Simon Stone signe avec la Trilogie de la Vengeance sa première “vraie” création 100% française. Une pièce féministe interprétée par une distribution éblouissante qui ne se ménage pas dans le dispositif inédit imaginé par le metteur en scène suisso-australien aux ateliers Berthier de l’Odéon Théâtre de l’Europe.
Rarement une production aura donné autant de fil à retordre à l’équipe de l’Odéon Théâtre de l’Europe. Les représentations ont été décalées, le public avait même été invité à ne pas venir à la première car l’équipe n’était prête, et l’on comprend pourquoi l’acouchement de cette Triogie de la vengeance s’est faite dans la douleur. Simon Stone a écrit son texte au plateau, il convient mieux de dire sur les plateaux, car il a imaginé avec ses scénographes Ralph Myers et Alice Babidge, trois espaces différents; la salle de réunion d’une agence de voyage, un restaurant vietnamien et une chambre d’hôtel. Le public est divisé en trois groupes et change à chaque entracte ce qui lui permet de reconstituer l’intrigue. Mais les acteurs, eux, jouent les mêmes scènes trois fois de suite dans la même soirée. Un sacré exploit !
La réussite de ce spectacle tient beaucoup au savoir faire des équipes techniques de l’Odéon dirigées par Luc Tramier, dont il faut saluer la qualité du travail. Les ateliers Berthier permettent toutes les configurations théâtrales, mais jamais trois salles n’avaient été construites pour un seul et même spectacle. Il a fallu imaginer des passages et des coursives pour permettre aux comédien.nes de se déplacer rapidement afin de changer de costumes en une seconde, car pour corser le tout, Simon Stone a écrit une saga sur plusieurs générations, contraignant chacun.e à changer constamment de physiononomie. Eye Haïdara a d’ailleurs été bléssée au pied droit lors des premières représentations, elle doit se déplacer en béquille, ce qui rend encore plus remarquable son interprétation.
Simon Stone a souhaité dialoguer avec trois grands dramaturges élisabéthains en partant d’une réflexion sur la violence faite aux femmes. Au départ du projet, il s’est appuyé sur Dommage qu’elle soit une putain de John Ford (1626), The Changeling de Middleton (1622), et Titus Andronicus de Shakespeare (avant 1594). On en est bien loin aujourd’hui. Son spectacle n’a plus grand chose d’élisabéthain, c’est une histoire contemporaine, découpée en trois épisodes, un peu à la mamière des séries télé. On est parfois cependant un peu perdu dans la narration. On sent aussi des moments de flottement avec des scènes qui s’étirent et qui font tampon pour attendre que les comédien.n.es changent de costumes et traversent les couloirs pour rejoindre le bon plateau.
Ce qui fait la beauté de cette Triologie, c’est sa distribution incroyable. Eric Caravaca est le seul homme, il incarne le monstre, un double rôle de prédateur, un père et un fils. Valeria Bruni Tedeschi et Nathalie Richard, commédiennes les expérimentées donnent le tempo à leurs jeunes collègues, dont Adèle Exarchopoulos qui débute au théâtre. La comédienne césarisée pour La Vie d’Adèle est au niveau de ses ainées. Tout comme Pauline Lorillard qui a souvent travaillé avec Stéphane Braunschweig ou Servane Ducorps qui avait déjà été dirigée par Simon Stone dans Les Trois Sœurs. Et puis il y a deux révélations dans ce casting formidablement bien choisi par l’Odéon. Alison Valence, jeune actrice d’origine guadeloupéenne et cap-verdienne. Elle a suivi la Classe Libre des Cours Florent puis a intègré le programme 1er Acte de la Colline et du Théâtre National de Strasbourg, qui permet de faire émerger une vraie diversité. Et Eye Haïdara qui a suivi l’Académie Internationale de Théâtre à Lorient lorsqu’elle était dirigée par Eric Vigner. On sent chez elle un sacré tempérament. Au moment des saluts, qu’elles doivent partager dans les trois salles – dernière difficulté du spectacle, on sent la fatigue sur les visages des comédien.n.es qui accomplissent un véritable exploit théâtral.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
La Trilogie de la vengeance
texte et mise en scène Simon Stone
d’après John Ford, Thomas Middleton, William Shakespeare
avec
avec
Valeria Bruni Tedeschi,
Éric Caravaca,
Servane Ducorps,
Adèle Exarchopoulos,
Eye Haïdara,
Pauline Lorillard,
Nathalie Richard,
Alison Valence
production Odéon-Théâtre de l’Europe
avec le soutien du Cercle de l’Odéon
Durée de chacune des parties: 1 heure, il y a deux entractesCréation
8 mars – 21 avril 2019 – Berthier 17e
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !