Christian Benedetti s’est lancé depuis cinq ans dans l’intégrale des pièces de Tchekhov. Après La Mouette, Oncle Vania et Les trois sœurs, voici La Cerisaie. La pièce été créée en juin 2015 dans le cadre des Nuits de Fourvière.
Cette version de La Cerisaie est énergique. Peu d’éléments de décor, à part l’armoire des enfants, des tables, des chaises, une scène de bal endiablée et un jeu énergique, Christian Benedetti ne s’encombre pas de fioritures. Il respecte le texte et la volonté de Tchekhov de faire de cette pièce une comédie sociale. Rencontre avec le metteur en scène.
Voici la suite de votre voyage dans l’univers de Tchekhov avec la Cerisaie dans une version optimiste
Tout simplement parce que Tchekhov disait que c’était un vaudeville. Et c’est vrai que c’est d’un optimisme terrible même si chacun laisse un bout de lui-même à la fin de la pièce. C’est une pièce sur la transformation d’un monde, sur la perte et sur l’effacement des choses. L’enjeu pour les acteurs est de savoir ce qu’il faut laisser au dernier acte. On renonce alors que pendant trois actes les personnages donnent l’impression qu’ils sont insouciants. Lioubov Andréïevna Ranevskaïa fait tout pour ne pas parler de son enfant mort, les autres sont aux aguets pour ne pas qu’elle ne pleure pas. Ce ne sont pas des gens indolents qui s’en foutent, c’est juste une question de classe. Il est impossible pour eux de penser que le Cerisaie devienne un lotissement. Ermolaï Alexéïevitch Lopakhine, fils de cerf projette d’acheter la Cerisaie malgré lui. C’est un paradoxe. Plus personne ne le regarde. Il est seul avec son champagne. Il y a deux mondes qui se font face et qui émergent. A la fois la Révoltution à travers les idées de l’étudiant Piotr Serguéïevitch Trofimov et le monde de l’argent représenté par Liopakine. Et c’est lui qui va gagner.
Et Liopakine, c’est aussi un peu le nouveau riche d’aujourd’hui, le parvenu.
Oui il est marchant, il fait des affaires. Il achète et il revend. Il a tout racheté sauf son enfance. Il a achète des arbres, mais lui n’a pas de racines. Un arbre sans racines c’est un arbre mort. Et l’on comprend pourquoi il veut faire abattre les arbres parce que ses ancêtres étaient des cerfs. C’est une pièce abstraite de Tchekhov. On passe d’un théâtre à l’autre. La pièce est abstraite comme une symphonie de Tchaïkovski. Et c’est pour cela qu’elle est drôle.
Et toujours avec vous dans un rythme effréné, une version avec le texte intégral en 1h30…
Je ne chronomètre jamais. Cela n’a jamais été une volonté. Cela s’impose à nous. Les gens en rient et trouvent que c’est rapide mais on n’a pas cette sensation sur le plateau. On évolue et il y a même des moments où l’on trouve que c’est un peu lent ! C’est aussi le temps qu’il faut pour voir ce monde qui disparaît. Car au fond est-ce qu’elle a vraiment réellement existé cette Cerisaie ? C’est peut-être un rêve ? C’est peut-être le cauchemar de la Russie d’aujourd’hui !
Propos recueillis par Stéphane CAPRON
du 5 mars au 24 mars 2018 à 20h30
au Studio Théâtre Altforville
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