Au ThéâtredelaCité, Clément Bondu signe une pièce singulière, où les préoccupations écologiques et existentielles de la jeunesse actuelle rencontrent l’univers de David Lynch.
Le travail de Clément Bondu est au théâtre ce que celui de David Lynch est au cinéma : on n’y comprend pas grand-chose, mais ce n’est pas bien grave ; c’est même drôlement chouette. Parce qu’à l’inverse des scénarios formatés qui dictent les productions sérielles et cinématographiques actuelles, cette écriture faite d’associations inconscientes intrigue et déconcerte ; parce qu’à défaut d’y trouver un sens univoque, on en gardera des images et des répliques, une bande-son et une atmosphère toute particulière. Telle est la force des œuvres irrésolues : elles nous habitent et nous travaillent bien longtemps après la représentation. Elles nous ensorcellent.
La pièce débute avec un accident de voiture. Au volant de sa Fiat bleu nuit, un homme vient d’échapper à la mort. Quelque part en Espagne, il erre sur le bitume brûlant d’une route déserte. Des cendres jonchent le sol. Les animaux lui parlent et se mettent à l’insulter. Au loin, la mer Méditerranée miroite des reflets blanchâtres. Plus tard, il y aura une jeune femme grecque, aussi brune que ses vêtements sont noirs, officiant dans un bureau de change. À la tombée du jour, elle déambule dans la touffeur d’Athènes au gré de ses rencontres avec un guichetier de cinéma désabusé, une hôtelière au bout du rouleau, un flic corrompu, un touriste égaré… Et ce chien, un fringant et sympathique Border Collie. À l’inverse des personnages qui peuplent cette pièce, il semble être le seul à savoir ce qu’il fait et où il va.
Sur scène, il y a aussi un écran qui diffuse de vieux films italiens et les tribulations de la jeune athénienne. Entre lui et le plateau, la frontière devient poreuse, à l’instar de celle qui délimite la fiction de la réalité, la vie de la mort, l’érotisme de la décrépitude, le grec du français. Chacun se raccroche à ses habitudes tandis que la fin du monde – caniculaire – est déjà bien amorcée. Mais l’on continue à travailler. À voir des films. À espérer vivre de grandes histoires. À se doucher. À rembourser ses dettes. À quoi bon ? On ne le saura jamais… Peut-être qu’au fond, la vie ne tient qu’à ces petites habitudes ; peut-être qu’au fond, nous ne pouvons rien.
Clément Bondu n’est pas David Lynch. Né en 1988, il n’a pas (encore ?) la puissance évocatrice du cinéaste récemment décédé. À cette atmosphère langoureuse et moite bien rendue, il manque une tension dramatique pour provoquer notre adhésion totale. Mais, avec ce Rêve d’Elektra, il semble avoir fait la place à une œuvre à venir, une œuvre que l’on a hâte de suivre de près.
Igor Hansen-Løve – www.sceneweb.fr
Le rêve d’Elektra
Texte et mise en scène Clément Bondu
Avec Isabel Aimé González Sola, Florian Bardet, Clément Bondu, Eriphyle Kitzoglou, et la chienne T’aime
Metteuse en scène animalière Valérie Récher
Scénographie et costumes Charles Chauvet
Création lumière Nicolas Galland
Musique originale et création son Sandax
Réalisation des décors dans les Ateliers du ThéâtredelaCité sous la direction de Michaël Labat
La toile peinte du décor est une œuvre de l’artiste Alizée Gazeau
Réalisation des costumes dans les Ateliers du ThéâtredelaCité sous la direction de Nathalie Trouvé
Tournage à Athènes / Prise de son Inès Sassi
Tournage à Athènes / Prise de vues Clément BonduProduction ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie ; Année Zéro
Avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès
Coproduction L’Archipel – Scène nationale de Perpignan, Théâtre Molière – Sète, ScénOgraph – Scène conventionnée de Saint-Céré, L’Astrada Marciac
Soutien à la résidence d’écriture Théâtre de Lorient – Centre Dramatique National, La Marelle – MarseilleLe texte de la première partie du spectacle est adapté du roman de Clément Bondu Comme un grand animal obscur, publié aux éditions La Contre Allée en octobre 2025.
Durée : 1h30
Vu en mai 2025 au ThéâtredelaCité, CDN Toulouse Occitanie
Théâtre de la Cité Internationale, Paris
du 8 au 11 octobreScénOgraph, Scène conventionnée de Saint-Céré
le 14 novembreThéâtre Molière – Sète, Scène nationale de l’Archipel de Thau
le 19 novembreL’Archipel, Scène nationale de Perpignan
les 27 et 28 novembre
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !