Kery James a l’habitude de remplir des grandes salles comme Bercy. Il délaisse pour quelque temps le rap pour se consacrer au théâtre. A vif, sa première pièce est tirée d’un scénario qui fera prochainement l’objet d’un film. Il est actuellement sur la scène du Rond-Point avec Yannik Landrein (le spectacle partira aussi en tournée). On y parle de politique, de la République et de la banlieue. Reprise d’un spectacle qui a fait sensation en janvier au Rond-Point.
Lors d’une finale d’un concours d’éloquence, deux élèves avocats se sont face. Soulaymaan est issu des banlieues, Yann est issu des beaux quartiers. « L’État est-t-il seul responsable de la situation actuelle des banlieues ? » est le thème de cette joute verbale. Et pour compliquer le tout, les deux avocats doivent défendre des positions à l’opposé de leur milieu social. Kery James a donc choisi de brouiller les pistes. On doit bien reconnaître que l’on a été perturbé par cette inversion des rôles, qui n’est pas naturelle. Le rappeur a souhaité surprendre pour mieux réconcilier ce qu’il appelle « les deux France ».
En tout cas le public ne paraît pas s’en émouvoir et manifeste beaucoup d’enthousiasme. Il applaudit ou siffle les avocats et réagit aux arguments de l’un et de l’autre, et à certaines expressions imagées sortie du vocabulaire des banlieues. Savez-vous ce qu’est un Bounty ? Un noir qui a réussi à sortir de la banlieue. « Il est noir à l’extérieur, blanc à l’intérieur. » Un peu le cas de cet avocat Soulaymaan qui doit sa réussite au fameux ascenseur social. Kery James dit les choses frontalement. Quand Yann explique le déséquilibre des moyens entre les académies de Paris et de Créteil, l’éloquence des chiffres fait mal au ventre.
Le texte – très dense compacté en une heure – a le mérite de faire entendre un discours rare sur une scène de théâtre. Kery James ne présente une banlieue fantasmée, il la défend. « De l’intelligence il y en a dans un hall de HLM. » dit-il. Il évoque également le passé colonial de la France, « Ce passé est le votre. » Et n’est pas tendre à l’égard de la classe politique.
Avec A Vif, Kery James draine derrière lui un public qui n’a pas l’habitude d’aller au théâtre. Il n’y a jamais eu autant de jeunes et de diversité de couleur de peau dans la grande salle Renaud-Barrault du théâtre du Rond-Pont. C’est le gros point positif de ce spectacle qui souhaite instaurer un dialogue entre deux France qui se méconnaissent. La pièce ne va pas résoudre les problèmes, Kery James le sait et ne prétend d’ailleurs pas jouer les réconciliateurs. Sa démarche singulière vise surtout à ce que dans la salle, les gens se regardent.
La pièce s’achève comme elle a débuté, par une question. « Est-ce que les français ont les dirigeants politiques qu’ils méritent ? » Le spectacle reste néanmoins beaucoup moins fort que F(l)ammes qui est vraiment un modèle du genre, interprété par celles qui vivent la banlieue et le racisme au quotidien.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
A vif
De et avec Kery James
Mise en scène Jean-Pierre Baro
Collaborateur artistique Pascal Kirsch
Scénographie Mathieu Lorry Dupuy
Création sonore Loïc Le Roux
Conseiller à la dramaturgie Samuel Gallet
Régisseur général Thomas Crevecoeur
Avec Kery James, Yannik Landrein
Production Astérios Spectacles
Coproduction (en cours) Les Scènes du Jura, Scène nationale / Radiant-Bellevue, Caluire-et-Cuire / Le Train-Théâtre, Portesles-Valence / Maison de la Musique de Nanterre / Pôle Culturel d’Alfortville.
Le texte est paru chez Actes-Sud
Durée: 1hRond-Point
12 septembre – 1 octobre 2017
Salle Renaud-Barrault
DU MARDI AU DIMANCHE, 18H30 – Relâche : LES LUNDIS ET LE 17 SEPTEMBRE
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