Marivaux sera à l’affiche à la rentrée avec L’île aux esclaves à Tours par Jacques Vincey et La double inconstance à Toulouse par Galin Stoev. L’occasion de se pencher sur le travestissement dans l’oeuvre de l’auteur du 18e.
Le travestissement est partout chez Marivaux, outre sa pièce Le Prince travesti, il a écrit deux romans portant cet adjectif, suggérant ainsi des histoires transformées : Télémaque travesti et L’Illiade travestie. En ce qui concerne les personnages, l’idée de se travestir est presque dans chaque pièce. La première comédie de Marivaux, Le Père prudent, montre un valet qui se déguise pour devenir un financier, puis une femme. La Double inconstance est aussi une histoire où un prince tombe amoureux d’une paysanne et lui rend visite sous les traits d’un officier afin de la séduire autrement qu’avec sa fortune. Enfin, dans Le Jeu de l’Amour et du Hasard, Silvia prend les traits d’une femme de chambre pour sonder son prétendant, comme dans La Fausse suivante.
Alors qu’est-ce qui motive les personnages de Marivaux à autant se déguiser ? Travestir un personnage offre de nouveaux ressorts burlesques : les personnages n’expriment pas les mêmes idées selon le costume (et donc l’étiquette inhérente) qu’ils portent. Ainsi, ils évitent d’être identifiés et peuvent conserver un libre arbitre qui serait intenable en temps normal. On comprend alors que c’est la société qui pousse les personnages à devoir se déguiser, ils ne le font pas selon une volonté propre ! A l’exception du Prince travesti : c’est la seule pièce qui porte le nom de « travesti » dans le titre et c’est aussi la seule où le déguisement résulte de la volonté d’un personnage.
Ainsi, la dissimulation peut être lue comme un jeu sur les convenances sociales. Marivaux amuse son public en s’amusant de la hiérarchie qui fait office de colonne vertébrale de la société du XVIIIe siècle. Il joue du poids que les conventions font porter à la jeunesse. Lorsque ses pièces étaient représentées à l’Hôtel de Bourgogne, le dramaturge créait des situations tellement absurdes aux yeux du public qu’il provoquait l’hilarité. Aujourd’hui, Marivaux est lu comme une critique sociale et, à l’aune d’un XXIe siècle qui comporte aussi son lot d’inégalités, cette lecture est sans doute salutaire.
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
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