Dans Laterna magica, Dorian Rossel poursuit avec brio son travail d’exploration et d’hommage à quelques figures majeures, et magiques, du cinéma du siècle dernier, en s’intéressant cette fois à celle d’Ingmar Bergman.
On connaissait l’amour de Dorian Rossel pour le cinéma de la Nouvelle Vague depuis sa très belle adaptation de La Maman et la Putain de Jean Eustache à laquelle avait succédé un spectacle fondé sur Le Dernier Métro de Truffaut. Avec Laterna Magica, le prolifique metteur en scène franco-suisse se penche sur la vie du légendaire Ingmar Bergman, contemporain des réalisateurs sus-cités, à partir de son écrit autobiographique du même nom. Les mêmes recettes produisant les mêmes effets, la simplicité du travail scénographique, l’intelligence dramaturgique et une remarquable interprétation font de ce spectacle une incontestable réussite.
Honneur aux acteurs, commençons par souligner l’épatante performance de Fabien Coquil, tout en présence, en ruptures, en nuances et en relances. Avec son visage poupin, cet acteur fraîchement sorti de l’école de la Comédie de Saint-Étienne incarne un Bergman chez qui l’enfant ne meurt jamais dans l’adulte. Les rapports conflictuels avec son frère et le cadre oppressant d’une famille de pasteur, où « Père » et « Mère » n’ont cessé de se déchirer, pèsent sur le récit que Bergman fait de sa vie, comme ils ont dû peser sur son enfance, et son devenir. L’autoportrait plein d’autodérision que le réalisateur fait de lui-même – un être froid, obsessionnellement organisé, en perpétuelle distance avec le réel, ne cessant de se réfugier derrière des masques sociaux – semble trouver ses racines dans une famille baignée par le puritanisme protestant de l’entre-deux guerres, qui tenta sans répit de domestiquer la vitalité de l’enfant Ingmar, qualifiée un jour par un pédiatre d’« élans maladifs ».
Honneur au metteur en scène ensuite, et à la metteuse en scène, puisque Delphine Lanza, qui joue également de petits rôles dans la pièce, a co-construit ce spectacle. Sa composition dramaturgique permet, à la fois, d’approfondir les différentes dimensions de l’autobiographie et de relancer le récit sur de nouvelles pistes à chaque fois que l’une d’elles menace de s’épuiser. A l’histoire familiale se superposent l’évocation d’une société corsetée, l’Histoire vécue à hauteur d’homme à travers l’engouement juvénile et passager de Bergman pour Hitler, la construction d’une personnalité, et, bien sûr, le rapport au cinéma, insuffisamment traité pour ne pas laisser un peu sur sa faim.
Dans une langue simple et épurée, comme la scénographie qui, à partir d’un grand tulle blanc et de quelques planches de bois, parvient à composer des univers suggestifs, bien que parfois inaboutis, Laterna Magica prend, comme La Maman et la Putain, la forme d’un hommage bien vivant au passé, délicat et sensible, autour d’un homme qui n’a trouvé que les masques et le mensonge pour répondre à sa soif de vérité.
Laterna Magica
d’après Ingmar Bergman
Avec Fabien Coquil, Delphine Lanza, Ilya Levin
Mise en scène Dorian Rossel et Delphine Lanza
Lumières Julien Brun
Musique Yohan Jacquier
Son Thierry Simonot
Costumes Eléonore Cassaigneau
Scénographie Cie STT
Assistant Clément FressonnetProduction Cie STT
Avec le soutien de Fondation Meyrinoise du Casino, Loterie Romande, Ernst Göhner Stiftung, École de la Comédie de Saint-Etienne / DIESE # Auvergne-Rhône-Alpes.
Remerciements Noémi Alberganti, Tamara Bacci, Barbara Baker, Daphné Bengoa, Duniemu Bourobou, Guilherme Bothelo, Antonio Buil, Xavier Fernandez Cavada, Carine Corajoud, Daria Deflorian, Madeleine des Oiseaux, Patrick Eichenberger, Romain Fouroux, Marcelline Gamma, Claire Gerignon, Sandra Heyn, Marie-Laure Lecourt, Olivier Lopez, Muriel Maggos, Pauline Masson, Patrick Merz, Arnaud Meunier, Alexandre Paradis, Jean-Michel Puiffe, Marco Renna, Caroline Simpson-Smith, Fabien Spillmann, Benno Steinegger, Séverine Skierski, Pierric Tenthorey, Audrey Vernon, Hervé WalbeckLa Compagnie est conventionnée avec les Villes de Lausanne, Genève et Meyrin et avec le Canton de Genève. Elle est associée à la Garance SN Cavaillon et à la MC Bourges, et Artiste associé en résidence au Théâtre Forum Meyrin.
Les œuvres théâtrales d’Ingmar Bergman sont représentées en langue française par l’agence Drama – Suzanne Sarquier en accord avec la Fondation Bergman et l’agence Josef Weinberger Limited à Londres.
Durée : 1h25
Festival d’Avignon Off 2019
11 Gilgamesh Belleville
du 5 au 23 juillet à 10h30 – Relâches les 10 et 17
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