Nous avons crée Lucrèce Borgia en 2015 avec Guillaume Gallienne dans le rôle de Lucrèce et Suliane Brahim dans celui de Gennaro ; nous le reprenons avec Elsa Lepoivre en Lucrèce et Gaël Kamilindi en Gennaro.
Les aléas de la Troupe et de l’alternance nous ont amenés à plusieurs autres changements dans la distribution, comme il est fréquent et naturel à chaque reprise, mais celui-ci mérite sans doute un commentaire.
Je n’ai pas souhaité remplacer Guillaume et Suliane en travestis, mais le premier par une actrice, Elsa, et le second par un acteur, Gaël. J’avais d’ailleurs choisi Guillaume et Suliane non parce que j’avais décidé d’inverser les sexes, mais parce que je voulais ces acteurs-là pour ces rôles, et peu m’importait qu’ils ne fussent pas du sexe de leur personnage. (Je ne les ai d’ailleurs jamais dirigés en jouant du travestissement, sans aucun clin d’oeil ni distance particulière.) Je crois en effet que la convention théâtrale est à la fois si puissante et si abstraite qu’elle permet ce genre de situation, ces choix antiréalistes qui font de la scène un espace onirique. Emporté par l’histoire, la puissance lyrique du Drame, le public accepta que cette jeune femme fût ce jeune homme, et que cet homme incarnât cette femme.
J’avais aussi choisi l’allégorie comme motif principal et souhaitais que le travestissement fît moins voir une femme jouée par un homme qu’une femme enfermée dans une apparence qui n’ était pas la sienne et la défigurait : Lucrèce est une allégorie du paria, du monstre moral dont parle Hugo dans sa préface.
Aujourd’hui, le spectacle existe en ayant, je crois, incorporé ces lignes de force, qui ne sont pas moins présentes dans le décor, les lumières, les costumes et la mise en scène elle-même. La pièce opère son travail dans l’esprit du spectateur comme si elle agissait de façon « autonome ». Elle déploie un réseau de sens qui la et nous transfigure. Le grand attrait des reprises – je voudrais dans l’absolu que toute création fût une reprise – réside dans ce genre de découverte qui ne peut être faite qu’a posteriori : Nous pouvons nous alléger, nous pouvons avancer dans l’oeuvre un peu moins armés, un peu moins bardés de références, de justifications, plus souples dans notre dramaturgie initiale. Nos premiers choix sont souvent viscéraux ; il m’ était impensable de voir Lucrèce autrement que sous les traits de Guillaume, d’ envisager Gennaro autrement que dans la voix de Suliane. Et puis le spectacle prend, impose sa règle et transforme le regard de celui qui l’a conçu. Aujourd’hui, je sais qu’Elsa, Gaël, mais aussi Thierry (qui fut Alphonse d’Este) en Gubetta, Clément, en Jeppo Liveretto, etc., jouent le même spectacle, le servent magnifiquement, et que les caractères et les enjeux de la pièce ne sont pas moins tenus et tendus. Je remercie les uns et les autres, comme je remercie tous ceux qui les ont précédés. Le spectacle continue, la Troupe est riche et la pièce immense, ouverte aux interprétations multiples. Denis Podalydès dans dossier de presse.
Lucrèce Borgia
de Victor Hugo
mise en scène Denis Podalydès
Scénographie Éric Ruf
Costumes Christian Lacroix
Lumières Stéphanie Daniel
Création sonore Bernard Vallery
Maquillages et effets spéciaux Dominique Colladant
Masques Louis Arene
Travail chorégraphique Kaori Ito
Assistanat à la mise en scène Alison Hornus
Assistanat à la scénographie Dominique Schmitt
Assistanat aux maquillages Laurence Aué et Muriel Baurens
avec
Éric Ruf Don Alphonse d’Este
Thierry Hancisse Gubetta
Alexandre Pavloff* Oloferno Vitellozzo
Elsa Lepoivre Lucrèce Borgia
Serge Bagdassarian* Rustighello
Gilles David* Rustighello
Clément Hervieu-Léger Jeppo Liveretto
Nâzim Boudjenah Don Apostolo
Elliot Jenicot* Astolfo et Montefeltro
Benjamin Lavernhe* Oloferno Vitellozzo
Claire de La Rüe du Can La Princesse Negroni
Julien Frison Maffio Orsini
Gaël Kamilindi Gennaro
et les comédiens de l’Académie de la Comédie-Française
Tristan Cottin Ascanio
Pierre Ostoya Magnin* Astolfo et Montefeltro
Marina Cappe Femme et Soldat
Ji Su Jeong Femme et Soldat
Amaranta Kun Femme et Soldat
* en alternanceSalle Richelieu de la Comédie-Française
22 février > 28 mai 2017
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