L’œuvre écrite par Pauline Viardot d’après le conte de Perrault se réinvente sous les arrangements musicaux de Jérémie Arcache et théâtraux de David Lescot pleins d’humour et de malice. Produit par la co[opéra]tive, répété à l’Opéra de Rennes et créé au Théâtre-Sénart, le spectacle part pour une longue tournée et passera par Paris, à l’Athénée.
Célèbre cantatrice dotée d’une large tessiture comme d’un tempérament passionné, Pauline Viardot a plus de 80 ans et voit sa carrière de chanteuse bien derrière elle lorsqu’elle s’adonne à la composition du petit ouvrage qu’est Cendrillon. Sa création dans les intérieurs parisiens de mademoiselle Mathilde de Nogueiras le soir du 23 avril 1904 atteste de la modeste facture de cette « opérette de salon » en trois tableaux. Pour autant, sept chanteurs sont tout de même nécessaires à l’interprétation de cet opéra-comique chambriste, toutes et tous bien servis par une musique qui offre quelques airs simples en apparence, mais néanmoins séduisants, car joliment mélodieux et raffinés, qu’ils soient de registre nostalgique ou de tonalité plus franchement gaie.
La co[opéra]tive, qui réunit trois scènes lyriques (le Théâtre Impérial de Compiègne, l’Atelier Lyrique de Tourcoing et l’Opéra de Rennes) ainsi que trois scènes nationales (Quimper, Sénart et Besançon), produit chaque année un spectacle d’opéra aussi relativement léger que promis à être largement diffusé. C’est le cas de cette nouvelle version de Cendrillon. Place à l’enchantement, mais pas à la désuétude. C’est donc sans archaïsme que, musicalement comme théâtralement, les artistes qui signent cette production n’ont pas hésité à intervenir sur le matériau originel pour mieux le rafraîchir. Leur réécriture est aussi bien instrumentale que textuelle. La partition composée pour piano seul est ici arrangée par Jérémie Arcache pour claviers, clarinette, violoncelle et percussions. Dirigée par la cheffe Bianca Chillemi, elle offre un accompagnement inventif et véhément plein de ressources étonnantes. Les dialogues sont également adaptés au goût du jour par David Lescot, dont la copie ne se prive pas pour autant du plaisir savoureux de converser dans une langue versifiée. La modernité de sa mise en scène tient dans le fait de ne pas renoncer à convoquer les éléments phares du conte, mais pour mieux les revisiter, et ce, avec un plaisir non dissimulé. Ainsi, la citrouille devenue carrosse ne manque pas de produire un certain effet.
Dans le décor assez simple d’un boudoir tout en jaune or, des cadres cossus cernent les musiciens surélevés comme les sujets d’une toile de maître mis en abyme. De part et d’autre, on trouve quelques accueillants canapés. Au centre, une haute et resplendissante cheminée. En passant la serpillière, Cendrillon chante pour elle-même « Il était jadis un prince qui voulait se marier, mais l’amour, à tire d’ailes, en le voyant s’envolait », dont les paroles et la ligne musicale rappellent une chanson ancienne et font embarquer dans le lointain monde du récit merveilleux. La vocalité douce et apaisée de personnage est finement restituée par son interprète. La lumineuse Apolline Raï-Westphal combine toutes les qualités requises pour le rôle.
Ses vilaines belles-sœurs sont quant à elles d’irrésistibles et ridicules précieuses piaffantes campées avec une verve acidulée par Clarisse Dalles et Romie Estèves. Au père de Cendrillon, un ancien épicier qui a fait de la prison avant de devenir baron, Olivier Naveau prête un air cocasse et nostalgique. Le prince et son valet, Tsanta Ratia et Enguerrand de Hys, se livrent avec aisance et ce qu’il faut de cabotinage à un jeu digne d’un marivaudage qui renverse toute hiérarchie sociale. Enfin, il n’y a pas de Cendrillon sans fée. Cette dernière est superbement incarnée par Lila Dufy, dont le « Je viens te rendre à l’espérance » est gratifié d’un magnifique accompagnement tintinnabulant.
La soirée au château royal prend les traits d’un pastiche de numéro de cabaret. Sur un grand escalier devant un rideau lamé digne des Folies Bergères, la scène de bal se transforme épisodiquement en récital. Tandis que les belles-sœurs jouent les harpies qui rivalisent de vocalises sur le premier air de Donna Elvira dans le Don Giovanni de Mozart, Cendrillon se distingue en s’illustrant dans l’incongru Stripsody de Cathy Berberian, dont les borborygmes et onomatopées sont d’un tout autre style que les jolies mélodies de Viardot. Le moyen est habile pour montrer que mettre en scène Cendrillon avec fidélité peut aussi déboucher sur une lecture plus affranchie et libérée. C’est d’ailleurs ce que se permet le rôle-titre en corrigeant sa propre fin comme pour se revendiquer être aux antipodes d’une héroïne de conte stéréotypée.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Cendrillon
de Pauline Viardot
Adaptation musicale Jérémie Arcache
Mise en scène et adaptation du livret David Lescot
Direction musicale et piano Bianca Chillemi
Assistante mise en scène Mona Taïbi
Scénographie Alwyne De Dardel
Assistante scénographe Sasha Walter
Costumes Mariane Delayre
Création lumières Matthieu Durbec
Création vidéo Serge Meyer
Régie générale Marie Bonnier
Avec Apolline Raï-Westphal, Tsanta Ratia, Clarisse Dalles, Romie Estèves, Olivier Naveau, Enguerrand de Hys, Lila Dufy, Bianca Chillemi (piano), Marwane Champ (violoncelle), Vincent Lochet (clarinette), Valentin Dubois (percussions)Production la co[opéra]tive de Les 2 Scènes / Scène nationale de Besançon, Théâtre Impérial – Opéra de Compiègne, Théâtre de Cornouaille / Scène nationale de Quimper, Opéra de Rennes, Théâtre-Sénart / Scène nationale, Atelier Lyrique de Tourcoing
Coproduction Angers-Nantes Opéra, Le Bateau Feu / Scène nationale de Dunkerque, Festival de Saint-Céré
Soutiens ENSATT, SPEDIDAM
Action financée par la Région Île-de-FranceLa co[opéra]tive bénéficie du soutien du ministère de la Culture et de la Caisse des Dépôts, mécène principal.
Durée : 1h10
Vu en novembre 2025 au Théâtre-Sénart
Théâtre Impérial, Opéra de Compiègne
le 14 novembreAtelier Lyrique de Tourcoing
du 20 au 22 novembreScènes du Golfe, Vannes
les 3 et 4 décembreMC2: Maison de la Culture de Grenoble, Scène nationale
du 10 au 12 décembreThéâtre de Cornouaille, Scène nationale de Quimper, avec Très Tôt Théâtre
du 17 au 20 décembreOpéra de Rennes
du 27 décembre au 6 janvier 2026Théâtre du Pays de Morlaix
les 8 et 9 janvierLe Volcan, Scène nationale du Havre
les 26 et 27 janvierAngers Nantes Opéra, Grand Théâtre d’Angers
les 30 et 31 janvierMaison des Arts de Créteil
les 19 et 20 févrierLes 2 Scènes, Scène nationale de Besançon
les 24 et 25 févrierAngers Nantes Opéra, Théâtre Graslin, Nantes
du 3 au 6 marsAthénée Théâtre Louis-Jouvet, Paris
du 12 au 22 marsLes Quinconces L’espal, Scène nationale du Mans
les 25 et 26 marsLe Bateau Feu, Scène nationale de Dunkerque
le 2 avril


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