Le metteur en scène et dramaturge congolais Dieudonné Niangouna retrace l’histoire de la rumba, ce courant musical pancontinental, au fil d’un spectacle enthousiasmant, malgré ses longueurs.
Cette Opération Rumba est une œuvre complexe à la lisière des genres – théâtre, conte, danse, concert, documentaire. L’action se déroule sur plusieurs continents – Afrique, Amérique, Europe. Elle traite de l’esclavage, de la créolisation des peuples dominés et de l’indépendance de deux grands pays africains – la République démocratique du Congo et le Congo-Brazzaville. Peuplée d’une multitude de références artistiques, dotée d’une langue baroque et bigarrée, convoquant deux musiciens et dix comédiens sur scène, l’histoire déborde d’informations et soulève des enjeux politiques à la fois tragiques, déments, exaltants, souvent méconnus, voire complètement ignorés, en France. Elle retrace aussi, et surtout, l’histoire de la rumba congolaise, ce courant musical parti des côtes africaines, développé à Cuba, puis réintroduit dans les Congo, où il fut réinventé. En clair, c’est du lourd.
Pour mettre en mouvement cette grande fresque, Dieudonné Niangouna a imaginé deux frères en quête de leurs origines. Ces derniers, à l’instar d’Ulysse, entreprennent un étrange voyage et rencontrent des personnages hauts en couleur – tantes récalcitrantes, sirènes enchanteresses, divas hystériques. Il serait vain d’essayer de résumer l’intrigue. On s’y perd. On s’y retrouve, un peu, parfois. On s’agace de la longueur – 2h40 qui auraient pu être réduites à 2h. On s’écœure légèrement avec la langue. On se fatigue de l’intensité rarement relâchée. On s’interroge sur l’utilité de ces masques d’animaux. On rêve d’une mise en scène plus soignée, avec des tableaux d’une plus grande diversité.
Mais c’est ainsi. C’est un théâtre frontal, qui ménage ses effets et brûle une énergie folle. Et cela fonctionne. Parce que le propos est centré sur cette musique, laquelle a la capacité de dénouer autant les nœuds de l’histoire que ceux du corps. Longtemps après, on entend encore ces guitares si singulières, piaillant dans les aigus, qui assurent tout à la fois la rythmique, la ligne harmonique et les solos (Rodriguez Vangama, bravo). Longtemps après, on se souvient de ces instruments à vent envoûtants, sensuels, ou joués avec un humour irrésistible (Pierre Lambla, bravo). Impossible, après cela, de ne pas avoir envie d’écouter Indépendance Cha Cha de Joseph Kabasele. Impossible, après cela, de ne pas vouloir en apprendre davantage et de ne pas avoir envie de streamer des kilomètres de musique. Dans les mois et années à venir, en raison des choix économiques de nos politiques, les spectacles risquent d’être bien moins généreux. Alors, profitons des quelques opérations complexes qui nous restent. Au théâtre, la simplicité et l’efficacité ne sont pas toujours gages de qualité.
Igor Hansen-Løve – www.sceneweb.fr
Opération Rumba
Texte, mise en scène, scénographie Dieudonné Niangouna
Avec Marie-Charlotte Biais, Clara Chabalier, Daddy Kamono, Diariètou Keita, Mixiana Laba, Ornella Mamba, Mathieu Montanier, Pepita Mpuhwe, Criss Niangouna, Dieudonné Niangouna et les musiciens Pierre Lambla, Rodriguez Vangama
Chorégraphie Stella Keys Ladys
Lumières Laurent Vergnaud
Son Félix Perdreau
Costumes Marta Rossi
Vidéo Aliénor Vallet
Assistanat à la mise en scène Bardol MiganProduction Compagnie Les Bruits de la Rue
Coproduction TAP – Scène nationale de Grand Poitiers, Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines.
Avec le soutien de Théâtre Ouvert – Centre National des Dramaturgies Contemporaines, des Passerelles – Scène de Paris-Vallée de la Marne, des Tréteaux de France – CDN et des Bords de Scènes – Grand-Orly Seine BièvreLa Compagnie Les Bruits de la Rue est soutenue par la DRAC Île-de-France – ministère de la culture.
Durée : 2h40
TAP, Scène nationale de Poitiers
les 9 et 10 janvierThéâtre Vidy-Lausanne
du 15 au 18 janvierLes Passerelles, Pontault-Combault
le 24 janvierMC93, Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis, Bobigny
du 20 au 22 marsMaison de la Culture d’Amiens
le 29 marsPalais des Beaux-Arts de Charleroi (Belgique)
le 23 mai
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