Après une fort longue attente, c’est au Printemps des comédiens à Montpellier que Cyril Teste fait enfin découvrir sa mise en scène à la fois fidèle et très personnelle de La Mouette de Tchekhov dans laquelle la vidéo amplifie et magnifie son interprétation hypersensible de la pièce.
Il y a deux ans, on avait quitté le festival montpelliérain sur La Cerisaie que le metteur en scène Simon McBurney avait transposée dans des années 1970 oscillantes entre une insouciante légèreté et le déclin programmé. Après l’annulation de l’édition 2020 en raison de la pandémie de Covid-19, c’est à nouveau Tchekhov qui illumine la pinède du Domaine d’O où se sont tenues les premières représentations de La Mouette, un spectacle très attendu.
En occupant la scène de théâtre comme un plateau de cinéma, Cyril Teste travaille une toute autre manière de donner à voir la pièce et le jeu d’acteurs, et ce à travers la prépondérance de l’image filmique et de l’exploration du hors-champ. La nature qui est un motif primordial dans La Mouette s’offre à la vue uniquement par projection vidéo. Le lac que bordent de hauts et abondants sapins se présente comme enveloppé d’un brouillard blafard, lui donnant une dimension quasi-fantomatique qui reflète bien l’atmosphère feutrée de la représentation entre ombre et lumière.
La traduction très juste d’Olivier Cadiot, la musique envoûtante de Nihil Bordures et le langage cinématographique qui caractérise le travail résolument contemporain de Cyril Teste font parfaitement écho à l’utopie sans doute péremptoire mais tellement sincère de Constantin, celle de fabriquer des formes artistiques « nouvelles ». Le personnage est au centre de cette version de La Mouette. Simplement et habilement présenté comme un jeune artiste d’aujourd’hui, esprit rigoureux et allure dégingandée, tantôt morose tantôt bouillonnant, épris d’idéal et de radicalité. Mathias Labelle se montre très convaincant dans le rôle qu’il joue à la fois avec retenue et sur un registre plus incendiaire. Au début, il s’affaire dans son atelier spartiate pour présenter à sa famille une œuvre de son cru au centre de laquelle se tient Nina (audacieuse Liza Lapert) dont il est fou amoureux. Eux deux affichent sans complexe ni complaisance, une attirance pour la contestation des convenances et assument une certaine marginalité, un désir d’affranchissement ; lui en signant cette installation plastique et performative qui évidemment ne suscitera qu’un mépris hostile, elle en arborant une silhouette un brin garçonne, des cheveux courts et un corps menu largement tatoué.
En signant récemment une adaptation théâtrale de Festen, le film de Thomas Vinterberg ou sa première mise en scène d’opéra avec Hamlet d’Ambroise Thomas, Cyril Teste a déjà démontré que la famille, vampirique, toxique, se présentait pour lui comme un sujet de prédilection. Dans La Mouette, il exacerbe les tensions violentes et passionnelles entre les individus à l’occasion de puissants corps-à-corps, notamment entre le fils et sa mère. Olivia Corsini campe une fine et vibrante Arkadina, grande actrice égocentrique, sûre de son goût comme de son talent.
L’image tournée et projetée en direct prend une place prépondérante dans la mise en scène. Elle dilate et diffracte son sujet grâce à l’utilisation du gros plan ne laissant rien perdre de l’expression magnifiquement intériorisée des interprètes. Elle favorise l’intimisme de l’action et la proximité avec les personnages qui existent bel et bien physiquement, organiquement, aussi bien sur scène que sur écran tandis que les acteurs jouent parfois de longues scènes derrière des pans de mur blancs qui délimitent un espace de jeu souvent invisible de la salle. Cyril Teste isole, capte et zoome avec intensité les visages et les corps étriqués ou exultants, dansants même parfois. Il met aussi en évidence le caractère profondément épidermique du théâtre de Tchekhov et de ses personnages qu’ils présentent comme des solitaires un brin écorchés vif, aussi bien dans leurs relations sentimentales souvent contrariées (trahison, non-réciprocité…) que dans leurs rapports familiaux. Tout chez eux est habité de désir et de destruction. C’est cela qu’il met en scène, en sons, en lumières et en images avec beaucoup de talent.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
La Mouette
d’après Anton Tchekhov
Traduction Olivier Cadiot
