Au long de sa dernière création, le chorégraphe Salia Sanou digresse autour de Bach et des musiques africaines avec six danseuses. Jouant des alternances entre deux ambiances et énergies, elle peine à prendre son envol.
Bach fait presque l’unanimité chez les chorégraphes, et a inspiré nombre d’entre eux, dont George Balanchine, Hofesh Shechter, Noé Soulier et surtout Anne Teresa De Keersmaeker, qui lui a consacré plusieurs pièces. À son tour, Salia Sanou décide avec De Fugues… en Suites… de s’emparer des airs du compositeur allemand, pour les faire dialoguer avec des musiques d’Afrique de l’Ouest. Le chorégraphe burkinabé, qui œuvre depuis les années 1990 pour la valorisation des danses africaines, plonge dans les musiques qui lui sont chères avec six danseuses, qui les embrassent avec souplesse et plaisir.
Vêtues de justaucorps et de pantalons moulants noirs, pieds nus, les interprètes évoluent sur les mélodies gracieuses de Bach. La danse, précise, fait jaillir des gestes étirés, bras en l’air, haut du dos courbé et grandes secondes, en diagonales ou réparties dans l’espace, qui font écho à la danse contemporaine – Mathilde Monnier, avec qui Salia Sanou a collaboré dès 1993, n’est pas loin. Sur les airs du compositeur allemand, cette danse, plutôt froide, formelle, se déplie. Quand les rythmes de kora et de balafon – des instruments d’Afrique de l’Ouest – tintent, une souplesse apparaît dans les corps. Les bassins ondulent, les bras se courbent davantage, un rythme semble prendre possession des corps, comme si une vague de plaisir les traversait. L’ensemble devient plus léger, les regards plus complices. Les danseuses font onduler leurs mains pour figurer des becs d’oiseaux, ou leurs bras pour mimer un envol, puis, alignées, font des petits pas sur la pointe des pieds. Salia ni Seydou – la compagnie fondée en 1995 par Salia Sanou avec son complice Seydou Boro –, qui revendiquait une danse africaine contemporaine refusant le mimétisme des danses traditionnelles et les injonctions au folklore projetées par le regard occidental, n’est pas loin non plus.
Si ce casting 100% féminin fait jaillir des personnalités singulières, rassemblées par une complicité touchante, l’alternance entre musiques de Bach et musiques africaines, entre une danse tendue et une autre plus décontractée, tend vers l’exercice de style. Une redondance s’installe, sans que cette danse gracieuse et teintée de fantaisie ne trouve les moyens de décoller. Car, si le plaisir jaillit quand la kora et le balafon groovent, les parties de Bach restent un peu austères.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
De Fugues… en Suites…
Conception et chorégraphie Salia Sanou
Musique Jean-Sébastien Bach
Avec Ema Bertaud, Dalila Cortes, Ida Faho, Awa Joannais, Elithia Rabenjamina, Alina Tskhovryebova, Elizabeth Gahl (danseuse remplaçante)
Arrangements sonores Marin Cardoze
Lumière Sylvie Melis
Costumes Mathilde PossozProduction Compagnie Mouvements perpétuels
Co-production Théâtre de la Ville – Paris ; Ma, Scène nationale Pays de Montbéliard ; Charleroi danse – Centre Chorégraphique de Wallonie Bruxelles ; Théâtre Molière – Sète, Scène nationale Archipel de Thau ; Espaces pluriels, Scène conventionnée de Pau ; Le Quartz, Scène nationale de Brest ; Le Cratère, Scène nationale d’Alès ; Cndc Angers.La Compagnie Mouvements perpétuels est conventionnée par le ministère de la Culture – DRAC Occitanie, et reçoit le soutien de la Ville de Montpellier et de la Région Occitanie.
Durée : 1h
Théâtre de la Ville, Les Abbesses, Paris
du 5 au 10 novembre 2024Cndc Angers, dans le cadre du festival Conversations
le 21 mars 2025Espaces Pluriels, Scène conventionnée, Pau
les 6 et 7 mai
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