Céline Milliat-Baumgartner a débuté sa carrière au théâtre avec Jean-Michel Rabeux, puis elle croise les chemins de Lucie Berelowitsch, Séverine Chavrier, David Lescot. Pauline Bureau la met en scène dans Les Bijoux de pacotille, l’adaptation du roman dans lequel la comédienne dresse avec pudeur et émotion, le portrait de ses parents morts dans un accident de voiture alors qu’elle n’avait que huit ans. Voici son interview Soir de Première.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Oui toujours. Et tous les soirs qui suivent aussi. Le trac est un compagnon fidèle qui me réserve toujours tout un tas de surprises (de l’envie irrépressible de dormir à celle de changer de métier) mais qui reste, le plus souvent, sagement en coulisses dès que je monte sur scène.
Comment passez vous votre journée avant un soir de première ?
S’il n’y a pas de répétition ce jour-là, ce qui est rare, j’erre dans le théâtre, de la loge aux coulisses, à la scène, à la salle, à la loge. J’y passe la plus grande partie de la journée, comme dans un cocon.
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Avant d’entrer en scène, je dédie toujours, en secret dans ma tête, la représentation à quelqu’un (vivant, mort, proche, dans la salle ou d’un autre siècle)
Première fois où je me suis dit « je veux faire ce métier ? »
Quand j’étais petite ma mère m’a emmené au cinéma voir le film Flashdance. J’ai adoré, je suis sortie en disant : « Je veux être la danseuse dans le film ». Quand, à 16 ans, il s’est avéré évident que je ne serai jamais petit rat de l’Opéra, je me suis dit : « en fait, je veux être l’actrice qui joue la danseuse ».
Premier bide ?
Premier tour du concours du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique : je prépare mes scènes depuis des mois car je rêve d’entrer dans cette école. Je monte sur scène, je présente Lulu de Wedekind, et là, tout fout le camp, je parle trop vite, je crie trop fort, je fais n’importe quoi. À la fin de ma scène je regarde le jury, hébétée, et j’entend un « merci » poli. Tard le soir, je rejoue la scène, de rage, toute seule dans ma baignoire, et la voisine du dessus tape des coups de balai violents au plafond pour me faire taire. Bide sur bide.
Première ovation ?
Alors que je désespère de n’avoir réussi aucun concours pour entrer dans une école nationale de théâtre, Jean-Michel Rabeux, que j’admire, m’engage pour jouer dans l’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer de Copi au Studio de l’Hermitage. C’est mon premier spectacle, plein de gens viennent le voir, il a tellement de succès qu’on le reprend dans la foulée au Théâtre de la Bastille. Je me dis que j’ai une chance inouïe.
Premier fou rire ?
À 13 ans je fais du catéchisme, et pour Noël on fait un spectacle à l’école. C’est la Cène, je joue un des apôtres et ma copine Béatrice, qui joue Jésus, partage si mal le pain qu’on part tout de suite en fou rire. C’est absolument irrésistible, jusqu’au moment où je me fais pipi dessus tellement je ris. Ça me calme direct.
Premières larmes en tant que spectateur, spectatrice ?
Les applaudissements me font pleurer. La première émotion dont je me souvienne avoir ressenti au théâtre, c’est d’être bouleversée par le public qui applaudit à la fin, et par les acteurs qui saluent. Plus tard je me souviens d’avoir pleuré tout le long de Cendrillon mis en scène par Joël Pommerat. C’était il y a dix ans. Cette année j’emmène ma fille de sept ans découvrir ce spectacle au Théâtre de la Porte St Martin, et ça m’émeut déjà.
Première mise à nue ?
Le spectacle Striptease créé avec le metteur en scène Cédric Orain au Théâtre de la Bastille : premier seul en scène, premier rapport à l’écriture, premier déshabillage. Au bout de 8 minutes de spectacle je suis nue, on peut passer à autre chose ! Être seule sur scène, même habillée, c’est chaque soir une mise à nue.
Première fois sur scène avec une idole ?
Mes partenaires dans mon premier spectacle, la pièce de Copi mise en scène par Jean-Michel Rabeux, sont Claude Degliame et Michel Fau, deux acteurs puissants, adorés, et follement admirés. Autant dire que je n’en reviens pas de cette chance, et aussi, que je ne fais pas trop la maline en répétition.
Première interview ?
En ce début d’année j’ai été gentiment invitée par Jean-Michel Ribes dans l’émission Culturebox, pour parler de mon dernier spectacle, Marilyn ma Grand-mère et moi. Et là, par surprise, ils ont passé l’extrait d’une interview que j’ai donné à Lille pour la télévision, à la fin des années 90, alors que je tournais pour le cinéma mon premier film, Dormez je le veux d’Irène Jouannet. Ça m’a cueillie : je n’ai aucun souvenir de cette interview, j’ai 19 ans et l’air d’en avoir 12.
Premier coup de cœur ?
Le premier spectacle de Franck Castorf auquel j’assiste. Humiliés et offensés, à Chaillot. Je n’ai jamais vu une telle liberté dans le jeu des acteurs et dans la mise en scène, je tombe en amour pour l’actrice Kathrin Angerer, je suis tellement sous le choc que je refuse de quitter le théâtre, je m’incruste au pot de première, et je rentre en bus avec les acteurs. C’est comme une rencontre amoureuse, je suis stupéfaite. J’ai retrouvé parfois cette sensation, dernièrement c’était en voyant Fanny et Alexandre, mis en scène par Julie Deliquet à la Comédie Française. À la fin des applaudissements, j’étais incapable de me lever de mon fauteuil (mais au bout d’un moment les ouvreurs sont gentiment venus me demander de quitter les lieux).
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !