En combinant les deux courtes pièces Retours et Le Père de l’enfant de la mère données au Quai d’Angers avant le Théâtre du Rond-Point, Frédéric Bélier-Garcia fait découvrir l’écriture du dramaturge norvégien Fredrik Brattberg et son traitement obsessionnel du couple avec enfant.
Lumière crépusculaire, paysage vaste et montagneux aux teintes bleutées plaqué sur le mur d’un salon blanc. Une femme tricote, un homme guette par la fenêtre son voisinage. Silence et inertie. Immobilisme et incommunicabilité. L’entrée en matière est des plus frigorifiantes. Si on retrouve les quasi poncifs du théâtre scandinave, c’est en réalité pour mieux les voir déjoués, ou pulvérisés. Jouant avec bonheur du mystère, des non-dits, des fantômes, des névroses qui peuplent abondamment le théâtre de Strindberg, d’Ibsen ou de Jon Fosse, Fredrik Brattberg s’inscrit dans une tradition qu’il lui plait de moquer, d’exagérer, de triturer…
Ses deux courtes comédies – la première, la plus forte, a reçu le Prix Ibsen en Norvège en 2012, la seconde, moins passionnante, est aussi formellement alambiquée que son titre – sont largement empreintes d’humour noir et de dérision. Elles chroniquent la vie de deux couples avec enfant. L’un tente de surmonter la disparition prématurée d’un jeune fils accidenté. Gustav est mort, mais il réapparaît par la porte du salon et réclame à manger avant de mourir une fois encore et de réapparaître pour mourir à nouveau, et comme cela plusieurs fois de suite jusqu’à produire l’agacement de ses parents qui, dépassionnés du drame, deviennent ses meurtriers. Aux antipodes d’un cocon rassurant, la famille se présente comme une sphère paroxystique du danger et de la dinguerie.
Plus banale, la seconde pièce met en scène un couple insupportable qui se livre bataille autour de l’éducation de son bébé. Elle accentue encore l’aspect circulaire et répétitif de l’écriture, au point de devenir aussi poussive que lassante. La pièce s’appesantit sur des éléments peu captivants et assez déplaisants comme la rivalité et la mesquinerie d’un homme et d’une femme qui s’écharpent vainement pour se montrer le plus parfaitement performant.
Ni glaçant ni foudroyant, ce drôle de spectacle, à la fois réaliste et déjanté, déroute un peu. Frédéric Bélier-Garcia signe une mise en scène assez plate, trop littérale, qui ne permet pas de retrouver la fantaisie dont il a su faire preuve sur d’autres écritures contemporaines comme celles d’Hanokh Levin, de Roland Schimmelpfennig ou encore d’Edward Albee. En revanche, la distribution réunie est alléchante. Camille Chamoux se montre d’abord inquiétante, mais sa folie finit par voisiner avec quelque chose d’un peu trop boulevardier. Face à Jean-Charles Clichet, impassible, Dimitri Doré, jeune et bon acteur déjà repéré chez Jonathan Capdevielle, est quand à lui plein de fraîcheur et d’ingénuité. Tout en répétions et en variations, le spectacle finit quand même par s’enliser.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Retours, suivi de Le Père de l’enfant de la mère
Textes Fredrik Brattberg
Mise en scène Frédéric Bélier-Garcia
Avec Camille Chamoux, Jean-Charles Clichet et Dimitri Doré
Traduction Retours Terje Sinding
Traduction Le Père de l’enfant de la mère Jean-Baptiste Coursaud
Scénographie, vidéo Pierre Nouvel
Lumière Nicolas Marie
Son Sébastien Trouvé
Costumes Marie La Rocca
Créateur marionnettes Daniel Mestanza
Collaboration artistique Caroline GonceProduction Le Quai – Centre dramatique national Angers Pays de la Loire
Pièces traduites avec le soutien du ministère norvégien de la Culture / NORLA / Norske Dramatikeres Forbund
Fredrik Brattberg est représenté par L’Arche, agence théâtrale.Durée : 1h40
Le Quai, Angers
du 20 au 29 mai 2019Théâtre du Rond-Point, Paris
du 4 au 30 juin
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