Mettant en scène un dytique composé de l’opéra Iolanta et du ballet Casse-Noisette le russe ne convainc qu’à moitié.
« Mais c’est quoi le rapport entre Iolanta et Casse-Noisette ? » La question que notre voisine lâcha ce soir là, ils sont nombreux à l’avoir eu en tête dans la salle du Palais Garnier. Historiquement l’attelage proposé par le metteur en scène Dmitri Tcherniakov n’a rien d’une surprise. En effet la création de Iolanta et Casse-Noisette répondait à une commande du directeur des théâtres impériaux de Russie à Piotr Ilyitch Tchaikovski. Les deux œuvres continueront leur vie séparée. Iolanta se fera plus rare tandis que Casse-Nosiette deviendra le best-seller des compagnies au moment des fêtes. Est-ce qu’en 2016 leurs retrouvailles font sens ? Tcherniakov lui-même avoue que « ses ennuis » ont commencé lorsqu’il s’est mis en tête de trouver une partition pour accompagner Iolanta. On le comprend.
Le court opéra de Piotr Ilyitch Tchaikovski est de toute beauté : l’histoire de Iolanta fille du roi René à qui on cache sa cécité vous arrache les larmes. L’héroïne chante d’ailleurs que ses yeux ne servent qu’à pleurer. L’intrusion de Vaudémont va changer sa vision du monde et lui permettre d’entrevoir la lumière. Sonya Yoncheva s’impose sans mal en Iolanta avec à ses côtés Arnold Rutkowski. Tcherniakov a transposé l’action dans un appartement avec larges fauteuils et service à thé. On n’en sortira pas. Ce n’est pas tant Iolanta qui se cogne aux meubles que la mise en scène qui se heurte à cet espace réduit. On rêve d’horizon merveilleux et les fenêtres ouvrent sur un … mur. Évidemment cette scénographie façon maison de poupée permet de passer d’un univers à l’autre. Marie -que l’on découvre durant Iolanta- introduit le public dans son Casse-Noisette. Le décor alors se déplie et donne à voir un autre salon.
Iolanta est comme un opéra dans le ballet, une représentation d’un soir que les danseurs saluent chaleureusement. L’effet est réussi. Aux derniers saluts les « acteurs » de Iolanta sont devenus les héros de Casse-Noisette. Alain Altinoglu à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Paris ne fait qu’un avec la musique. Pour accompagner Dmitri Tcherniakov pas moins de trois chorégraphes ont été invités. C’est le jeune Arthur Pita qui ouvre le bal façon surprise-party. Il a voulu joué sur les individualités des solistes mais le pari pris tourne court. On est dans une danse théâtrale un rien forcée. Edouard Lock prend la relève avec une gestuelle saccadée et répétitive. Le joujou merveilleux de Tchaikovski se dérègle alors. Les étoiles Alice Renavand et Stéphane Bullion, la jeune Marion Barbeau assurent. Mais il faut attendre un duo réglé par Sidi Larbi Cherkaoui pour se laisser troubler. L’idée de Dmitri Tcherniakov est de se débarrasser des mièvreries de Casse-Noisette, de faire entrer sa Marie dans l’âge adulte. Intention louable :mais la vision d’un ballet avec des jouets XXL laisse plus que dubitatif. Et que dire de ces vidéos sans poésie… Cherkaoui une fois de plus sauve la mise avec une valse des âges. Et Marion Barbeau porte le final avec l’assurance d’une grande interprète. On se dit, en sortant du Palais Garnier, que le Casse-Noisette de notre temps est encore à inventer.
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr – mars 2016.
Iolanta/Casse-Noisette
Opéra en un acte (1892)
Musique
Piotr Ilyitch Tchaikovski
Livret
Modeste Tchaikovski
D’après Henrik Hertz, La Fille du roi René
En langue russe
Direction musicale
Alain Altinoglu
Marius Stieghorst
1 avr.
Mise en scène
Dmitri Tcherniakov
Roi René
Alexander Tsymbalyuk
Iolanta
Sonya Yoncheva
Vaudémont
Arnold Rutkowski
Robert
Andrei Jilihovschi
Ibn Hakia
Vito Priante
Alméric
Roman Shulakov
Bertrand
Gennady Bezzubenkov
Martha
Elena Zaremba
Brigitta
Anna Patalong
Laura
Paola Gardina
Casse-Noisette
Ballet en deux actes (1892)
Musique
Piotr Ilyitch Tchaikovski
Chorégraphie
Sidi Larbi Cherkaoui
Edouard Lock
Arthur Pita
Danseurs en alternance
Marion Barbeau
Marine Ganio
Stéphane Bullion
Julien Meyzindi
Nicolas Paul
Aurélien Houette
Yvon Demol
Takeru Coste
Alice Renavand
Sofia Rosolini
Simon Le Borgne
Caroline Bance
Charlotte Ranson
Mise en scène
Dmitri Tcherniakov
Décors
Dmitri Tcherniakov
Costumes
Elena Zaitseva
Lumières
Gleb Filshtinsky
Chef des Choeurs
Alessandro Di Stefano
Les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet
Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Choeur d’enfants de l’Opéra national de Paris
Surtitrage en français et en anglais
Ce spectacle fera l’objet d’une captation audiovisuelle
Une co-production Opéra national de Paris et Bel Air Média avec le soutien du CNC et la participation de France 3, réalisée par Andy Sommer.
Diffusion en direct au cinéma le 17 mars, diffusion sur Culture Box à partir du 19 mars.
Diffusion sur France 3 ultérieurement et sur France Musique le 26 mars.Palais Garnier – du 09 au 24 mai 2019
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