Jeanne Balibar partage sa vie entre Paris et Berlin. Depuis 2013 et La Dame aux Camélias au Théâtre de l’Odéon, elle a rejoint la troupe de Frank Castorf. Celle qui a passé quatre ans à la Comédie-Française avait passé une audition à l’époque pour jouer dans le spectacle. Elle revient en France avec la Volskbühne dans une version détonante des Frères Karamazov d’après Dostoïevski. Un spectacle présenté dans le cadre du Festival d’Automne dans le toute nouvelle friche industrielle Babcock, lieu provisoire de la MC93. Rencontre avec la comédienne à l’issue de la première.
Du théâtre dans une friche c’est étonnant, avez-vous déjà joué sur une scène aussi vaste ?
Et non, mais à la création à Vienne nous étions déjà dans une friche industrielle, c’était une ancienne usine de cercueils mais elle beaucoup plus petite !
C’est un spectacle éprouvant pour les comédiens car vous êtes toujours sur la brèche !
Finalement on s’habitue à cela. C’est comme faire du sport. On court tout le temps. Le premier jour on est fatigué et puis on s’habitue.
C’est du théâtre mais c’est aussi du cinéma car vous êtes filmés en permanence.
En même temps les images filmées font vraiment penser à du théâtre. C’est Frank Castorf qui a inventé cela. Il a été copié et maintenant cela se banalise. Je pense que je joue un peu « plus cinéma » que les autres acteurs de la troupe. Je le fais exprès. Je me dis que cela fera une petite variante. Je profite de la caméra pour baisser le niveau sonore de ma voix.
Il y a une sacrée énergie dans cette troupe que l’on ne retrouve pas dans les troupes françaises.
C’est certain. On ne la retrouve nulle part ailleurs. Car c’est lié à la personnalité de Frank Castorf. Il exige cette énergie sur le plateau. C’est aussi la sienne. Une troupe n’est que le reflet de son metteur en scène. Certains acteurs travaillent depuis plus de vingt ans avec lui. En fait elle ressemble un peu à celle d’Ariane Mnouchkine, pas dans son esthétisme, mais dans son esprit.
On est dans la Russie du 19ème siècle mais aussi dans celle de Poutine.
C’est cela qui l’intéresse. Il souhaite raconter ce monstre à nos portes. Et encore plus à leur porte à eux à Berlin. Il montre ce contraste de cette Europe avec le monde occidental. La Russie a été porteuse d’utopie. Le spectacle montre ce que ce pays est devenu aujourd’hui.
Il vous a autorisé à dire quelques mots, quelques phrases en français.
Il n’y en a beaucoup. Au début je rechignais quand il me demandait de passer au français, surtout par rapport au public allemand et puis j’ai pris du plaisir.
Et l’un des phrases que vous dîtes à la fin est très importante sur l’idée de se débarrasser de Dieu pour débuter un nouveau monde. On est au cœur des thématiques de notre actualité.
Mais c’est très ambivalent. Celui qui dit cela « il faut se débarrasser de Dieu » c’est le diable. Pour moi qui ne suis pas croyante et comme je dois aussi jouer Starez au début qui est un religieux, j’ai été obligée de me demander ce que je mettais sous ce mot de « Dieu ». On peut y mettre les choses les plus affreuses et on le constate dans l’actualité tous les jours comme les choses plus belles qui sont de vouloir faire le bien dans le monde.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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