Sur un texte de François Hien, Angélique Clairand et Eric Massé mettent en scène un remarquable spectacle racontant la catastrophe de la Faute-sur-Mer en 2010 et ses conséquences. Percutant, émouvant et esquissant des pistes pour un monde meilleur.
Il y a onze ans, la tempête Xynthia balayait le Sud-Ouest de la France. La nuit du 27 au 28 février 2010, à la Faute-sur-mer, en quinze minutes, l’eau montait jusqu’au plafond de maisons construites dans « la cuvette ». Puis se retirait en laissant 29 morts derrière elle, noyés, glacés. Catastrophe naturelle, comme on dit, mais plutôt sociétale, engageant surtout les responsabilités d’un système politique corrompu et d’un urbanisme déréglé. Signe précoce de la catastrophe environnementale en cours, cette tragédie et ses suites constituent la matière passionnante de La Faute, texte écrit par François Hien
Angélique Clairand, comédienne, co-metteuse en scène et co-directrice du Théâtre du Point du Jour, avec Eric Massé, a vécu cette catastrophe, si l’on peut dire, en spectatrice privilégiée. Ses parents, en effet, font partie de celles et ceux qui ont acheté des maisons dans ce petit paradis de la station balnéaire de la Faute-sur-Mer, qui s’est mué en cuvette de la mort. Par chance, ils n’étaient pas présents cette nuit-là. Mais eux comme les autres ont alors compris qu’on les avait trompés, qu’on avait, en leur vendant ces maisons, sciemment mis leur vie en danger.
Des maisons sans étage, soi-disant pour faire local, vendéen. Un lotissement entre deux eaux d’où l’on voit les mâts de bateau danser au-dessus de la digue. Les biens s’étaient vendus comme des petits pains, d’autant plus vite qu’élus et promoteurs savaient que le danger d’inondation serait bientôt officialisé via un P.P.R.I (Plan de Prévention des Risques Inondations) qui interdirait officiellement toute nouvelle construction. Une fois la catastrophe passée, les responsabilités se précisent. Le maire, l’urbanisme, l’État, la fatalité. Mais la population se déchire, entre ceux qui veulent partir et ceux qui veulent rester, entre ceux qui attaquent et ceux qui défendent la municipalité.
Le spectacle fait donc vivre de l’intérieur cette nuit sinistre et les événements qui lui succèdent. On y suit des victimes qui ont perdu des proches, ou tout simplement, leur maison. On y voit combien il est difficile de faire avancer la justice à travers des intérêts divergents. Comment la division s’installe même parmi ceux qui ont subi le même traumatisme. On y rit, un peu, on y pleure aussi. Le tout est mené avec rythme au gré de la narration construite par François Hien, qui alterne avec subtilité épisodes joués et narrés, qui modifie les focales et entrelace les niveaux de réflexion que fait habilement cohabiter son écriture.
Dense, riche, varié, le texte qui fait donc vivre cette communauté des victimes de La Faute est pris en charge par cinq comédiennes et comédiens aux tempéraments différents, qui en renvoient parfaitement toute la diversité. Dans une scénographie simple et ingénieuse, l’action avance dans une succession de séquences courtes qu’accompagne un efficace et discret travail sonore. Entre documentaire et scénarisation de l’émotion, entre travail de reconstitution et apports de la fiction, le spectacle trouve son rythme et le ton juste. Il donne à penser et à s’émouvoir, sans être didactique, univoque, ni tire-larmes. Il cherche aussi à savoir comment l’on pourrait mieux faire société.
Deux réponses : résilience, horizontalité. Les concepts peuvent être agaçants parce qu’à la mode. Mais ils trouvent dans La Faute une traduction concrète qui les exonère à tout jamais de devoir prouver leur validité. Au moment où l’on peut lire quotidiennement dans les journaux des reprises des témoignages de victimes des attentats du 13 novembre, on se rend compte à quel point il est indispensable d’écouter ces paroles et quel rôle la justice peut jouer pour aider les victimes à se reconstruire. Il y a dix ans, la donne était différente. La Faute n’en est que plus essentiel, qui travaille également et avec finesse ce besoin trop souvent oublié que les individus ont de faire communauté.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
La Faute
Texte François Hien
Mise en scène Angélique Clairand et Éric Massé
Avec Gilles Chabrier, Angélique Clairand, Ivan Hérisson, Nicole Mersey Ortega et Samira Sedira
Scénographie Jane Joyet
Création lumière Juliette Romens
Création son Nicolas Lespagnol-Rizzi
Costumes Laura Garnier
Régie générale Clémentine Pradier et Bastien Pétillard
Collaboration à la mise en scène Héloïse Gaubert
Construction et conception décors Didier Raymond
Production Théâtre du Point du Jour · Compagnie des Lumas
Avec le soutien du GEIQ Théâtre
Durée: 2h10
jeudi 30 septembre – 20h
Théâtre du Point du Jour
vendredi 01 octobre – 20h
Théâtre du Point du Jour
mercredi 06 octobre – 20h
Théâtre du Point du Jour
jeudi 07 octobre – 20h
Théâtre du Point du Jour
vendredi 08 octobre – 20h
Théâtre du Point du Jour
samedi 09 octobre – 20h
Théâtre du Point du Jour
lundi 11 octobre – 20h
Théâtre du Point du Jour
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