Confrontées à une situation économique particulièrement tendue, les structures indépendantes comptent sur les aides de l’Etat pour garder la tête hors de l’eau, et éviter de sombrer.
Dans la sphère théâtrale, toutes les structures ne bénéficient pas du même filet de sécurité pour faire face au reconfinement. Sans subventions publiques pérennes, ni grands groupes pour assurer leurs arrières, les théâtres privés indépendants, dont l’équilibre économique est, en temps normal, déjà précaire, apparaissent comme les plus fragiles. Mis à mal par le premier confinement, puis malmenés par une rentrée en dents de scie où l’instauration d’une jauge et surtout du couvre-feu sont venus compliquer la reprise, les voilà confrontés à une nouvelle mise sous cloche qui risque de provoquer leur chute. « Si on ne peut pas ouvrir pendant les fêtes de fin d’année, qui constituent, traditionnellement, une très bonne période, cela va être l’ultime coup de massue pour quelques uns, c’est certain », avertit le patron du Théâtre de la Huchette, Franck Desmedt.
Du côté du Lucernaire, Benoît Lavigne décrit une « situation extrêmement compliquée ». Privé, en plus de ses activités théâtrales, de son cinéma, de son bar et de son restaurant qui aident habituellement à maintenir l’ensemble à flot, le lieu affichait, fin octobre, une perte de chiffre d’affaires hebdomadaire de plus de 70.000 euros par rapport à l’an passé. « Notre position économique devient de plus en plus tendue car les charges courent toujours, explique son directeur. On doit continuer à payer notre bailleur, nos fournisseurs, et même si nous pouvons maintenir l’emploi grâce au chômage partiel, les dettes s’accumulent. D’autant que les reports de charges sociales et le prêt garanti par l’Etat ne sont que des bulles d’air temporaires qu’il va bien falloir rembourser un jour. » Un mécanisme auquel le Théâtre de la Huchette a lui aussi fait appel, juste avant le second confinement, afin de permettre à sa trésorerie de tenir.
Un fonds de solidarité « nouvelle formule »
Pour garder la tête hors de l’eau, les structures s’en remettent aux aides de l’Etat. Pendant le premier confinement, déjà, elles avaient fait appel au fonds de solidarité et à sa prime de 1.500 euros, mais aussi au fonds d’urgence pour le spectacle vivant privé (FUSV) qui a assumé une part de leurs charges fixes sur dix semaines. « Le problème, c’est que ces aides n’ont pas été suffisantes, affirme Franck Desmedt. Le premier fonds d’urgence a servi, pour moitié, à régler la SACD et à honorer les factures de nos fournisseurs. Quant au fonds de compensation promis pour pallier le manque à gagner causé par les jauges dégradées, son fonctionnement se révèle kafkaïen. Or, pour qu’une mesure soit bonne, il faut qu’elle soit simple à appliquer. »
Outre le FUSV 2, tous les regards se tournent désormais vers le fonds de solidarité « nouvelle formule » qui devrait permettre de recevoir une aide allant jusqu’à 10.000 euros afin de compenser, en partie, la perte de chiffre d’affaires causée par le second confinement. « C’est une majoration énorme qui nous offre une meilleure protection que pendant le premier confinement et sera beaucoup plus simple à traiter en matière de gestion », se réjouit le directeur du Théâtre de Belleville, Laurent Sroussi, qui se trouve dans une situation moins périlleuse que ses homologues. « Même si c’est assez violent d’avoir l’herbe coupée sous le pied, les aides nous permettent de faire face et de ne pas être en péril », avoue-t-il.
Le loyer, un point de tension
Une relative sérénité liée, sans doute, à son statut de propriétaire. Car, du côté des locataires, l’équation se révèle plus compliquée face à des bailleurs moins conciliants qu’au mois de mars. « Pendant le premier confinement, nous avions réussi à obtenir deux mois de loyer, mais, là, nous sentons qu’il serre la vis », regrette Benoît Lavigne. Même son de cloche du côté de la Huchette qui espère convaincre son propriétaire de lui accorder une exemption de loyer en échange du crédit d’impôt de 50% promis par le gouvernement. « Malgré cette aide, nous n’allons pas réussir à négocier éternellement avec nos bailleurs. Nous en appelons donc aux assureurs qui sont les grands absents de cet élan de solidarité », tance son directeur.
Malgré « le ras-le-bol humain et l’imprévisibilité des prochaines semaines qui rendent ce second confinement encore plus difficile que le premier », selon la directrice du théâtre La Flèche, Flavie Fontaine, le monde des théâtres privés indépendants est bien décidé à ne rien lâcher. « Nous nous adapterons, comme nous l’avons toujours fait, pour sauver nos lieux, assure-t-elle. En attendant, il faut tenir, résister, et surtout soutenir les artistes car, avec les multiples reports de programmation, les conséquences, pour les compagnies, se feront sentir non pas pour les mois, mais pour les années qui viennent. »
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
La situation pour les théâtres de petite jauge qui ne sont pas dans le domaine public et ne bénéficient pas de subventions substantielles, est critique.
C’est un véritable drame financier pour ces structures qui après le premier confinement, ont pu accueillir à nouveau les spectateurs dans des jauges réduites (60% maximum), impliquant par conséquent des recettes de billetterie insuffisantes pour leur fonctionnement et les salaires de leurs employés.
C’est un drame aussi pour les compagnies qui ont pu jouer dans la période entre les deux confinements avec moins de public, et des recettes de billetterie moindres entraînant des réductions de salaires our le personnel des troupes.
Sans parler des professionnels qui ne peuvent pas découvrir ces nouvelles créations pour leurs programmations futures, donc moins d’espoir de tournées qui font vivre un spectacle.
Avec le second confinement, sans plus aucune rentrée d’argent pour les uns et les autres, comment vont survivre ce type de théâtres et ce nombre important de troupes et d’artistes qui comptent sur ces lieux, comme le Lucernaire et le Théâtre de la Huchette, pour se faire connaître et pour vivre ?