Mise en scène Cyril Teste
Avec Vincent Berger, Olivia Corsini, Katia Ferreira, Mathias Labelle, Liza Lapert, Xavier Maly, Pierre Timaitre, Gérald Weingand
Collaboration artistique Marion Pellissier, Christophe Gaultier
Assistanat à la mise en scène Céline Gaudier, Anaïs Cartier
Dramaturgie Leila Adham
Scénographie Valérie Grall
Création lumière Julien Boizard
Création vidéo Mehdi Toutain-Lopez
Images originales Nicolas Doremus et Christophe Gaultier
Création vidéos en images de synthèse Hugo Arcier
Musique originale Nihil Bordures
Ingénieur du son Thibault Lamy
Costumes Katia Ferreira assistée de Coline Dervieux
Direction technique Julien Boizard
Régie générale Simon André
Régie plateau Simon André, Guillaume Allory, Frédéric Plou ou Flora Villalard
Régie vidéo Mehdi Toutain-Lopez, Claire Roygnan ou Baptiste Klein
Cadreurs-opérateur Nicolas Doremus, Christophe Gaultier, Marine Cerles ou Paul Poncet
Régie son Nihil Bordures, Thibault Lamy ou Mathieu Plantevin
Régie lumière Julien Boizard ou Nicolas JoubertProduction Collectif MxM
Avec la Fondation d’entreprise Hermès dans le cadre de son programme New Settings
Coproduction Bonlieu Scène nationale Annecy, Théâtre du Nord CDN de Lille Tourcoing Hauts-de-France, Printemps des Comédiens, TAP-Théâtre Auditorium de Poitiers, Espace des Arts Scène nationale de Chalon sur Saône, Théâtre de Saint-Quentin-en-Yveline-Scène Nationale, Comédie de Valence-Centre dramatique national Drôme Ardèche, Malraux, Scène nationale de Chambéry, Le Grand T, Théâtre de Loire-Atlantique, Théâtre Sénart-Scène nationale, Célestins-Théâtre de Lyon, Scène Nationale d’Albi, Le Parvis Scène nationale Tarbes Pyrénées, Théâtre Vidy, Lausanne, CDN Orléans Centre-Val de Loire, La Coursive Scène nationale La Rochelle
Avec la participation et le soutien du Fonds de dotation Francis Kurkdjian, du DICRéAM, de Smode Tech, du programme de coopération territoriale européenne INTERREG V France-Suisse dans le cadre du projet PEPS Annecy-Chambéry-Genève-Lausanne, du Théâtre Monfort, de la Maison Jacques Copeau
Remerciements Jacqueline Berthier, Mireille Brunet- Hermet, Jean-Pierre Dos, Ivan Grinberg, Joël Jouanneau, Olivier SchnoeringLe Collectif MxM est artiste associé à Bonlieu Scène Nationale Annecy, au Théâtre du Nord Centre Dramatique National de Lille Tourcoing Hauts-de-France et soutenu par la Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France – Ministère de la culture et de la communication et la Région Île-de-France.
Julien Boizard, Nihil Bordures et Cyril Teste sont membres du vivier des artistes de l’Espace des Arts.
Cyril Teste est membre du collectif d’artistes du Théâtre du Nord Centre Dramatique National de Lille Tourcoing Hauts-de-France et de l’Ensemble artistique de La Comédie de Valence, Centre dramatique national Drôme-Ardèche.Durée : 2h
Comédie de Valence, Centre dramatique national Drôme Ardèche
du 19 au 21 mai – annuléPrintemps des Comédiens, Montpellier (34) 10-13 juin
MC93 Bobigny, du 25 au 30 juin
Bonlieu Scène nationale Annecy, du 6 au 10 octobre 2021
Malraux, Scène nationale de Chambéry-Savoie, du 13 au 15 octobre 2021
Les Gémeaux, Scène nationale de Sceaux, du 9 au 18 novembre 2021
Les Quinconces, Scène nationale du Mans, du 25 au 27 novembre 2021
Le Grand R, Scène nationale de la Roche sur Yon, les 6 et 7 décembre 2021
Espace des arts, Scène nationale de Chalon sur Saône, du 16 au 18 décembre 2021
La Coursive, Scène nationale de La Rochelle, les 5 et 6 janviers 2022
Points-Communs, Scène nationale de Cergy, les 13 et 14 janvier 2022
L’Archipel, Scène nationale de Perpignan, les 20 et 21 janvier 2022
Le Parvis, Scène nationale de Tarbes-Pyrénées, les 27 et 28 janvier 2022
CDN de Sartrouville, les 10 et 11 février 2022
Théâtre + Cinéma, Scène nationale Grand Narbonne, les 16 et 17 février 2022
Les Célestins, Théâtre de Lyon, du 2 au 12 mars 2022
Théâtre National de Bordeaux en Aquitaine, du 22 au 26 mars 2022
Théâtre Sénart, Scène nationale, du 31 mars au 2 avril 2022
La Rose des vents, Scène nationale de Villeneuve d’Ascq, du 6 au 8 avril 2022
Théâtre des Amandiers, CDN de Nanterre, du 14 au 30 avril 2022
Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, Scène nationale, les 12 et 13 mai 2022
Théâtre & Auditorium de Poitiers, Scène nationale, du 17 au 19 mai 2022
CDN Orléans, les 15 et 17 mai 2022
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