Création du compositeur Wilfried Wendling, directeur du Centre national de création musicale La Muse en Circuit, FAKE invite à une singulière traversée de la ville. Casqués, nous suivons le conteur Abbi Patrix et des musiciens dans une adaptation très libre de Peer Gynt d’Ibsen, où le réel contamine avec bonheur la fiction. Et inversement.
Depuis 2017, le compositeur Wilfried Wendling, le conteur Abbi Patrix et la percussionniste Linda Edsjö ont mis FAKE à l’épreuve de bien des lieux. Ils ont arpenté les environs de nombreux théâtres. Ils se sont mêlés à la foule d’un centre commercial marseillais, de La Canopée des Halles à Paris ou encore de Boissy 2 à Boissy-Saint-Léger. L’an dernier, ils se sont régulièrement mélangés aux voyageurs de la Gare de l’Est. Ils ont fait escale au Château de Fontainebleau… Quant à nous, c’est devant la Maison des Arts et de la Culture (MAC) de Créteil que nous avons eu la chance de les rencontrer le 5 septembre. Avant qu’ils ne repartent pour d’autres aventures, au Domaine de Chamarande, dans les rues de Strasbourg dans le cadre du Festival Musica ou encore à La Filature à Mulhouse. Avec pour invité le compositeur et guitariste Julien Desprez – ils aiment à embarquer sur leur route des compagnons éphémères –, les trois acolytes nous ont offert leur traversée urbaine musicale et verbale inspirée de Peer Gynt d’Ibsen. Entre lac et béton, FAKE a ouvert un bel espace où conte et réel s’entremêlent le temps d’une marche.
Pour prendre part à cette expérience « électro-contée » conçue par La Muse en Circuit, Centre national de création musicale qui tend à « décloisonner le champ de l’art sonore, musiques nouvelles voire novatrices », lit-on sur le site internet de la structure, il suffit d’échanger sa pièce d’identité contre un casque. Un troc habituel dans le milieu des arts de rue, dont Abbi Patrix soulève l’étrangeté dès les premières minutes de FAKE, lorsqu’il apparaît au milieu du groupe casqué et, circonstances obligent, masqué. « Un casque contre une identité ! », s’exclame le conteur dont la voix nous parvient au creux des oreilles. Très libre adaptation de Peer Gynt d’Henrik Ibsen, la pièce conçue par Wilfried Wendling prolonge le questionnement identitaire présent dans sa source. Il interroge aussi les codes de la représentation et ses limites. Aussi audacieux et inventif en matière de conte que Wilfried Wendling l’est en musique, Abbi Patrix excelle à s’emparer de nouveaux outils pour mettre sa parole au diapason de la ville et de l’époque.
Accompagné de Julien Desprez, dont la guitare électrique se mêle sous nos casques à des sons préenregistrés – notamment ceux d’une fausse radio, qui diffuse régulièrement des nouvelles tragiques, souvent en rapport avec l’immigration –, le conteur commence par poser des questions aux personnes présentes. « Vous sentez-vous vous-même ? », « Est-ce que vous mentez ? », « Êtes-vous heureux ? »… Casqués et non-casqués font partie de l’histoire. Ils remplacent tous les personnages que croise sur son chemin l’aventureux Peer Gynt : paysans, forgerons, maître chanteur, mais aussi trolls et autres créatures de la forêt. Bien qu’ils soient compliqués par les mesures sanitaires, dont Abbi Patrix joue autant que possible, ces entretiens initiaux nous placent quelque part entre réel et fiction. Dans un entre-deux qui perturbe nos perceptions habituelles, et renouvelle notre approche du paysage autant que du texte que s’approprient le comédien et les musiciens.
L’enlèvement d’une certaine Ingrid en plein mariage, son viol, sa rencontre avec l’une des filles du roi de Dovre qui l’entraîne parmi trolls et démons, sa vie d’esclavagiste dans un Maroc fantasmé où il fait fortune avant de tout perdre dans une tempête… Tous les épisodes de la vie mouvementée et souvent scandaleuse de Peer Gynt sont présents dans FAKE. Mais le présent, la vie que l’on croise lors de notre déambulation les bouscule sans cesse. Elle les parasite. Elle nous en éloigne parfois pour mieux nous y replonger ensuite. Grâce à un travail de repérage et d’enquête réalisé par l’équipe du spectacle en amont de chaque représentation, Abbi Patrix ancre l’épopée bancale de Peer Gynt dans le lieu qu’il nous fait traverser. Un forum des associations peut ainsi devenir une noce, un vélo mal garé un fabuleux destrier, une piste cyclable une frontière entre les humains et les trolls. Et un théâtre peut se faire clairière où la fin du anti-héros est célébrée par une symphonie solitaire, sublime.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
FAKE
Conception et musique électronique live : Wilfried Wendling
Conteur : Abbi Patrix
Percussionniste : Linda Edsjö
Voix irréelles : Anne Alvaro
Ingénieurs du son : Camille Lézer / Franck Gélie
Régie : Geoffrey Dugas+ une infinité de possibilités en matière de participations artistiques aussi bien professionnelles qu’amateures (jongleur, acrobate, chanteur, musicien, majorette, historien, etc.)
Quelques participations possibles : Julien Desprez, Louis Laurain, musiciens de l’ONDIF, Cyprien Busolini, Carola Shaal, Maguelone Vidal, Julia Robert…Production déléguée : La Muse en Circuit, Centre national de création musicale
Coproduction : La Compagnie du Cercle, direction Abbi Patrix | Lieux publics – Centre national de création en espace publicDurée : de 50 mins à 1h30
Lac Daumesnil au Bois de Vincennes
Entrée du parc par la Porte Dorée.
samedi 24 juin à 17h et jeudi 29 juin 2023 à 19h
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