Si Molière, Shakespeare, Brecht et Tchekhov restent les auteurs les plus joués sur les scènes du théâtre public, à rebours de ce qu’on imagine souvent, les textes dramatiques contemporains y sont également à l’honneur. Quelques jours après le rapport Racine relancé par Franck Riester, la Direction Générale de la Création Artistique a présenté hier soir au Théâtre de la Colline un rapport sur « la place des écritures contemporaines et des auteurs dramatiques vivants francophones ». Résultat : le contemporain ne se porte pas si mal sur nos scènes. Entretien avec Stéphanie Chaillou, autrice du rapport.
Pourquoi un rapport sur ce sujet de la présence des auteurs contemporains sur les scènes du théâtre public ?
Le rôle de la DGCA est d’évaluer les politiques publiques, dans lesquelles le soutien aux écritures contemporaines occupe une place importante. En 2018, un article de Libération, « Auteur, où es-tu ? », avait soulevé plusieurs problématiques concernant les auteurs d’aujourd’hui. Nous avons donc cherché à faire un état des lieux à partir de données objectives, quantitatives. Et nous avons mené une enquête sur les Théâtres nationaux, Centres Dramatiques Nationaux et Scènes Nationales pour la saison 2016-2017.
Cette enquête a-t-elle produit des résultats surprenants ?
Disons qu’elle a permis de quitter le champ des représentations flottantes. Ce n’est bien sûr qu’une photographie à un instant T sur des structures labellisées. Mais cette étude montre par exemple que 75% des textes joués dans ces structures étaient le fruit de textes écrits après 1950, 64% d’après 2001. Également que 55% des spectacles étaient montés à partir de textes de littérature dramatique préexistants – c’est-à-dire de textes de théâtre écrits en dehors du contexte de leur mise en scène – et donc 45% à partir d’autres matériaux : textes ad hoc, commandes, documentaires, textes collectifs, adaptations de romans… Ce qui montre à la fois la bonne santé de la littérature dramatique et la diversité des écritures que l’on rencontre sur les plateaux. Pour ce qui est de la question des auteurs francophones, on peut remarquer aussi qu’on compte 48% d’auteurs dramatiques vivants francophones parmi les auteurs dramatiques programmés.
« Il y a un écart entre les données objectives et la perception des auteurs »
Pourtant, les auteurs vivants font part d’une situation difficile ?
Le plus surprenant dans ce rapport, c’est l’écart entre les données objectives et la perception que certains auteurs ont de leur situation. Là-dessus, on a des hypothèses, des pistes de réflexion. On pense que la chaîne de production économique du théâtre est articulée autour du metteur en scène, ce qui place l’auteur dans une situation d’attente. Sauf commandes ou subventions, le temps de la création, de l’écriture du texte n’est pas inclus dans la chaîne de production . De plus, il n’existe pas de réglementation en termes de rémunération de l’auteur. Le rapport Racine montre qu’il y a une spécificité de l’auteur dramatique qu’il faudra mieux prendre en compte, qui est que, en dehors des commandes ceux-ci ne sont rémunérés que lorsque leur œuvre est exploitée.
Quelles autres phénomènes objective ce rapport ?
Encore une fois, la prééminence des metteurs en scène, mais aussi la porosité des activités artistiques puisque parmi les auteurs dramatiques vivants recensés, on comptabilise pas moins de 61% d’auteurs qui sont également metteurs en scène. L’émergence des collectifs d’auteurs également qui représentent 16% du total des auteurs. Mais aussi, comme dans tout le champ théâtral, la faible présence des femmes qui ne représentent que 16% du total des textes joués, même si ce pourcentage augmente, quand on considère le champ des auteurs francophones vivants représentés cette saison-là, à 28%.
Quelles suites aura ce rapport ?
Il n’y a rien de planifié mais, avec cette étude, on a créé un outil d’analyse qu’on pourra utiliser pour saisir les évolutions dans le temps, soit en remontant dans le passé, soit en menant des enquêtes similaires à l’avenir. Par ailleurs, un deuxième volet de l’étude est programmé qui se concentrera sur les CDN et la distribution budgétaire aux écritures contemporaines en termes de production.
Propos recueillis par Eric Demey – www.sceneweb.fr
Classement Auteur dramatique
Nombre de fois ou une ou plusieurs pièces ont été programmées
(pour une série de représentations) en 2016-17
1 Molière 71
2 Shakespeare 56
3 Bertolt brecht 31
4 Anton Tchekhov 26
5 David Lescot 25
6 Joël Pommerat 20
7 Marivaux 18
8 Mohamed El Khatib 16
9 Falk Richter 16
10 Corneille 16
Classement Auteur dramatique vivant francophone
Nombre de fois ou une ou plusieurs pièces ont été programmées
(pour une série de représentations) en 2016-17
1 David Lescot 25
2 Joël Pommerat 20
3 Mohamed El Khatib 16
4 Pauline Bureau 14
5 François Bégaudeau 11
6 Fabrice Melquiot 11
7 Wajdi Mouawad 10
8 Olivier Cadiot 9
9 Magali Mougel 9
10 Olivier Saccomano 8
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