Avec Kill Me, la performeuse de Buenos Aires Marina Otero clôt un triptyque autofictionnel amorcé en 2020 avec Fuck Me, où elle se livre toute entière. Ici l’attention se déporte d’elle et de son histoire sur un groupe d’interprètes neuro atypiques comme elle, pour faire de la scène un espace d’émancipation. La première française s’est déroulée au Printemps des Comédiens de Montpellier. Son triptyque sera présenté en ouverture de la saison 24/25 du Rond-Point.
En 2020 Marina Otero mettait en scène son fantasme d’hommes-esclaves dans Fuck Me, relatant au passage son hospitalisation après un grave accident, puis dans Love Me (2022), elle se livrait en solo, dans un élan de vulnérabilité intense et violent. Avec Kill Me, la chorégraphe-performeuse argentine Marina Otero clôt ce triptyque d’autofiction en invitant sur scène trois danseuses, une chanteuse et un acteur neuro-atypiques dans un ensemble au chaos jouissif.
Le triptyque de Marina Otero n’est-il qu’un délire narcissique ? C’est la première impression, quand on la voit narrer sa rupture avec Pedro, narcissique manipulateur, dans un montage vidéo sur grand écran. En superposant craquages nerveux, sanglots sur son matelas, cours d’aquagym dans un hôtel de Majorque, rêve en vengeresse et un diagnostic du trouble de la personnalité borderline, elle annonce la couleur avec un poil d’autodérision.
Puis, dans un nuage de fumée, quatre silhouettes identiques défilent, altières, en quadrillant la scène : perruque rousse à frange, torse nu, short, genouillères et bottines blanches, un flingue à la main. Des héroïnes de film d’action badass, mi-Sarah Connor, mi- Marina Otero ? La performeuse lâche les fantasmes de mise en scène de sa propre mort, diffusant au passage une vidéo de famille de son enfance, où elle mime ce même geste et urine dans un pot de narcisse, face à nous. Elle se donne toute entière. Ses émotions, son corps, son ego, ses gestes prennent tout l’espace, ils débordent, jusqu’à se plaquer sur les corps des autres interprètes, les coloniser. Ils deviennent la performeuse, ou tout du moins ses doubles, à l’instar de Tomás Pozzi, se présentant en sosie de Vaslav Nijinski, grande figure des Ballets russes, atteint de schizophrénie, qui a passé la fin de sa vie dans une clinique.
Mais au fil du spectacles, les interprètes se délestent de leurs perruques et se révèlent, dans une succession de solo en danse et paroles. On assiste tout à tour aux pirouettes d’une ballerine tyrannique sur pointes, au floss ou backpack kid dance (danse rendu célèbre sur Tik Tok, où les bras se balancent d’un côté et l’autre du bassin) sur Psycho Killer de Talking Head, aux glissades sur patin à roulette d’une danseuses affublée d’ailes d’ange jusqu’à l’acmé, où tous et toute se lâchent sur le titre Wrecking Ball de Miley Cyrus. Les clones d’Otero s’effacent pour laisser la place aux individus et à leurs histoires. Atteint de trouble borderline de la personnalité, de bipolarité ou juste fille de psychiatre, les interprètes forment une communauté solidaire. Ils exorcisent sur scène leur besoin d’être aimé, leur désir d’attention, d’occuper le devant de la scène, de prendre tout l’espace et de déborder des cadres établis. On participe avec joie à leur délire, auquel on s’identifie au passage.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Kill me de Marina Otero
Avec : Ana Cotoré, Josefina Gorostiza, Natalia Lopéz Godoy, Myriam Henne-Adda, Marina Otero et Tomás PozziÉcriture et mise en scène : Marina Otero
Assistanat à la mise en scène : Lucrecia Pierpaoli
Regard extérieur : Martín Flores Cárdenas
Création lumière : Victor Longás Vicente et David Seldes
Costumes : Andy Piffer
Création vidéo : Florencia de Mugica
Régie générale et régie lumière : Victor Longás Vicente
Administration de production : Mariano de Mendonça
Assistanat de production : Kysy Amarante Fischer
Production déléguée en France : Otto Productions – Nicolas Roux et Lucila PifferProduction déléguée en Europe : Tecuatro (Jonathan Zak, Maxime Seugé) ; Otto Productions (Nicolas Roux, Lucila Piffer) ; PTC Teatro (Olvido Orovio)
Coproduction : Teatros del Canal Madrid ; HAU Hebbel am Ufer Berlin ; Printemps des Comédiens Montpellier ; Théâtre du Rond-Point Paris ; Théâtre des Célestins Lyon
Avec le soutien de Residencia artística de la Casa Velázquez du Ministère d’Education Supérieur ; FITLO Festival Iberoamericano de Teatro de La Rioja
Remerciements : Jorge Tesone, María Velasco, Andres Manrique, Juan Ignacio Bustos, Hugo Lacroix, Cala Zavaleta, Santiago Rigoni, Augusto Chiappe, Juanfra López Bubica, Fred Raposo, Matías Rebossio, Miguel Valdivieso, Cristian Vega.
Ce projet a été bénéficiaire du Fond IBERESCENA 2024.Durée : 1h30
4 et 5 juin 2024
La Chartreuse
50 Rue de la République, 30400 Villeneuve-lès-Avignon25 – 29 septembre 2024
Théâtre du Rond Point
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