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Ladilom, la ritournelle qui répare

Les critiques, Théâtre, Valence

photo Christophe Raynaud de Lage

Présenté au Festival d’Avignon 2022 dans Vive le sujet !, Ladilom de Tünde Deak et Léopoldine Hummel est une proposition aussi intelligente qu’émouvante.

Tünde Deak et Léopoldine Hummel, qui avaient travaillé ensemble sur Nosztalgia Express (de Marc Lainé) se retrouvent en duo, cette fois, dans le cadre si particulier du programme Vive le sujet !. Particulier en ce qu’il requiert la présence des artistes invités au plateau, ce dispositif initie par cette contrainte le propos même de Ladilom. Cela, l’autrice et metteuse en scène Tünde Deak nous l’explique en introduction.

Sur la scène se trouvent, côté jardin, une guitare ainsi qu’une table (recouverte d’une couverture en crochet) avec divers instruments de musique et un ballon de grossesse ; côté cour, une autre table surmontée, elle, d’un étrange parallélépipède aux parois vitrées. Derrière cet espace évoquant les cabines de traducteurs et instaurant de fait une distance, Tünde Deak s’assied et commence à s’adresser à nous… en hongrois – Léopoldine Hummel traduisant son propos. Elle raconte l’angoisse qui l’a saisie lorsqu’elle a reçu la proposition de réaliser un Vive le sujet ! : « Je n’ai jamais voulu être sur scène. Je n’ai jamais rêvé d’être actrice. »

Ayant, en dépit de ses cauchemars, accepté ce projet, elle contourne les difficultés en parlant « en hongrois […] comme ça je disparais, puisque parler une autre langue, c’est toujours disparaître de la première. » Mais cette panique en renvoie à une autre, plus ancienne. Une inquiétude vécue neuf ans auparavant lors de la naissance de sa fille (et liée à la rencontre avec ce petit être) que l’artiste avait conjurée en lui chantant une berceuse… en hongrois. Quoiqu’ayant des racines hongroises par son père, Tünde Deak se révèle incapable de désigner l’origine de la connaissance de cette chanson. Deak et Hummel se lancent, donc, sous la forme d’un dialogue, dans lequel la seconde interprète le rôle de la première, dans une enquête pour remonter le fil de cette ritournelle.

Cette introduction aussi habile que cocasse par sa manière de désigner la position d’énonciation de l’autrice et d’expliquer les choix de mise en scène cède, donc, la place à une conversation. Les questions s’égrènent, accompagnant le récit, apportant des précisions au témoignage de Deak, l’ensemble étant entrecoupé ou accompagné de l’interprétation de Ladilom et d’autres morceaux. Motif lancinant, la chanson se révèle être autant le moyen de rassurer, d’apaiser les inquiétudes et les doutes quant à l’inconnu, que le moteur du récit. On pourrait le considérer comme un cousin éloigné du MacGuffin (concept utilisé par Alfred Hitchcock dans ses films), soit l’élément impulsant le récit. Mais, au contraire du MacGuffin, qui est en général ce qui manque, la comptine existe bien et ce qui fait défaut est la source de sa connaissance.

À travers cette quête se dit la place particulière qu’occupent les chansons dans nos cultures, la manière dont leur rôle se situe à un autre endroit que le langage. Chemine aussi dans cet échange à l’écriture intelligente et sensible les questions de l’appartenance à une culture – déjà abordées par Tünde Deak dans Tünde [tynd] –, comme celles de la double-culture. Et puis, chantonner en hongrois tout en ne cessant de dénier maîtriser cette langue et connaître ce pays constitue un joli retour du refoulé… Toutes ces préoccupations intimes et passionnantes, le spectacle les met au travail avec une modestie qui n’élude pas la pertinence. Il déplie une forme ciselée et maîtrisée, portée par les musiques aussi mélancoliques qu’émouvantes (de Ladilom au sublime Dona Dona version yiddish) et incarnée par deux interprètes aux positions très distinctes. L’artifice initial de Tünde Deak devient une efficace justification à sa faible aisance au plateau, tandis que Léopoldine Hummel circule avec fluidité de la parole à la musique et d’un instrument à l’autre (guitare électrique, flûte de berger slovaque, diverses autres flûtes, appeaux, etc.).

Et mine de rien, l’écriture révèle derrière son humour, son auto-ironie, son impertinence joyeuse une capacité à enchâsser différents niveaux de références et enjeux. L’on croise même Sándor Ferenczi, psychanalyste hongrois évoqué pour son travail sur la confusion des langues et sur les nourrissons (mais qui a par ailleurs, dans sa correspondance avec Freud, raconté s’être surpris un jour à chanter une chanson hongroise). Chemine ainsi, en sourdine et avec une infinie intelligence et sensibilité, les questions de l’exil, de l’acceptation de ses origines, de la construction de l’identité. L’enquête n’élucide pas la question initiale mais rappelle qu’écrire, créer, interpréter (chanter) peut dans certains cas constituer de pudiques et essentiels gestes de réparation.

Ladilom
Texte et mise en scène: Tünde Deak
Musique originale: Léopoldine Hummel
Avec: Tünde Deak, Léopoldine Hummel
Scénographie: Marc Lainé
Son: Teddy Degouys

Production: La Comédie de Valence, CDN Drôme-Ardèche
Coproduction: SACD; Festival d’Avignon; Compagnie Intérieur/Boîte

La Comédie de Valence
Du 25 au 29 avril 2023

26 avril 2023/par Caroline Chatelet
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