A la Comédie de Reims, Ludovic Lagarde crée un texte d’Olivier Cadiot, « Providence ». Objet étrange, mi-performance textuelle, mi-exploration acoustique, le jeu de Laurent Poitrenaux ne peut laisser aucun spectateur indifférent.
Laurent Poitrenaux semble désabusé, nonchalant, trempé d’un oblomovisme hagard. Assis sur son canapé dans un appartement « high-tech » où aucun fil ne dépasse, il s’amuse cyniquement de sa propre déchéance.
Le texte d’Olivier Cadiot pousse à la contemplation, les références sont multiples et l’ensemble sombre. On apprend d’abord que, un jour où il est malade à ne plus pouvoir bouger, Darwin fait installer au pied de son lit un pot de fleur grimpante dont il observe l’évolution. Malade de son existence, l’expérience du personnage de Cadiot ne sera pas botanique mais sonore. Écoutant bruits et musique, à la manière d’une « Dernière bande » éthérée et allégorique, la vie prend place au premier-plan. Le personnage s’interroge sur le bonheur parfait, une sensation qu’il a connue un seul instant, dans un café de Providence lors d’un agréable après-midi. Un sentiment de totale sérénité connu, mémorisé, mais jamais retrouvé. Il est un hédoniste qui pense sans cesse à un idéal qu’il a arrêté de chercher. Le dialogue vivant entre Laurent Poitrenaux et les machines laisse apparaître des images sensuelles étonnantes : assis dans son fauteuil de théâtre, le spectateur retrouve la sensation d’un jour d’été où, allongé dans l’herbe, le corps est caressé par la brise.
Pourtant, on ne quitte pas physiquement ce studio où est installé un système de quadriphonie. L’éclairage travaillé donne au plateau des airs d’une toile d’Edward Hopper au milieu duquel se tiendrai John Giorno. Le mélange acoustique, narration flottante et précision du jeu fait naître une sensualité des objets, de ces petites sensations qui font frémir et sont propres à chacun mais qui deviennent ici un bonheur partagé.
Si « Providence » connaît quelques longueurs inévitables à toute expérience nouvelle et donc risquée, il en sort une œuvre d’art contemporain globalisée. La technologie vient servir le jeu d’un acteur parfaitement intégré dans un monde virtuel, prise de LSD commune avec le public qui suit un antihéros, avatar consumé du lapin blanc d’Alice au Pays des Merveille. La tristesse qui se dégage des mots laisse quand même apparaître une critique amusée et délirante d’un monde abstrait mais n’étant pas accepté comme tel par le plus grand nombre : celui dans lequel nous vivons.
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
Providence
Texte : Olivier Cadiot
Mise en scène : Ludovic Lagarde
Avec Laurent Poitrenaux
Création novembre 2016 à la Comédie de Reims-CDN
production La Comédie de Reims–CDN
coproduction Théâtre National de Strasbourg, CDN Orléans/Loiret/Centre, Ircam – Centre Pompidou, MC 93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis, Le CENTQUATRE-PARIS
durée : 1h30création du 8 au 19 novembre 2016 La Comédie de Reims–CDN
Du 23 au 25 novembre 2016 CDN Orléans / Loiret / Centre
Les 24 et 25 janvier 2017 Comédie de Caen–CDN de Normandie
Les 31 janvier et 1er février 2017 CDN Besançon Franche-Comté
Du 7 au 11 février 2017 Théâtre Vidy-Lausanne (Suisse)
Du 2 au 12 mars 2017 Théâtre des Bouffes du Nord
Du 15 au 25 mars 2017 Théâtre National de Strasbourg
Du 29 au 31 mars 2017 Maison de la Culture d’Amiens
Du 4 au 7 avril 2017 La Comédie de Clermont-Ferrand
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !