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« Iqtibās », le grand amour franco-marocain de Sarah M.

Châtillon, Décevant, Ivry, Les critiques, Paris, Théâtre, Vitry-sur-seine
Iqtibās de Sarah M.
Iqtibās de Sarah M.

Photo Najat Saïdi

Avec Iqtibās, la quatrième création de sa compagnie Beïna, Sarah M. dit la nécessité pour la jeunesse d’aujourd’hui de transformer l’héritage colonial. Elle choisit pour cela la voie de la fable amoureuse, qui peine à remplir son ambitieux objectif.

Aux Zébrures d’automne où il a été créé, Iqtibās / Allumer son feu au foyer d’un autre occupait une place un peu à part. Sans faire cavalier seul par rapport au reste de la programmation de l’édition 2025 de ce festival, qui se tenait du 24 septembre au 4 octobre, cette création s’y reliait d’une façon particulière, propre à l’identité de la compagnie Beïna, dont le nom même dévoile en partie la nature. En arabe, « beïna » signifie « entre » : entre différentes cultures, entre plusieurs façons d’appréhender le monde et de le représenter. Dans le cadre d’un événement dédié aux créations francophones, le jeu de Beïna avec les assignations à une origine, à une identité contrôlée et contrôlable apparaissait a priori comme particulièrement riche. Il était d’autant plus bienvenu que ces Zébrures proposaient un focus consacré au Moyen-Orient et au Maghreb, avec de nombreuses pièces d’artistes peu connus sous nos latitudes – promesse également faite par le dernier Festival d’Avignon, mais beaucoup moins bien tenue qu’à Limoges. Le nom sous lequel se présente la directrice de la compagnie fondée en 2016, « Sarah M. », donne à la proposition le caractère d’un mystère à arpenter. Avec sa lettre unique en guise de nom de famille, cette artiste qui signe tous les textes et les mises en scène de Beïna donnait à espérer des déplacements fertiles entre les codes théâtraux auxquels nous sommes habitués en tant que spectateurs occidentaux et des formes qui nous seraient plus étrangères, plus difficiles à appréhender. La fable amoureuse que déploie l’artiste penche hélas trop du côté du familier, du connu, pour donner vraiment consistance à la forme d’étrangeté qu’elle prétend défendre.

« J’arrive ma vie dans des cartons pleins les mains. Dans les escaliers je fais comme si rien. Tu souris. Tu me demandes si je vais bien ». Dès cette première réplique prononcée par la comédienne Hayet Darwich dans le rôle de Balkis, la langue apparaît comme le lieu où Sarah M. souhaite ancrer l’étrangeté de son récit. Légèrement bancales, pas tout à fait normales, ces phrases campant le début d’une histoire d’amour peuvent apparaître comme annonciatrices du grand glissement, de l’énorme tremblement que Sarah M. place au cœur de sa pièce. Soit l’irruption dans le présent de Balkis et de son amoureux Abel (Maxime Lévêque) d’un passé jusque-là occulté par le couple : celui des relations franco-marocaines, autrement dit de la colonisation. Ce mouvement du présent vers le passé que décrit Iqtibās est une nouveauté pour Sarah M., qui ouvre ainsi une nouvelle phase de création. Après un premier cycle de recherche consacré à un aspect spécifique de l’Histoire, au « problème de la France avec les Arabes » selon sa formulation – elle traite dans le premier volet de son triptyque de la guerre d’Algérie, pour s’intéresser ensuite à la révolution tunisienne de 2011 et enfin à la mutilation des partis indépendantistes au Maroc au lendemain de l’indépendance –, Sarah M. cherche en effet à parler de sa génération. En optant pour une forme qui s’approche du conte, dès lors qu’un tremblement de terre réveille chez Balkis la mémoire des violences coloniales vécues par ses ancêtres marocains, l’artiste se met pourtant à distance du présent qu’elle souhaite donner à observer.

