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L’ingénieux Simon Falguières et Molière en leur Moulin

A voir, Festival, Les critiques, Théâtre
Simon Falguières crée Molière et ses masques au Festival du Moulin de l'Hydre 2024
Simon Falguières crée Molière et ses masques au Festival du Moulin de l'Hydre 2024

Photo Compagnie Le K

Avec sa compagnie Le K, le metteur en scène œuvre depuis plusieurs années à la construction d’une utopie théâtrale très concrète au Moulin de l’Hydre, au cœur d’un village du bocage normand. Lors de la troisième édition de son festival annuel, organisée les 6 et 7 septembre 2024, est née sous la pluie et de bonnes étoiles sa création itinérante Molière et ses masques. Une belle et généreuse manière de faire voyager le rare et puissant esprit de troupe qui s’ancre au Moulin.

Dans les grandes fresques épiques que déploie Simon Falguières à la tête de sa compagnie Le K, aussi bien que dans ses solos plus ou moins autobiographiques qu’il crée à un rythme impressionnant, le théâtre a souvent une place centrale. En plus de pratiquer cet art avec ses amis du Cours Florent et d’autres compagnons rencontrés plus tard, l’auteur, metteur en scène et comédien aime y raconter des histoires de troupes, des aventures collectives, où l’art vient bien souvent se dresser contre l’horreur du monde. Ainsi du « Théâtre des campagnes » dans Le Nid de cendres (2018), une troupe de comédiens ambulants à laquelle est abandonné l’enfant Gabriel par ses parents qui fuient une Europe en flammes. En dehors de cette vaste épopée théâtrale – dans sa version intégrale jouée en 2022 au Festival d’Avignon, elle s’étend sur pas moins de 13 heures – qui l’a fait largement connaître, l’artiste écrit et interprète seul en scène son « journal intime théâtral » en sept épisodes, Le Journal d’un autre, où il traite cette fois de son propre itinéraire artistique. Il y rend notamment hommage à la figure paternelle, celle du metteur en scène Jacques Falguières, à la tête pendant trois décennies du Théâtre d’Évreux, devenu Scène nationale sous sa direction.

Une utopie en pratique

Les grandes tablées du Moulin de l'Hydre

Les grandes tablées du Moulin de l’Hydre / Photo Xavier Tesson

Dans les créations de Simon Falguières, le théâtre est ainsi à la fois un lieu concret, familier, et l’endroit d’où partent les mythes. C’est l’espace d’une utopie en marche, que lui et une poignée de fidèles complices travaillent aussi depuis quelques années à incarner dans des murs : ceux d’une ancienne filature du XIXe siècle du petit village de Saint-Pierre-d’Entremont, en pleine vallée du Noireau (Orne), qu’ils rénovent et occupent. Dans cette bâtisse construite dans la grise pierre commune du bocage normand, l’artiste et cinq de ses amis et collaborateurs de longue date, très régulièrement rejoints et aidés par d’autres, font déjà bien des choses. À mesure que l’avancée de leurs travaux le leur permet, ils ajoutent de nouvelles activités à celles qu’ils pratiquent déjà, et mettent ainsi en œuvre leur désir de « repenser la décentralisation », nous confie Simon Falguières le jour de notre visite, à l’occasion de la troisième édition du Festival du Moulin de l’Hydre, les 6 et 7 septembre 2024. « Mes expériences théâtrales de jeunesse dans des squats parisiens, où j’ai pu multiplier les tentatives artistiques et développer avec mon frère de théâtre Léandre Gans un sens aigu de la vie en collectif, ont été fondatrices de mon envie d’un lieu où ancrer l’activité de ma compagnie », poursuit-il. Le parcours qu’il mène ensuite au sein de l’institution consolide sa détermination.

