Frédéric Sonntag sur les traces du Petit Poucet

photo Eric Miranda

Avec L’Enfant Océan, Frédéric Sonntag signe son premier spectacle jeune public. Une subtile adaptation du roman éponyme de Jean-Claude Mourlevat, qui revisite lui-même un classique de la littérature jeunesse : Le Petit Poucet de Charles Perrault.

Pour interroger la réaction de ses contemporains face aux grandes catastrophes du présent, et questionner la fin des grands récits, Frédéric Sonntag créée depuis 2001 des spectacles au postmodernisme bien affirmé mais rieur, bon enfant. Avec sa compagnie AsaNIsiMAsa, il rassemble diverses références issues de la culture populaire, en marge de l’histoire de l’art, pour construire des enquêtes. Pour, à partir de la disparition d’un personnage – dans B. Traven (2018) par exemple, sa précédente création, il part sur les traces du mystérieux auteur des Trésors de la Sierra Madre –, composer des récits labyrinthiques peuplés de anti-héros. Des histoires fragmentaires où le fictif et le réel se mêlent pour mieux interroger l’époque. Non sans réveiller, au passage, quelques étincelles d’utopie. Frédéric Sonntag a donc toujours eu des affinités avec le conte. Dans L’Enfant Océan, créé en novembre au Théâtre Sénart, c’est pourtant la première fois qu’il aborde ce genre de manière aussi frontale. C’est aussi la première fois qu’il s’adresse au jeune public. Pour le plaisir de tous.

Adapté du roman éponyme de Jean-Claude Mourlevat, pointure de la littérature jeunesse, cette nouvelle création plonge d’emblée les connaisseurs de Frédéric Sonntag en terrain connu. Autrement dit, en plein mystère. Comme B. Traven et comme le personnage central de Benjamin Walter (2015), le petit Yann s’éclipse dès les premières minutes de la pièce. Interprétée par Laure Berend-Sagols, c’est une assistante sociale qui rapporte la disparition. Après avoir ramené l’enfant chez ses parents (Julie Julien et Régis Lux) peu reconnaissants pour le service fourni, elle a eu, explique-t-elle, une sorte de pressentiment. C’est en retournant là où elle avait laissé le garçon qu’elle a constaté non seulement son absence, mais aussi celle de ses six frères aînés. Trois paires de jumeaux qui ont suivi le plus petit sur la route, suite à une conversation surprise entre les deux parents. Dans L’Enfant Océan, Le Petit Poucet a des airs de road-movie et d’enquête policière. Sur fond de misère sociale.

Bien qu’un peu moins foisonnant, un peu moins labyrinthique que dans ses deux dernières créations, Frédéric Sonntag déploie une structure polyphonique. Un entrelacs de témoignages – une boulangère, un camionneur, un écrivain ou encore un contrôleur reviennent sur leur rencontre avec les sept petits fugueurs – et de scènes de route, portés par cinq comédiens qui jouent tous plusieurs rôles. Par des vidéos projetées sur trois écrans également, dont deux mobiles, qui font office de mur de fond et donnent à l’ensemble une tonalité documentaire qui contraste avec l’univers du conte. Qu’il s’adresse aux petits ou aux plus grands, Frédéric Sonntag cultive un art de l’hétérogène. Un goût du labyrinthe fait de matériaux divers, que seul l’espace théâtral peu réunir.

La force de L’Enfant Océan doit beaucoup à ce caractère composite, qui s’organise entièrement autour de Yann. Lequel, disons-le enfin, est très différent de ses six frères, incarnés par trois comédiens (Laure Berend-Sagols, Rémi Fortin et Morgane Peters). Pour exprimer sa singularité, son intelligence hors-normes logée dans un corps tout petit, Frédéric Sonntag a décidé d’en faire une marionnette. Un pantin du type « bunraku », manipulé par les acteurs cités plus tôt. Cet enfant à part, qui place tous ses espoirs dans l’océan qu’il n’a jamais vu mais qu’il veut rejoindre, semble ainsi opposer sa poésie et son mystère au monde qui provoque sa fuite. Muet jusqu’à la fin de la pièce, il est la porte par laquelle peut s’engouffrer l’imaginaire du spectateur. Jusqu’à l’océan si le cœur lui en dit. Ou n’importe où, ailleurs.

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

L’Enfant Océan
Mise en scène et adaptation : Frédéric Sonntag
Avec : Laure Berend-Sagols, Rémi Fortin, Julie Julien, Régis Lux, Morgane Peters
Création vidéo : Thomas Rathier
Création musicale : Paul Levis
Création lumières : Manuel Desfeux
Scénographie : Marc Lainé assisté d’Anouk Maugein
Costumes : Hanna Sjödin
Coiffure / maquillage : Pauline Bry
Construction marionnette : Einat Landais
Régie générale : Boris Van Overtveldt
Régie lumières : Maëlle Payonne
Régie son et vidéo : Mathieu Genevois
Assistanat à la mise en scène : Leslie Menahem
Diffusion : Emilie Henin
Production : Théâtre-Sénart, Scène nationale (production déléguée), cie AsaNIsiMAsa

Coproductions et résidences : Le Grand R, Scène nationale La Roche-sur-Yon, Le Grand Bleu, Scène conventionnée d’intérêt national Art, Enfance et Jeunesse, MA Scène nationale – Pays de Montbéliard, la Nouvelle Scène nationale de Cergy-Pontoise & du Val d’Oise, Théâtre Théo Argence Saint-Priest, La Scène Watteau, scène conventionnée de Nogent-sur-Marne

Avec la participation artistique du Jeune théâtre national et le soutien de l’ERACM

Action financée par la Région Île-de-France

Avec le soutien de la Mairie de Paris

Durée : 1h

Vu au Théâtre-Sénart

La Scène Watteau, Scène conventionnée de Nogent-sur-Marne (Nogent-sur-Marne)
Du 20 au 26 novembre 2019

Théâtre de Vanves (Vanves)
Du 28 au 29 novembre 2019

Théâtre Paris Villette (Paris)
Du 13 décembre 2019 au 05 janvier 2020

Le Manège – Scène nationale de Maubeuge (Maubeuge)
Le 14 janvier 2020

Le Grand R – Scène nationale de la Roche-sur-Yon (La Roche-sur-Yon)
Du 21 au 22 janvier 2020

Le Grand Bleu, Scène conventionnée d’intérêt national Art, Enfance et Jeunesse (Lille)
Du 28 janvier au 01 février 2020

Le Tangram – Scène nationale (Evreux)
Du 13 au 14 février 2020

Points Communs, Nouvelle scène nationale de Cergy-Pontoise / Val d’Oise (Cergy-Pontoise)
Du 25 au 28 février 2020

Théâtre Am Stam Gram (Genève)
Du 12 au 15 mars 2020

Scène nationale de l’Essonne, Agora-Desnos (Evry)
Du 19 au 20 mars 2020

MA Scène nationale – Pays de Montbéliard (Montbéliard)
Du 27 au 28 mars 2020

Théâtre Théo Argence (Saint-Priest)
06 au 07 avril 2020

La Filature, Scène nationale – Mulhouse (Muhlouse)
Du 05 au 06 mai 2020