux monstres de théâtre, totalement dans la peau de leur personnage. Il se révèle dans la dernière scène, ivre et amoureux ; celle qui débute cette histoire d’amour adultérine.
Harold Pinter a écrit une pièce très séquencée, où l’on voyage de Londres à Venise. Michel Fau ajoute à chaque scène du mobilier cubique tapissé de gros plans empruntés à des tableaux célèbres. L’espace vide, se remplit petit à petit. Le metteur en scène fait également ressortir le côté absurde de l’écriture de Pinter, avec ces phrases redondantes. Il y ajoute sa touche personnelle, ce côté farcesque qui agit dans les moindres gestes des personnages, dans ces regards qui révèlent la perversité de ce couple démoniaque et si savoureux composé par Michel Fau et Claude Perron.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
TRAHISONS
une pièce de Harold PINTER
Mise en scène de Michel FAU
Avec Michel FAU, Roschdy ZEM, Claude PERRON, Fabrice CALSDurée: 1h20
Théâtre de la MADELEINE
À partir du 24 Janvier 2020
Du mercredi au samedi à 20h30
Matinée samedi à 16h00
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