« Last Work » : les paysages énigmatiques d’Ohad Naharin
La pièce du chef de file de la danse israélienne entre au répertoire du Ballet de l’Opéra national de Lyon pour déployer sa chorégraphie à la douceur étrange et ses tableaux surréalistes.
Star de la danse israélienne en Europe, Ohad Naharin fait exploser un art émotif et intense. Créateur de la technique Gaga, devenue aussi célèbre chez les amateurs que chez les professionnels, il prône un mouvement libre qui mise sur la créativité des danseurs et irrigue tous ses spectacles. L’ancien directeur artistique de la Batsheva Dance Company, dont il est désormais chorégraphe permanent, transmet Last Work (2015) au Ballet de l’Opéra national de Lyon. Cette entrée au répertoire fait jaillir des paysages énigmatiques à la patte surréaliste.
De profil, en fond de scène, une joggeuse court à foulées régulières. Elle reste sur place, grâce à un tapis de course que l’on peine à distinguer. Devant elle, encadrés par des coulisses aux allures de monuments gris, les danseurs en short et t-shirt arborent des gestes moelleux, sculpturaux, aux ondulations étranges, parfois stoppés par des ruptures nettes. Leurs mouvements se superposent à la régularité de la coureuse, stoïque. Ils contrastent par leur bizarrerie, par leurs membres qui se tordent, leur donnant des airs de créatures mythiques. Parfois liquides, comme les ondulations d’une vague, ils deviennent secs et cassants, à l’instar de petits mouvements de mains, transformées en pics.
Plus sobre que les dernières pièces du chorégraphe, telle 2019, qui faisait pulser des gestes animés par une intensité viscérale, Last Work déplie des tableaux aux touches surréalistes. Est-on dans un désert ou dans un stade ? Un champ ou une manifestation ? Un pensionnat où tout le monde est vêtu de blanc ou une fête ? Cette histoire curieuse se déplie, prenant plusieurs formes : des duos ou trios, les corps collés les uns contre les autres, en ligne ou en ronde. Si les tensions qui animent le groupe et l’individu semblent au centre de la dramaturgie, s’impose aussi une mise en abyme du spectacle, où les interprètes du Ballet deviennent les spectateurs de petits groupes de danseurs, rappelant un cabaret.
Au fil de cet enchaînement de performances, l’énergie s’accumule, pour dévoiler un ensemble impétueux, aux allures revendicatrices. Un drapeau blanc flotte, un danseur crie dans un micro dont le pied est recouvert de scotch, un homme sur un tabouret astique un fusil. Cette scène pourrait faire écho à la guerre à Gaza, qui décime depuis plus d’un an la population palestinienne. Les danseuses et danseurs finissent serrés les uns contre les autres, mettant en avant le lien qui les unit et leur interdépendance.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Last Work
Chorégraphie Ohad Naharin
Avec Yuya Aoki, Jacqueline Bâby, Eleonora Campello, Jeshua Costa, Katrien de Bakker, Tyler Galster, Livia Gil, Paul Grégoire, Jackson Haywood, Mikio Kato, Amanda Lana, Eline Larrory, Almudena Maldonado, Éline Malègue, Albert Nikolli, Amanda Peet, Roylan Ramos, Marta Rueda, Ryo Shimizu, Emily Slawski, Giacomo Todeschi, Alejandro Vargas, Kaine Ward
Coureuses supplémentaires Maëlle Garnier, Eugénie Bourdy
Musique Grischa Lichtenberger
Conception sonore Maxim Warratt
Scénographie Zohar Shoef
Costumes Eri Nakamura
Assistants et assistantes chorégraphiques / Maîtres et maîtresses de ballet Ariel Cohen, Guy Shomroni, Ian Robinson, Rachel Osborne, Yael Ben-Ezer
Lumières Avi Yona Bueno (Bambi)
Maîtres et maîtresse de ballet de l’Opéra de Lyon Amandine François, Marco Merenda, Raul Serrano NuñezProduction originale Batsheva Dance Company
Coproduction Montpellier Danse ; Hellerau European Center for the Arts, Dresde
Avec le soutien du Batsheva New Works Fund et de la Dalia and Eli Hurvitz FoundationDurée : 1h05
Vu en avril 2025 à l’Opéra national de Lyon
La Villette, Paris
du 14 au 16 mai
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