« Pour moi, la seule façon vraiment pertinente de faire de la décentralisation en ruralité aujourd’hui, c’est la vie. C’est d’habiter là où l’on fait théâtre, c’est de parler avec ses voisins, de leur ouvrir les portes, de leur proposer des ateliers ». Des propos qui peuvent rappeler ceux de fondateurs d’utopies anciennes, comme Maurice Potecher à Bussang, ou actuelles comme le Nouveau Théâtre Populaire à Fontaine-Guérin, et bien d’autres de plus en plus nombreux à vouloir faire théâtre en milieux ruraux. Cette relation de voisinage est gagnante pour tous. Lors du festival par exemple, une bonne partie des 70 bénévoles nécessaires est recrutée parmi les forces vives locales. Lesquelles répondent aussi présentes à bien d’autres postes, nombreux à pourvoir auprès de la Compagnie Le K et de l’association Les Bernards l’Hermite fondée par la petite bande pour porter son aventure normande. Quelques heures à peine avant la création de son spectacle Molière et les masques, conçu et répété au Moulin, le metteur en scène nous fait visiter le cadre sublime qui abrite son domaine avec un calme impressionnant, témoignant d’une organisation solide et pensée sur la durée.

Une fête en plein chantier

L'espace de stockage du Moulin de l'Hydre

L’espace de stockage du Moulin de l’Hydre / Photo Xavier Tesson

En suivant Simon Falguières depuis la partie déjà totalement rénovée de son logis – soit l’ancien moulin à eau, qui accueille notamment une cuisine et des logements pour les artistes accueillis en résidence de mars à octobre – jusqu’à celles qui attendent encore de recevoir les soins des Bernards l’Hermite, on a parfois la sensation d’entrer dans l’univers de ses épopées évoquées plus tôt. Lui-même, après avoir donné quelques détails de son complexe montage financier et matériel, où les ressources ultra-locales côtoient des aides européennes, compare le paysage alentour à l’Écosse telle que la décrit Shakespeare, l’un des grands maîtres qui peuplent Le Nid de cendres. « Est-ce qu’on ne dirait pas un peu le château de Macbeth ? », interroge à la ronde Simon Falguières, qui avoue dans la foulée son rêve de monter un jour la fameuse pièce de l’auteur anglais. Si son utopie n’est guère échevelée, elle ne manque ni d’ambition ni d’imaginaire. Et si, pour l’heure, la partie centrale du bâtiment – celle dont il aspire à faire un théâtre de verdure – est encore largement traversée par les vents, on ne doute pas que ces derniers seront bientôt tenus à l’extérieur, où ils ont l’habitude dans la région de sévir en charriant force pluie. Il faudra attendre environ cinq ans avant de pouvoir admirer le résultat final des travaux.

Heureusement, sans perdre de vue son objectif, la vaillante troupe sait apprécier le chemin et en faire partager les bonheurs. Pour preuve, le Festival du Moulin de l’Hydre, construit chaque année autour d’une ou plusieurs créations de Simon Falguières et accueillant d’autres spectacles choisis de façon collégiale par les habitants des lieux. Pour cette troisième édition, une petite dizaine de pièces et concerts, répartis sur deux scènes extérieures et proposés en tarification libre aux visiteurs venus très nombreux et courageux, pluie et orages ayant été des hôtes un peu trop présents. Molière et ses masques, mis en scène par Simon Falguières, et interprété par six comédiens de sa compagnie – Antonin Chalon, Louis de Villiers, Anne Duverneuil, Charly Fournier, Victoire Goupil et Manon Rey –, fut le point fort du rendez-vous, dont on peut regretter que les autres propositions assez hétérogènes soient artistiquement plus faibles. Avec cette pièce conçue pour l’itinérance, l’artiste poursuit sa réflexion en actes sur ce qu’est le théâtre et ce qu’il peut, dans la droite ligne du principe qu’il défend au plateau depuis ses débuts, et qui le guide aussi dans le quotidien du Moulin : faire beau, et beaucoup, avec peu.

