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Forums superficiels

À la une, Décevant, Les critiques, Paris, Théâtre
Brigitte Enguérand

Photo Brigitte Enguérand

Au théâtre du Vieux-Colombier, Jeanne Herry explore les forums Internet sans parvenir à dépasser une vision de surface.

Si le terme « forum » désigne initialement les places publiques de Rome où avaient lieux les marchés et où les magistrats rendaient la justice, son sens s’est depuis l’Antiquité romaine considérablement étendu. Avec la contamination de nos vies par le numérique, les forums renvoient désormais notamment à des espaces communautaires sur Internet où des personnes échangent sur un thème donné. Se saisissant de ces lieux virtuels pour sa création avec la troupe de la Comédie-Française, la metteuse en scène Jeanne Herry entremêle des textes sur le sujet écrits par trois auteurs – Hélène Grémillon, Maël Piriou et Patrick Goujon – et scrute leurs travers comme leurs possibles.

Dès la première scène, le ton est donné : dans une scénographie faite de parois aux nuances de gris sises à l’avant-scène et installant deux étages de jeu, les forums prennent corps sous nos yeux. Les personnages apparaissent chacun dans un espace propre et commencent à échanger, tandis qu’une projection vidéo signale les différents sujets desdits forums (petites annonces, médical, finance, musique, etc.) ; indique les pseudonymes des participants ; et les connexions s’établissant entre chacun. Là, les sujets et les vies se croisent : vente de vêtements, questions absurdes sur la sexualité, témoignages d’une femme en rémission d’un cancer du sein, messages de solidarité à son adresse, recherche d’un morceau d’un groupe de musique, etc.

Ici se donne à voir le paradoxe de ces forums : soit des communautés où se déploient des échanges menés, laissés, repris, parfois à plusieurs jours ou semaines de distance, entre de parfaits inconnus qui ne se rencontreront bien souvent pas, et qui profitent de ces espaces d’anonymat pour confier des éléments souvent très intimes de leur vie. Si cette scène prête à sourire par sa reproduction de dialogues incongrus et par sa manière de se saisir des codes du langage prédominant dans ces lieux – fait d’abréviations et de smileys –, son propos demeure bien superficiel. Il va en aller ainsi de la suite de Forums, le spectacle se maintenant dans la tentative de reproduction littérale de ces espaces – au risque de la caricature – lorsqu’il ne verse pas dans la fable moraliste.

Après cette première scène, les grands panneaux s’ouvrent, donnant accès à l’intégralité du plateau. Se succèdent alors des séquences chorales ou plus intimes, chacune exposant des discussions. D’une thématique à l’autre, ce sont souvent les mêmes mécanismes à l’œuvre. Soit comment les sujets initiaux se retrouvent dévoyés, détournés, la progression rhizomatique des débats faisant plus surgir le pire que le meilleur (racisme, islamophobie, sexisme, antisémitisme). Le tout étant ponctué d’interventions des modérateurs – ici signalées par des prises de paroles au micro. Dans ces cafés du commerce sans frontières géographiques, tout se retrouve sur le même plan et les confidences intimes côtoient les blagues graveleuses, le prosélytisme religieux le point Godwin ou autres approximations politiques.

Soutenu par une création lumières aux atmosphères douces, l’ensemble est interprété par des personnages renvoyant par leurs tenues quotidiennes, dominées par les tonalités foncées, au quidam moyen. Cette succession de discussions où se dit l’interchangeabilité des personnages et des paroles pourrait continuer ainsi indéfiniment, la mécanique d’enchaînement reproduisant le passage d’un site Internet à l’autre. Elle est néanmoins rompue par deux saynètes qui, en se déployant en alternance l’une de l’autre de part et d’autre du plateau, donnent à voir le hors-champ des forums, soit les vies dans lesquelles ces discussions s’inscrivent : l’une relate la découverte inopinée par une mère du harcèlement dont est victime sa fille adolescente – et la récupération de sa souffrance par un pédophile –, l’autre, la drague malheureuse d’un père de famille. Quoique terrible pour l’une, et féroce pour l’autre, ces scènes trop excessives pour être crédibles basculent dans un moralisme appuyé.

Il se dit dans cette écriture trop lisible comme dans les artifices de mise en scène – telle la ritournelle compassionnelle ponctuant chaque changement de scènes – le souci de susciter les émotions à tout prix, rires comme larmes. Une démarche qui résonne dans le retour régulier d’une discussion sur un forum médical : au cours de celle-ci, Jamal, jeune homme érythréen, va fuir son pays pour rejoindre un village français, avec l’aide d’une mairesse rencontrée sur ledit forum. Fleurant les bons sentiments, cette fable se révèle un brin clichée – sa naïveté se retrouvant jusque dans les dessins d’enfants esquissés en fond de scène au fil du voyage de Jamal. Surtout, se redit là encore la volonté ferme de Forums de capter l’adhésion du spectateur à tout prix, que ce soit par le recours à des marques de connivence adressées à certains spectateurs via les dialogues, ou par des histoires au fort potentiel émotionnel et moral. Si le spectacle n’offre qu’une vision de surface de ces espaces complexes que sont les forums, reste la troupe d’acteurs, investie et sincère de bout en bout.

Caroline Châtelet – www.sceneweb.fr

FORUMS
de Patrick Goujon, Hélène Grémillon, Maël Piriou
Conception et mise en scène : Jeanne Herry
Scénographie : Jane Joyet
Costumes : Marie La Rocca
Lumières : Léandre Garcia Lamolla
Musique originale : Pascal Sangla
Son : Nicolas Dambroise
Graphisme : Mathieu Decarli
Maquillages et coiffures : Véronique Soulier-Nguyen
Assistanat à la mise en scène : Sandra Choquet
Assistanat à la scénographie : Alissa Maestracci

Avec Véronique Vella, Alain Lenglet, Jérôme Pouly, Julie Sicard, Claire de La Rüe du Can, Birane Ba, Élissa Alloula

Voix :
Florence Viala : Myleycirrhose
Suliane Brahim : Georgesclownette
Tara-Jay Bangalter : Yakari

Durée : 2H

Théâtre du Vieux-Colombier / Comédie-Française, 21 rue du Vieux-Colombier, 75006 Paris
Du 22 JANVIER au 1ER MARS 2020

30 janvier 2020/par Caroline Chatelet
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