Si ce type de détour métaphorique peut éclairer d’une façon singulière le réel, il a plutôt tendance ici à trop nous en écarter pour donner à penser profondément le sujet que l’autrice et metteuse en scène voulait mettre sur le plateau : la nécessité pour la jeunesse actuelle de transformer l’héritage colonial, de le dépasser. La fable expose pour cela ses intentions d’une manière trop appuyée, trop démonstrative. L’arrivée de la langue arabe, plus précisément de la darija marocaine, dans la bouche de Balkis au lendemain du tremblement de terre aurait sans doute suffi à la compréhension de ce qui se joue là pour le duo, apparaissant alors soudain comme ce qu’il est : un couple mixte, Abel étant un Français, qui plus est enseignant sa langue maternelle. L’explication de son retour brutal au pays natal que livre l’héroïne à son compagnon, par le truchement du musicien syrien Hussam Aliwat également présent sur scène et endossant pour l’occasion le rôle du traducteur – imparfait, le dialecte marocain étant assez éloigné de l’arabe syrien –, ôte au spectateur la possibilité d’entrer dans Iqtibās comme on entre habituellement dans les contes, par l’imaginaire. Si la veine poétique que cherche à donner Sara M. à son épopée identitaire évoque forcément Wajdi Mouawad, en particulier son solo Seuls (2008), où il part en quête d’une histoire libanaise et d’une langue arabe oubliées, l’explication qui accompagne le fabuleux aux atours mythiques met ici la compagnie Beïna dans un « entre » dont pâtissent toutes les rives, tous les ingrédients réunis.

Présenté à la fois comme l’espace de la domination – lorsque la langue française recouvre totalement l’arabe – et de l’apaisement possible – pour la retrouver, Abel va vers la langue de son épouse perdue –, l’amour échoue à acquérir une existence théâtrale concrète. L’épure de la pièce – les trois interprètes évoluent sur un plateau tout à fait nu – et surtout sa dimension musicale auraient pu constituer la base d’une façon originale d’appréhender les traces laissées par l’Histoire coloniale. L’électro d’Hussam Aliwat ne suffit hélas pas à compenser les faiblesses de la fable ni à permettre aux comédiens d’en incarner véritablement les enjeux. En choisissant de ne pas entrer dans les détails de l’histoire franco-marocaine, ne décrivant les rapports entre les deux pays qu’au travers du couple et du tremblement de terre dont il n’est même jamais dit qu’il s’agit de celui du 8 septembre 2023 dans les montagnes du Haut Atlas marocain, Sarah M. nous laisse au seuil des nouvelles perceptions du monde qu’elle prétendait ouvrir avec son entre-deux.

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

Iqtibās / Allumer son feu au foyer d’un autre
Écriture et mise en scène Sarah M.
Avec Hayet Darwich, Maxime Lévêque, Hussam Aliwat
Création musicale et musique live Hussam Aliwat
Chorégraphie Wajdi Gagui
Scénographie, création lumière, régie générale Colas Reydellet
Création sonore et régie son Mikael Plunian
Motion Design Jeanne Denize
Costumes Léa Gadbois Lamer
Assistanat à la mise en scène Juliette Launay
Assistanat à la scénographie et à la construction Hervé Koelich
Traduction Youssef Ouadghiri, Noussayba Lahlou

Production Cie Beïna
Coproduction Théâtre Cinéma de Choisy-Le-Roi, Les Zébrures d’automne
Soutiens Cie Marie Lenfant (Le Mans), Collectif 12, Maison Denise Masson en partenariat avec l’IF de Marrakech

Spectacle lauréat du réseau « La vie devant soi » : Houdremont – Centre culturel de la Courneuve, Théâtre Dunois, L’Étoile du Nord, Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine, Théâtre Antoine Vitez – Scène d’Ivry, Théâtre de Châtillon, l’ECAM – théâtre du Kremlin Bicêtre, Théâtre André Malraux de Chevilly-Larue, en partenariat avec la Maison du Conte

Durée : 1h30

Vu en octobre 2025 à La Mégisserie, Saint-Junien, dans le cadre des Zébrures d’automne, festival organisé par Les Francophonies

Houdremont – Centre Culturel de La Courneuve
le 9 janvier 2025

Collectif 12, Mantes-la-Jolie
le 16 janvier

Théâtre Antoine Vitez, Scène d’Ivry
le 23 janvier

Théâtre de Châtillon
le 29 janvier

La Faïencerie, Théâtre de Creil
le 6 février

L’Étoile du Nord, Paris
le 10 février

Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine
le 17 février

Théâtre Cinéma de Choisy-Le-Roi
le 27 mars 

Théâtre André Malraux de Chevilly-Larue
le 3 avril 

6 octobre 2025/par Anaïs Heluin
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