Molière avec les moyens du bord

L'une des deux scènes extérieures du Moulin de l'Hydre

L’une des deux scènes extérieures du Moulin de l’Hydre / Photo Xavier Tesson

Dans Molière et ses masques, Simon Falguières et les constructeurs Alice Delarue et Léandre Gans se gardent d’utiliser les compétences en matière de fabrication qu’ils ont dû déployer au Moulin. Tout se passe sur un tréteau blanc auquel est attaché un rideau qui donne au tout une allure hybride, entre la scène de théâtre et le radeau. Ce drôle d’attelage est fait de manière à pouvoir prendre la route et les chemins, d’abord en Normandie puis ailleurs. Car, s’il a désormais son lieu, le directeur de compagnie refuse de s’y replier. Le choix de Molière comme sujet d’une pièce itinérante et à vocation populaire pouvait effrayer, faire redouter une certaine facilité. Le prologue porté par Charly Fournier nous rassure d’emblée. Avec son personnage de bouffon autant imprégné de l’époque de Molière que de la nôtre, aussi délicieux qu’étrange, il pose les bases d’une relation très ludique et libre à la figure tutélaire du théâtre. Laquelle n’est pas sans faire penser au Gabriel du Nid de cendres et à sa famille d’accueil, qui déplace également son théâtre en roulotte. Après un récit de naissance encore plus expédié que chez Boulgakov, dont Le Roman de monsieur de Molière est l’une des sources évidentes de Simon Falguières, la première des deux parties du spectacle raconte la période itinérante de la carrière du personnage éponyme. Soit douze années, traversées au pas de course par les comédiens, dont l’habileté à changer sans cesse de personnage et de registre de jeu excelle à produire une véritable impression de troupe.

Seule Anne Duverneuil est assignée à un seul personnage : elle incarne un Molière excessif, tempétueux dans ses réussites comme dans ses échecs. Les cinq autres se pressent à mettre et enlever les masques, réalisés, tout comme les costumes, par Lucile Charvet, qui à eux seuls prêtent à rire avec leurs crêtes farfelues dressées sur des crânes emballés de plastique. Dans une mise en abyme qui sert efficacement la partition comique de Simon Falguières, les interprètes soulignent volontiers la dimension surhumaine, voire absurde de l’exercice qui leur est confié : dire tout de Molière en seulement 1h20. C’est donc au gré de faux ratés très maîtrisés – seule la pluie qui a interrompu la représentation à dix minutes de la fin n’était pas prévue – qu’avance la narration. La chronologie, traversée à toute bringue, est respectée. Depuis L’Étourdi ou les Contretemps (1653), sa première grande comédie, jusqu’au Malade imaginaire (1673), on suit l’œuvre de l’auteur à travers de très brèves scènes où les masques sont de sortie, ainsi que les codes de la farce inspirés de la commedia dell’arte. Entre ces intermèdes de fiction, les rapports de la troupe avec le pouvoir et l’obscurantisme grandissant sont montrés sous une forme à peine plus sérieuse, qui n’est pourtant pas sans exprimer une certaine gravité. C’est que, derrière les contours exagérés du passé, à travers les simagrées des acteurs, c’est notre présent que l’on distingue sans cesse. Le talent de Simon Falguières et son équipe à garder vivant tout au long de la pièce l’entre-deux époques qu’ils ont choisi d’explorer est encore une preuve de la grande cohérence de son incroyable projet théâtral.

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

Molière et ses masques
Texte, mise en scène et scénographie Simon Falguières
Avec Antonin Chalon, Louis de Villiers, Anne Duverneuil, Charly Fournier, Victoire Goupil, Manon Rey
Construction des tréteaux Le Moulin de L’Hydre : Alice Delarue, Léandre Gans
Création des musiques Simon Falguières, Manon Rey, Antonin Chalon, Charly Fournier
Création costumes Lucile Charvet

Production Le K
Soutiens Le Moulin de l’Hydre / DRAC Normandie dans le cadre de l’été culturel

Durée : 1h20

Représentations en itinérance autour du Moulin de l’Hydre :
Domfront
le 13 septembre 2024

Saint-Pierre d’Entremont
le 15 septembre

Représentations en itinérance autour de Transversales Scène Conventionnée de Verdun :
Hanonville
le 25 septembre

Stenay
le 26 septembre

Verdun
le 27 septembre

Drompcevrin
le 28 septembre

Tournée en itinérance entre le Moulin de l’Hydre et la Comédie de Caen
printemps 2025

9 septembre 2024/par Anaïs Heluin
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