Stéphane Braunschweig est décidément un grand scénographe. Il parvient une nouvelle fois à nous surprendre avec sa version du Canard Sauvage de Ibsen. Une pièce rude sur des affaires de familles qui entrainent un drame. Une mise en scène brute qui manque parfois un peu d’âme.
Tiens un fauteuil à oreilles traine sur le devant de la scène côté jardin ! Clin d’œil à la magnifique adaptation du roman de Thomas Bernhard « Des arbres à abattre » qui a triomphé pendant deux saisons à la Colline ? On retrouve en tout cas avec plaisir Claude Duparfait dans le rôle de Gregers. Cet homme revient dans sa ville natale après un long exil. Il va déterrer les secrets de deux familles, la sienne et celle de son ami d’enfance Hjalmar Ekdal interprété par Rodolphe Congé. Tout va voler en éclat jusqu’au drame final. Hjalmar ne parvient à affronter la réalité de sa vie révélé par Gregers. Sa fille n’est pas la sienne mais celle du père de Gregers. Comme la Nora de Maison de poupée, autre pièce d’Ibsen, il quitte le domicile conjugal. Mais si Nora le fait avec force et courage, lui, il le fait par lâcheté et par aveux de faiblesse. Que reste-t-il lorsque les rêves s’effondrent ? C’est l’une des questions posées par Ibsen dans cette pièce écrite en 1884.
Stéphane Braunschweig a construit comme d’habitude une très belle scénographie. La maison des Ekdal est un atelier en bois (nous sommes chez un couple de photographes), une boîte avec une très belle perspective qui s’ouvre sur une forêt de sapins (on se croirait au théâtre du peuple à Bussang !). Et lorsque la vérité éclate, la maison des Ekdal bascule. Le décor s’incline sur le devant et contraint les acteurs à de beaux numéros d’équilibristes. Dans son magnifique Tartuffe en 2008 (lorsqu’il était directeur du Théâtre National de Strasbourg) la maison d’Orgon s’enfonçait dans le sol au fur et à mesure de la pièce, ici la maison des Ekdal vacille.
C’est un travail soigné, un brin académique tout de même. Il y a beaucoup de froideur dans le jeu des comédiens. Mais tout cela est tempéré par la brillante interprétation de Rodolphe Congé, saisissant de naturel. Il met de l’âme dans cette pièce. Comme dans Personnages en quête d’auteur, Stéphane Braunschweig utilise la vidéo. Dans le Pirandello, c’était Annie Mercier qui apparaissait à l’image, ici c’est le grand Jean-Marie Winling qui incarne le père de Gregers. Mais cet effet, si impressionnant soit-il (car il apparaît en très très grand sur tout le mur de scène), renforce encore un peu plus le côté distancié et cérébral du spectacle. Mais Stéphane Braunschweig est comme cela, c’est sa façon de décrypter les œuvres du répertoire.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Le Canard sauvage de Henrik Ibsen
traduction du norvégien Éloi Recoing
mise en scène et scénographie Stéphane Braunschweig
collaboratrice artistique Anne-Françoise Benhamou
collaboration à la scénographie Alexandre de Dardel
costumes Thibault Vancraenenbroeck
lumières Marion Hewlett
son Xavier Jacquot
maquillage et coiffures Karine Guillem
assistanat à la mise en scène Pauline Ringeade
avec
Suzanne Aubert, Christophe Brault, Rodolphe Congé, Claude Duparfait, Luce Mouchel, Charlie Nelson, Thierry Paret, Chloé Réjon
et la participation de Jean-Marie Winling
Théâtre National de la Colline
Grand Théâtre
du 6 au 14 janvier 2016
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