La défense devant les survivants mis en scène par Clara Chabalier est un spectacle politique et drôle, issu d’un vieux roman dystopique, qui téléporte dans un futur bien semblable à notre aujourd’hui.
Biennale hors cadres de la Comédie de Reims, Intercal propose des spectacles explorant et investissant notre relation aux nouvelles technologies. Paradoxe : La défense devant les survivants s’appuie sur un roman de 1940 de l’écrivain Adolfo Bioy Casares. intitulé L’invention de Morel. Un peu daté pourrait-on penser mais Wikipedia précise que le roman aurait influencé la série télévisée Lost tout en reprenant les fondements de L’île du Docteur Moreau d’H.G.Wells. Ce récit, qui a lancé la carrière de l’auteur argentin, traverse donc les époques et Clara Chabalier l’adapte sans difficulté à notre temps présent.
A lui seul, son pitch explique d’ailleurs le caractère intemporel de l’œuvre. Ecoutez-donc. Un homme se retrouve seul, croit-il, sur une île déserte. Seul jusqu’à ce qu’il croise des personnes avec lesquelles il ne peut entrer en communication, et qui refont chaque semaine exactement les mêmes choses. Truman show, Un jour sans fin… entre hologrammes, télé réalité et Métavers, notre société est biberonnée aux thématiques qui parcourent ce livre et, par conséquent, le spectacle qui s’en inspire. Comment cohabitent réel et virtuel ? Que deviendront toutes ces images que nous aurons laissées derrière nous ? Comment nos rapports s’accommodent-ils d’un monde saturé de fictions ?…
Au plateau, Clara Chabalier fait débarquer une bande de jeunes en tongs et bermudas sur une île paradisiaque où les accueillent un ami en maillot de bain rouge moulant. Parallèlement, un naufragé affamé et barbu tente de prendre pied sur le rivage, fuyant on ne sait trop quoi, une dictature qui le persécute, et tentant d’achever à cette occasion son ouvrage révolutionnaire, La défense des survivants. En toile de fond, une société où catastrophe climatique et surveillance à tout va se combinent dans les intérêts des puissances capitalistes. L’insouciance du vacancier occidental d’un côté. De l’autre, l’instinct de survie du réfugié politique. Comment les deux vont-ils se rencontrer ?
On n’en dira pas plus du déroulement de l’action. Mais l’histoire centrée autour d’une étrange machine inventée par le fameux docteur Morel donne l’occasion à la joyeuse troupe de développer des esthétiques très différentes. Musique d’ascenseur et bonheur léger pour les ballades à la plage et autres cocktails de début de soirée, réalisme effrayant poussé jusqu’à la parodie pour l’invité surprise qui trace sur les vitres le plan de son île façon pirates. On ne s’ennuie pas même si on ne rit pas franchement. Une partie de badminton qui dure indéfiniment ou des pastiches de coucher de soleil cinématographiques offrent des moments mémorables. Entre légèreté parodique et tonalité politique, on ne sait pas vraiment où nous mène le spectacle, mais c’est ce qui lui donne pas mal de charme.
La naissance du cinéma y croise le tout numérique. Le Métavers s’y fond avec la peste. Le piano y produit des images tandis que leur répétition évoque celle du théâtre. Petit à petit tout le monde se laisse embarquer dans le flux hydraulique des marées. Brassant large sans jamais se départir de dérision, La défense devant les survivants navigue entre retour du même et réflexion sur l’image, entre histoire d’amour et thriller de savant fou, surfant à la fois sur la crête du vintage et de la modernité.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
La défense devant les survivants
MISE EN SCÈNE Clara Chabalier
TEXTE Clara Chabalier et Adèle Chaniolleau
D’APRÈS L’Invention de Morel d’Adolfo Bioy CasarèsAVEC
Alexandre Pallu,
Alvise Sinivia,
Clara Chabalier,
Nanyadji Kagara,
Wyssem Romdhane,
Amandine GaySCÉNOGRAPHIE
Franck JaminCRÉATION SONORE
Julien FezansCRÉATION LUMIÈRES
Gildas GoujetCRÉATION VIDÉO
David Lejard-RuffetRÉGIE GÉNÉRALE
en coursPROTOTYPE TRANSMEDIA :
DÉVELOPPEMENT CHATBOT
Johan Lescure
GRAPHISME
Lisa Peretti
RETOUCHE PHOTO
Guilhem MonceauxPRODUCTION / DIFFUSION
Mara Teboul / L’œil écouteSpectacle créé en juin 2022 à la Comédie – CDN de Reims. Production Compagnie Pétrole. Coproduction Théâtre de Lorient – CDDB, Comédie – CDN de Reims, GRRRANIT – Scène Nationale de Belfort. Avec le soutien de KunstCentrum BUDA de Courtrai, Césaré – Centre National de Création Musicale, le Théâtre le Hublot – Colombes. Une phase de recherche a été effectuée dans le cadre du projet Open Access – Experimenting with performing arts and transmedia creation (Agreement number : 2018 – 18 18 / 001 – 001), dans le cadre du programme Creative Europe de l’Union Européenne. Le projet Open Access est porté par Le Grrranit – Scène Nationale de Belfort (FR), en partenariat avec DuplaCena – festival Temps d’Images de Lisbonne (PT), ColectivA (Cluj-Napoca, RO), et National Theater Wales, Cardiff (UK). Cette phase a bénéficié de l’aide au développement du DICREAM (CNC). La compagnie Pétrole est accompagnée par la Ville de Bagnolet (93), et la DRAC Ile de France. © photo : Clara Chabalier
9 au 11 juin 2022
Création à la Comédie de Reims – Festival INTERCALDu 12 au 16 décembre 2022 au Théâtre de l’échangeur
8 et 9 février 2023 au Théâtre de Lorient CDN
Les 23 et 24 février au Granit Scène Nationale de Belfort
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