Aventure sensible, politique et poétique encore fragile, L’âge de nos idées traverse l’opposition entre boomers et génération Z qu’elle tente de dépasser par la création et l’effacement des hiérarchies. Une performance de la compagnie Dreams come true présentée pour la première fois au Festival de Marseille.
Ce serait trahir l’esprit de ce spectacle que de commencer par parler de son instigateur Yan Duyvendak. En effet, L’âge de nos idées efface les hiérarchies, notamment celles qui font du monde un territoire qui appartiendrait aux vieux mâles s’accrochant aux pouvoirs qui leur restent quand ceux de leur séduction physique déclinent. « On a l’âge de nos artères » dit la doxa pour laquelle également le lien entre les enfants de 68 et ceux nés avec le nouveau millénaire se serait brisé à coups d’écrans, de fluidités identitaires et d’attaques répétées contre le patriarcat et la culture qu’il a installée. Antoine Weil, Matthieu La-Brossard et Yan Duyvendak en prennent acte. Les deux premier.ère.x.s ont été élèves du troisième à la HEAD ( Haute Ecole d’Art et de Design) basée à Genève. Dans L’âge de nos idées, iels inversent le processus de transmission et embarquent leur ancien professeur dans un spectacle drag qui se déploie par l’imaginaire, celui-ci devenant de fait le lieu de la réconciliation entre les générations.
Au départ, plus que des oppositions irréconciliables, des différences. Table blanche et micros noirs pour énoncer, via des feuilles brassées par le vent qui les mélange, ce qui les sépare – époques, repères culturels, histoire sociale et politique, opinions sur la cancel culture… Les nouvelles pages sont à écrire. Dans Made in Paradise puis Still in Paradise, Yan Duyvendak avait déjà fait l’expérience de l’altérité avec l’artiste égyptien Omar Ghayatt sur fond de supposé choc des civilisations post 11 septembre. Si ce dernier continue d’être théorisé par ailleurs, l’incompréhension générationnelle le remplace ici comme sujet principal. Même si la communauté de vie – la sphère artistique – assure finalement une certaine homogénéité de repères entre nos trois protagonistes. C’était la partie de Yan.
Antoine Weil prend ensuite la main. Jeune artiste plasticien et danseur, il entraîne son aîné visiblement mal à l’aise sur ses chaussures de drag à talons hauts et semelles compensées dans des chorégraphies chaloupées pour le plus jeune, plus raides pour celui qui l’est moins et le suit avec difficulté, on a aussi l’âge de nos corps, et les idées qui vont avec. Le troisième partie, celle de Matthieu, revient en mode installation vidéo sur le processus de création du spectacle, notamment le maquillage de Yan en dragqueen et se termine dans les cieux étoilés en compagnie de Kate Bush, par l’évocation d’un spectacle merveilleux, impossible à construire, sauf dans l’obscurité de nos imaginaire stimulés par les trois artistes réunis.
L’ensemble est encore hésitant pour cette première présentation au public. D’autant que le processus de création compte explicitement ici autant que le résultat. Il en va ainsi de l’art de la performance qui préfère la vie à l’œuvre parfaite et achevée. En se calant davantage, L’âge de nos idées perdra sans doute en fragilité ce qu’il gagnera en dynamique, en drôlerie et en clarté. Mais le spectacle restera avant tout une expérience à traverser, à partager, une tentative par l’Art de desserrer le carcan de nos identités et de nos rapports à l’autre, un voyage en lâcher prise vers une bulle enchantée, la création d’une harmonie céleste évidemment d’autant plus précieuse que les temps qui nous occupent…
Eric Demey – www.sceneweb.fr
L’Âge de nos idées de Yan Duyvendak
Performance:
Yan Duyvendak, Matthieu La-Brossard, Antoine Weil, Yel K. Banto
Chorégraphie:
Antoine Weil
Film:
Matthieu La Brossard
Assistance caméra :
Guillaumarc Froidevaux
Conception musicale et lumineuse :
Luca Kasper
Déguisements :
Safia Semlali
Technique:
Luca Kasper
Conseil artistique & dramaturgie :
Clara Delorme
Administration et finances :
Valérie Niederoest, Marine Magnin
Production créative et gestion des tournées :
Charlotte Terrapon
Réalisation de la tournée :
Colette Raess
Communication:
Zoé Dupraz
Assistant:
Guillaumarc Froidevaux
Production:
Les rêves deviennent réalité
Coproduction :
Le Grütli – Centre de production et de diffusion des Arts vivants, Genève ; La Bâtie – Festival de Genève ; Arsenic – Centre d’art scénique contemporain, Lausanne ; Festival de Marseille
Résidences :
Le Grütli, Festival de Marseille – Friche la Belle de Mai, Arsenic, Festival Santarcangelo – Teatro Il Lavatoio, (en développement)
Les soutiens:
Pro Helvetia – fondation suisse pour la culture, République et Canton de Genève, Ville de Genève, Ernst Göhner Stiftung, Stanley Thomas Johnson Stiftung, Fondation Leenaards, Fonds Mécénat SIG, Fondation suisse des artistes interprètes SIS, (en développement)
Grâce à Lisa Laurent, Félix Lloyd, Aurélien Maignant, Toky Rabemanantsoa, Romane SerezDurée : 1h
15 et 16 juin 2024
Festival de Marseille, Théâtre La Criéedu 10 au 14 septembre 2024
La Bâtie-Festival de Genève, Le GrütliL’Arsenic – Centre d’art scénique contemporain, Lausanne
29 janvier-2 février 2025
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