En ouverture de la 20ème édition du festival MARTO (29 février – 14 mars 2020), dédié aux arts de la marionnette et au théâtre d’objet, la 11ème Nuit de la marionnette a offert un aperçu des chemins très variés qu’empruntent aujourd’hui ces disciplines. Sans toutefois susciter la surprise ni la joie attendue pour un pareil anniversaire.
Sous le Chapiteau Stade Hunebelle qui accueille pendant ses travaux la programmation du Théâtre Jean Arp de Clamart, c’est avec cérémonie que s’est ouverte la 11ème Nuit de la marionnette. Car en plus d’ouvrir le festival MARTO, c’est son 20ème anniversaire qu’elle célébrait en un pluvieux et venteux 29 février 2020. Dans une brève présentation, Jean-Paul Perez, conseiller en charge des arts de la marionnette à l’Office National de Diffusion Artistique (ONDA) jusqu’en juin 2019 et nouveau Président du collectif du festival, a rappelé l’histoire de la manifestation. Il a évoqué sa naissance au Théâtre 71 sous le nom de « Marionnettes à Malakoff », bientôt rejoint par le Théâtre Jean Arp à Clamart, puis par d’autres théâtres des Hauts-de-Seine. Ils sont huit aujourd’hui à manifester leur intérêt pour une discipline dont la reconnaissance institutionnelle est assez récente – elle dispose depuis 2017 seulement d’un label national, et depuis février 2019 de quatre pôles nationaux –, et encore timide.
Avec ses 13 spectacles et sa carte blanche au collectif le Printemps des Machinistes, on attendait de la 11ème Nuit de la marionnette fête et surprises. On espérait un programme à la hauteur du festival qui a contribué à l’évolution des arts de la marionnette et du théâtre d’objet en soutenant dès leurs débuts des compagnies devenues depuis des références dans leur domaine. Comme Les Anges au Plafond, qui signent cette année la première création coproduite par l’ensemble des partenaires de MARTO, Le bal marionnettique. La Nuit n’a pas tenu toutes ces promesses. Si elle a bien donné un large aperçu des formes et des sujets de la marionnette et du théâtre d’objet contemporains, la qualité des créations présentées n’a pas toujours répondu à l’exigence escomptée.
Créé au Théâtre du Train Bleu pendant le Festival d’Avignon, le cabaret marionnettique transgenre Hen de Johanny Bert fut le temps fort d’une traversée souvent intéressante, mais sans grands éclats. Du moins dans notre parcours – les spectateurs étaient divisés en plusieurs groupes, qui ne voyaient pas tout à fait les mêmes spectacles –, qui nous a permis de voir huit des treize propositions de la Nuit. À commencer par Camarades, la pièce d’ouverture. Le seul avec Hen, présenté à une heure du matin, à rassembler tous les groupes. Second volet d’un triptyque de la Compagnie Les Maladroits consacré à l’engagement, aux utopies et à l’héritage, cette pièce de théâtre d’objet est trop lisse et pédagogique pour susciter la curiosité et l’énergie nécessaires au long voyage prévu entre Chapiteau Stade Hunebelle, Conservatoire Henri Dutilleux et Maison des Sports.
Après Frères, où ils maniaient sucre et café avec une bonne dose d’astuce pour questionner la mémoire de la Guerre d’Espagne, Les Maladroits s’attaquent à Mai 68 en explorant une autre matière : la craie, qu’ils déclinent sous toutes ses formes. On retrouve tout leur art à manier l’objet. Le parcours qu’y raconte la compagnie nantaise fondée en 2008 est par contre moins singulier et consistant que celui du grand-père antifasciste, anarchiste, contraint à l’exil à la fin de la Guerre d’Espagne dont Arno Wögerbaeur et Valentin Pasgrimaud racontaient l’histoire dans Frères. Au complet – les deux comédiens cités plus tôt sont accompagnés de Benjamin Ducasse et d’Hugo Vercelletto –, l’équipe prétend aborder la période qui l’intéresse à travers l’expérience d’une certaine Colette, née au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Mais son enfance à Saint-Nazaire, son engagement en 68 puis ses voyages sont trop peu développés pour apparaître comme autre chose que des prétextes au déploiement d’un cours d’histoire.
Hormis ce spectacle et Hen, ce sont des formes courtes qui ont rythmé la Nuit. Dans Et les 7 nains, Bernard Boudru et Ingrid Heiderscheidt de la compagnie belge Théâtre Magnétic transposent le conte de Blanche Neige à l’époque des réseaux sociaux avec de simples jouets d’enfants et un humour délicieusement décalé. Des paniers pour les sourds d’Aurore Cailleret (compagnie Liquidambar) nous calme d’emblée. Poème visuel aux forts accents beckettiens, cette pièce nous ramène du côté de la marionnette avec son personnage solitaire et muet au visage d’argile, qui semble submergé par ses propres souvenirs. La beauté du pantin et sa manipulation délicate ont tendance ici à l’emporter sur le sens.
Avec Women’s land, la Compagnie Méandres fondée en 2014 par Aurélie Hubeau à Charleville-Mézières explore les rapports entre sexualité et marionnette d’une manière très différente de Johanny Bert. À travers une succession de courts tableaux aux registres très variés, trois jeunes femmes mettent le sexe féminin au centre de la scène avec une audace réjouissante, qui aurait sans doute gagné à être canalisée par un parti pris plus précis. En l’état, la cohabitation de troublants numéros proches du cabaret et de scènes comiques a tendance à affaiblir la portée du propos. Grâce à un partenariat avec l’École Supérieure Nationale des Arts de la Marionnette (ESNAM), nous avons poursuivi la Nuit avec un autre spectacle féminin : les Mille et Une Nuits de Sayeh Sirvani, qui incarne seule en scène une Shéhérazade enceinte d’un soldat. En persan, elle dit au fœtus-marionnette les violences du monde, et son désir de les lui épargner.
Pour terminer, à 5h30 du matin, c’est à Poch de Pierre Tual que nous avons lancé le défi de nous tenir éveillé. Une panne l’en a hélas empêché. Au beau milieu de son monologue de sans-abri écrit par Sébastien Joanniez, la lampe qui lui servait d’accessoire principal a décidé de ne plus se rallumer. Le jour approchait, et il était temps de quitter pantins et objets pour revenir aux humains. Avant les prochains spectacles du festival MARTO.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
Camarades, de la compagnie Les Maladroits
20 mars Théâtre l’Odyssée | Orvault (44)7 avril Théâtre Le Passage, scène conventionnée | Fécamp (76)9 avril Le Théâtre, scène conventionnée | Laval (53) 28 avril Le Carroi | La Flèche (72)30 avril Villages en Scène | Faye d’Anjou (49)5 au 7 mai CCAM, scène nationale | Vandœuvre-lès-Nancy (54)11 mai TMC | Charleville-Mézières (08)26 mai MJC Rodez, scène conventionnée | Rodez (12)27 au 28 mai L’Estive, scène nationale + MIMA + Les Pierres de Gué | Mirepoix (09)
Des paniers pour les sourds, Cie Likidambar
3 mars Salle de spectacle L’Ekla | Le Teich (33
Toute la programmation du festival MARTO sur http://www.festivalmarto.com/
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