Accompagné par Samuel Achache, le jeune musicien signe son premier spectacle tout public, Chewing gum Silence. Variation théâtrale et musicale autour des airs obsédants, il s’impose comme un remède à la morosité.
Tout un chacun a déjà eu, un jour, une mélodie qui lui a collé aux basques. Ou plutôt à l’oreille. Le temps d’un matin, d’un après-midi, d’une nuit, ces notes ont pu, à force de se jouer sans être désirées, rendre fou leur auditeur martyrisé. A en croire les sites Internet, le phénomène dit du « ver d’oreille » – traduction littérale de l’allemand Ohrwurm – aurait moult remèdes : laisser vagabonder son esprit, faire des casse-têtes, chanter une chanson moins connue, écouter un « traitement » musical, voire, pour les plus téméraires, résoudre un problème mathématique.
L’un d’entre eux est, sans doute, moins attendu que les autres. Selon une équipe de chercheurs – très sérieux – de l’université Reading, en Grande-Bretagne, il suffirait de… mâcher un chewing-gum. Grâce à l’activation des articulations de la bouche, la mastication permettrait de faciliter l’oubli d’une chanson entêtante, et même de chasser les pensées intrusives. A partir de cette conclusion iconoclaste, Antonin Tri Hoang a bâti un spectacle qui l’est tout autant. Accompagné par Samuel Achache, le jeune saxophoniste et clarinettiste a mené des ateliers avec des élèves de Seine-Saint-Denis pour collecter des « petits bouts d’airs », et a inventé un endroit où seraient créées et stockées l’ensemble des mélodies du monde.
Dans cet entrepôt, empli de boîtes en carton, deux travailleurs s’affairent pour composer ou réparer les airs qui ont su traverser l’espace et le temps. L’oreille collée à la paroi, ces acousticiens un peu fadas savent repérer les mélodies en souffrance, celles dont le rythme s’essouffle, le timbre se ternit, les notes se font la malle. Un jour, le duo d’ermites voit débarquer une jeune femme, Irène, qui n’a pas dormi depuis six mois à cause d’une mélodie perdue. Ensemble, ils vont tenter de remettre la main dessus et recomposer, au passage, quelques airs partis en fumée, car bien trop éculés, tel l’inénarrable « Joyeux anniversaire ».
Moins que pour ce filet dramaturgique, qui a tout l’air d’un prétexte et ne s’en cache d’ailleurs pas, Chewing gum Silence vaut pour sa façon habile, comme toujours chez Samuel Achache, de mêler théâtre et musique. Mâtiné d’une poétique quasi enfantine, ce spectacle tout public – à partir de six ans – profite des capacités, virtuoses, de ses trois musiciens – Antonin Tri Hoang au saxophone, à la clarinette et au clavier, Thibault Perriard à la guitare et à la batterie, et Jeanne Susin au piano – qui, bien plus que des interprètes, se révèlent être des acrobates de la partition, capable d’en composer, décomposer, recomposer le moindre fragment.
Habilement dirigés par Samuel Achache, ils savent aussi se faire comédiens malicieux et donner une profondeur à leurs personnages de doux-dingues, à qui l’on s’attache quasi inévitablement. Qu’ils cherchent à décrocher un « ré » incrusté au plafond ou à jouer, un peu bizarrement, au Mikado géant, ils forment une communauté de résistants à la morosité ambiante. En ces temps troublés, leur royaume a tout d’un refuge où l’on aurait tort, le temps d’une mélodie, de ne pas pénétrer.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Chewing gum Silence
Conception Antonin Tri Hoang
Mise en scène Samuel Achache
Écriture, composition et interprétation Antonin Tri Hoang (saxophone, clarinettes, clavier), Thibault Perriard (voix, guitare acoustique, batterie), Jeanne Susin (voix, piano préparé, percussions)
Scénographie Raffaëlle Bloch
Lumières César Godefroy
Costumes Pauline KiefferProduction Banlieues Bleues
Coproduction Les 2 Scènes, Scène nationale de Besançon ; Nouveau théâtre de Montreuil – centre dramatique national ; Festival d’Automne à Paris
Coréalisation Nouveau théâtre de Montreuil – centre dramatique national ; Festival d’Automne à Paris pour les représentations au Nouveau théâtre de Montreuil – centre dramatique national
Coréalisation La vie brève – Théâtre de l’Aquarium (Paris) ; Festival d’Automne à Paris pour les représentations au Théâtre de l’Aquarium (Paris)
Soutien à la recréation, La vie brève – Théâtre de L’Aquarium (Paris)
Avec le soutien du Centre National de la Chanson, des Variétés et du Jazz et de la SacemDurée : 55 minutes
Théâtre de l’Aquarium, Festival d’Automne à Paris
les 21 et 22 décembre 2019 et les 10 et 11 janvier 2020Théâtre Alexandre Dumas, Saint-Germain-en-Laye
le 17 janvier
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