Renversante est né de la rencontre de la metteuse en scène avec le roman de Florence Hinckel, et cette rencontre a tout de l’évidence. Avec l’espièglerie qu’on lui connaît, elle s’empare de cette petite forme punchy qui, en inversant les genres, met la société cul par-dessus tête et en dénonce le sexisme, devenu invisible à force d’habitude.
Le jeune public lui va comme un gant. Léna Bréban a le chic pour fabriquer des spectacles qui s’adressent aux enfants avec une bonne dose d’humour et beaucoup d’entrain, et surtout, mettre en scène des sujets de société avec une espièglerie qui fait tellement de bien – comme Les Inséparables, pépite du genre, ou Sans famille au Vieux-Colombier. Renversante, création made in premier confinement – portée par l’Espace des Arts, Scène nationale de Chalon-sur-Saône, où elle a vu le jour en janvier 2021 – est une petite forme, courte, légère et nomade, prévue pour tourner dans des salles de classe, des salles polyvalentes et des théâtres.
Il ne lui faut en effet pas grand-chose pour exister : une scénographie réduite à minima, une table de classe, deux chaises, un micro sur pied et un écran. Deux comédiens facétieux, prêts à changer de rôle comme de chemise, et un rapport de grande proximité avec le public, car la représentation, qui dure une demie-heure, se prolonge immédiatement par un débat d’une durée égale, voire supérieure si les enfants et adolescents sont enclins à alimenter la discussion. Et c’est parti pour l’aventure d’un monde inversé inventé par l’autrice Florence Hinckel, dont le roman Renversante est publié à L’École des Loisirs.
L’histoire farfelue de deux jumeaux, un garçon et une fille, qui s’interrogent sur le monde qui les entoure, sachant que, dans ce monde-là, les genres sont renversés. Ici, la domination est donc féminine ! Bienvenue dans une société dirigée systématiquement par une Présidente de la République, où les noms de rue sont empruntés exclusivement à des femmes célèbres, les bistrots remplis de femmes, où les publicités traitent l’homme en objet de désir et argument de vente… et, bien sûr, les pères s’occupent des enfants à plein temps, cela va de soi. L’idée est aussi simple que géniale, car le procédé permet de mettre en lumière l’absurdité et l’injustice du sexisme ordinaire et du patriarcat institutionnel. En prenant le contrepied de l’ordre établi, en déjouant nos habitudes par l’inversion des rôles, Florence Hinckel tord le cou aux schémas dominants, aux codes réacs, aux injonctions insensées et autres mœurs aberrantes que l’on finit par ne plus remarquer à force de baigner dedans.
Au plateau, Léna Bréban et Antoine Prud’homme de la Boussinière s’en donnent à cœur joie et portent cette fable avec complicité dans un jeu cocasse et ludique, qui est la marque de fabrique de la metteuse en scène, très visuel, en vignettes expressives, inspiré par la bande dessinée. Avec quelques accessoires, sac à dos, bonnet, serre-tête, lunettes et moustaches, en changeant leurs postures et leurs mimiques, les deux interprètes passent des parents aux enfants, des copains et copines aux profs, pour mieux baliser les différentes sphères, publique et privée. Le dispositif fonctionne à merveille. L’adaptation est très réussie, les enfants sont hilares et réagissent au quart de tour, et le débat qui s’ensuit est la preuve qu’ils se sentent concernés et interpellés par le sujet. Chacun y va de sa question, de sa réflexion, de son anecdote personnelle. C’est riche et joyeux, et cette émulation donne de l’espoir. Les lignes sont en train de bouger autant que les notions de genre sont bousculées, et on a totale confiance en cette jeune génération de plus en plus consciente et mobilisée.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
Renversante
Texte Florence Hinckel
Mise en scène Léna Bréban
Adaptation Léna Bréban, Thomas Blanchard
Avec Léna Bréban, en alternance avec Julie Roux et Salomé Diénis Meulien, Antoine Prud’homme de la Boussinière, en alternance avec Pierre Lefebvre, Étienne Durot et Adrien Urso
Scénographie Léna Bréban
Création lumières Denis Koransky
Costumes Julie Deljehier
Vidéo Julien DuboisProduction Espace des Arts, Scène nationale Chalon-sur-Saône
Durée : 35 minutes (et 30 minutes et plus de débat)
Vu en mars 2022 au Grand Parquet, Paris
Théâtre de la Concorde, Paris
du 1er au 12 mars 2025Le Grand-Logis, Bruz
le 4 marsHôtel de Ville, Le Kremlin-Bicêtre
le 7 marsBoissy-Saint-Léger
les 13 et 14 marsTandem, Scène nationale, Arras-Douai
du 17 au 27 mars
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