La rencontre de Lionel Lingelser avec Omar Porras a été déterminante, de là lui vient l’envie de poursuivre son travail sur le masque, ce qu’il fait depuis 2012, au sein de sa compagnie Munstrum Théâtre aux côtés de Louis Arene. Dans Les Possédés d’Illfurth, le comédien tombe le masque pour une performance intime. Voici son interview Soir de Première.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Les soirs de première, c’est plutôt le mot « vertige » qui me vient. Il y a bien sûr l’excitation et aussi une pudeur vertigineuse qui m’envahit. Les dernières heures avant la représentation fusent à la vitesse de la lumière et dans ma tête il y a une sorte de suspens dont je ne me réveillerai qu’aux applaudissements. Le temps s’arrête littéralement. C’est un moment où l’on dévoile une part de notre intimité après des semaines de répétitions passées dans un cocon protégé. C’est autant impudique que libérateur.
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
Tout dépend des projets ! Avec ma compagnie le Munstrum, c’est très souvent dans le tumulte que se déroule cette dernière journée : épuisés, le visage émacié, quelques kilos en moins, nous travaillons jusqu’à la dernière seconde ! L’accouchement est toujours difficile !
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
C’est un des moments que je préfère, écouter le public avant le lever de rideau. J’aime me connecter avec la salle en secret, me relier d’une manière imaginaire avec chaque spectateur afin de préparer le voyage. Convoquer les Dieux du théâtre pour qu’ils veillent au rituel et remercier…je suis toujours plein de gratitude avant d’entrer en scène.
Première fois où je me suis dit « je veux faire ce métier ? »
Quand j’étais enfant je ne ratais aucun épisode de la série Mac Gyver. Ce qui me fascinait c’est toutes les vies que pouvait avoir un acteur grâce à un rôle, toutes les aventures qu’il pouvait traverser. J’enviais cette faculté à être multiple.
Premier bide ?
Je me souviens m’être liquéfié lors de ma première audition pour rentrer au conservatoire des halles à Paris. Je n’avais encore jamais présenté de concours et j’avais préparé le monologue de L’Avare avec beaucoup de candeur « Au voleur, au voleur, à l’assassin … » car il me plaisait et me faisait rire. J’ai commencé la scène tel un vortex d’énergie débordante où je courrais dans tous les sens ! J’ai été arrêté au bout de 20 secondes : « Merci monsieur ! ça ira ! …» (silence de gêne, mon visage rouge pivoine, j’avais tout donné) le jury me lance : « Quel âge avez-vous jeune homme ? – 18 ans Monsieur ! Et quel âge à Harpagon croyez-vous ? ». Honte et vide intersidérale…
Première ovation ?
J’ai quitté le conservatoire de Paris CNSAD en milieu de troisième année pour rejoindre le Teatro Malandro dirigé par Omar Porras à Genève. J’étais à la fois triste de quitter mes camarades et aussi excité comme une puce à l’idée de ma première grande aventure professionnelle qui allait durer 2 ans. Chez Omar toute la distribution apprend tous les rôles de la pièce et c’est le plateau qui décide qui va jouer quoi au fur et à mesure des répétitions. Trois mois pour créer Les Fourberies de Scapin de Molière. Après 3 semaines passées à jouer plusieurs rôles dont le vieil Argante, je basculais sur Scapin, pour ne plus le quitter jusqu’à la première au Théâtre de Carouge. Ce fût mon premier grand défi d’acteur et un grand succès, un souvenir inoubliable…
Premier fou rire ?
Dans Musée Haut Musée Bas de Jean Michel Ribes j’avais été choisi avec quelques autres élèves de la Classe Libre des Cours Florent pour peupler cette grande fresque surréaliste. Je découvrais alors de merveilleux acteurs comme Micha Lescot, Emeline Bayart…et surtout Christian Hecq qui incarnait Monsieur Mosk le conservateur du musée. Je me souviens avoir pleuré de rire en scène tant son inventivité chaque soir me surprenait !
Premières larmes en tant que spectateur ?
En 2005 j’ai découvert le travail de Pippo Delbono à travers plusieurs spectacles au Théâtre du Rond-Point. J’ai alors été projeté dans un univers nouveau et une émotion jamais ressentie jusqu’alors. L’émotion était picturale. Un assemblage magique entre des images puissantes, un volume sonore très fort et des acteurs fascinants.
Première mise à nue ?
Dans Le chien la nuit et le couteau de Marius von Mayenburg que Louis Arene a mis en scène avec le Munstrum, je rentre nu sur le plateau à la fin, au sol, je suis un loup ; et bien que peint en noir des pieds à la tête, éclairé par une lumière très sombre, ce fût un réel challenge pour moi.
Première fois sur scène avec une idole ?
Les spectacles d’Olivier Py ont aussi beaucoup marqué ma vie de jeune comédien. Parmi les merveilleuses actrices et acteurs d’Olivier Py, Michel Fau restait à mes yeux l’artiste inclassable, le comédien capable de tout jouer, de glisser d’un genre à l’autre et surtout de me faire hurler de rire. J’ai eu la joie de jouer avec Michel Fau dans le spectacle Une Visite Inopportune de Copi mise en scène par Philippe Calvario au théâtre de l’Athénée.
Première interview ?
C’est évidemment en terre natale qu’on s’intéressa à mes premiers pas de comédien, l’enfant du pays parti à la capitale pour devenir comédien ! Ce fut une grande fierté pour moi de faire la Une du Journal L’Alsace lors de mon premier passage à la Filature, la scène nationale de Mulhouse. Je me souviens que mes grands-parents avaient dévalisé le kiosque et accroché mon article partout dans la maison pour m’accueillir.
Premier coup de cœur ?
C’est incontestablement La danse du diable de Philippe Caubère. Je n’imaginais pas que cela soit possible, recevoir tant d’émotions, délivrées par un seul acteur qui plus est sur un plateau nu. Mon imaginaire explosait alors grâce à toute la matière qui m’était proposée, tous les personnages qu’il interprétait. C’était bouleversant pour moi d’assister à une telle virtuosité, une telle maîtrise ! Une épopée moderne, mêlant fiction, vécus personnels et professionnels, d’une immense générosité, de finesse de jeu et d’humour et surtout de poésie.
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