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« Le Paradoxe de John », la galerie de curiosités de Philippe Quesne

Aubervilliers, Bordeaux, Coup de coeur, Les critiques, Nantes, Paris, Théâtre, Toulouse
Philippe Quesne crée Le Paradoxe de John
Philippe Quesne crée Le Paradoxe de John

Photo Martin Argyroglo

Près de vingt ans après son cultissime L’Effet de Serge, Philippe Quesne réactive son laboratoire d’expériences performatives et en confie les clefs à une bande de cinq hurluberlus qui s’imposent, tout en sérendipité, comme les dignes héritiers de leur aîné. 

Chez les plus fidèles spectatrices et spectateurs de Philippe Quesne, le ton employé par Madame Laugier dès les premières secondes du Paradoxe de John, empli, tout à la fois, de doute, de réassurance et de prévenance envers ses interlocuteurs, réveillera instantanément le souvenir d’un autre, celui qu’utilisait Serge, il y a près de vingt ans, lorsqu’il accueillait le public, et ses invités du dimanche, dans son salon. Contrairement au délicieux chef d’orchestre de L’Effet de Serge (2007), qui compte parmi les pièces les plus marquantes du Vivarium Studio, l’exquise apprentie galeriste, lunettes aviateur sur le nez et veste en cuir sur les épaules, n’a aucun spectacle, petit ou grand, à proposer aux deux femmes et à l’homme qu’elle accueille, mais seulement un espace, encore en chantier. Aux plus fidèles spectatrices et spectateurs de Philippe Quesne, là encore, cet endroit, avec son format longiligne, sa porte à jardin, ses parois en placo et son ouverture en forme de baie vitrée, en rappellera également un autre, l’appartement de Serge, dont la moquette violette aurait été remplacée par du lino imitation parquet. Et pour cause : comme Madame Laugier l’explique au trio qui l’accompagne, en faisant le même tour du propriétaire que Serge à son époque, l’espace, transformé en galerie, n’est autre que l’ancien logement de son ami, parti on ne sait où. Pour le scénographe de grand talent qu’est Philippe Quesne, cette filiation par le décor n’a rien d’un hasard et tisse immédiatement un lien, à près de deux décennies d’écart, entre sa nouvelle création et l’ancienne. À un détail majeur près, qui chagrine beaucoup celles et ceux qui découvrent les lieux : la disparition du jardin, et donc de la nature, sur lequel ouvrait l’ancienne baie vitrée, remplacé, galerie oblige, par un atelier de bricolage aux murs en contreplaqué autrement moins séduisants.

À l’image de Serge, Madame Laugier a, elle aussi, un grand projet – comme, d’ailleurs, bon nombre des personnages des spectacles de Philippe Quesne : la réalisation d’une biennale avec le concours, « s’ils le souhaitent » – de la prévenance, toujours –, de ses trois hôtes du jour. Sans coup férir, les unes et les autres, armés d’une grosse enceinte portable, d’une peau de renard et d’une paire de patins à glace, quittent rapidement leur rôle de simples observateurs, sagement à l’écoute, pour devenir acteurs de la transformation du lieu et perturbateurs de cet espace par trop inhabité. À cette chaise suspendue en l’air par un crochet, prenant la forme d’une oeuvre apparemment intitulée La spectatrice émancipée, ils font subir un premier traitement de choc : désormais recouverte d’une bâche en plastique, munie d’une paire de bottes sous ses pieds, auréolée d’une épaisse fumée, la voilà devenue Le kyste de ma mère. Simple, efficace, et diablement incongru. Dans la même veine, Olga, qui a essayé de se siphonner discrètement un peu d’hélium sans voir que la bonbonne était vide et est visiblement prête à faire feu de tout bois, s’empare d’un bout de lino pour marteler l’établi de fortune – deux tréteaux et une planche – installé au milieu de la pièce. Stoppée net par Madame Laugier, qui protège les oeuvres en présence, elle cède bientôt sa place à un autre artiste sorti de nulle part, Jesper, qui ne tarde pas à s’adonner à une expérience chimique hautement spectaculaire – dont nous ne divulgâcherons rien tant elle est (réellement) surprenante. Ainsi lancé, notre quatuor, bientôt rejoint par la galeriste qui montre elle aussi, finalement, quelques velléités créatrices, s’adonne à une forme de sérendipité artistique et ses membres s’emparent chacun de ce qui leur tombe sous la main – des rouleaux de lino, des enseignes lumineuses, des coiffes en polystyrène… – pour bricoler une collection de performances hétéroclites qui s’imaginent, dans le détail, en même temps qu’elles se construisent.

Sans avoir l’air d’y toucher, ces cinq hurluberlus, sur lesquels, il faut le concéder, nous n’aurions pas misé un kopeck au départ, réussissent à produire un univers aux frontières de l’absurde, auquel notre regard cartésien s’acclimate peu à peu, jusqu’à l’adhésion la plus complète. Si la plupart de leurs oeuvres sont furieusement saugrenues et techniquement loin d’être à couper le souffle, l’engagement sincère et la conviction profonde qu’ils mobilisent pour les réaliser étonnent, séduisent, persuadent, et tous finissent par véritablement transformer et habiter l’espace désincarné qui leur était offert. Ils prouvent alors qu’il ne faut, parfois, que peu de moyens pour « faire art » et, comme souvent chez Philippe Quesne, que la poétique, pour peu qu’elle soit révélée, se niche dans le petit rien, dans le quotidien, voire dans le vulgaire – à l’instar de ces sculptures en balatum. En cela, ces artistes qui, contrairement à Serge, ne doutent jamais de leur statut et de leur position, s’imposent comme ses dignes héritiers, voire ses versions 2.0, usant parfois de modalités rocambolesques pour arriver à leurs fins – ou l’art de se compliquer inutilement la tâche en passant par la grille d’aération plutôt que par la porte d’entrée. Toutefois, là où leur aîné théâtral osait exposer son art aux yeux des profanes – dont l’identité changeait en fonction des représentations –, et suscitait chez eux une réelle émotion matinée de bienveillance, ces cinq-là restent entre eux, bénéficiant des mêmes félicitations – parfois obséquieuses –, mais protégés de tout regard réellement extérieur, et donc de toute critique potentielle. Comme si, semble esquisser Philippe Quesne de façon subliminale, et plus grinçante que dans L’Effet de Serge, les artistes s’étaient, en restant bien à l’abri entre les quatre murs de leur galerie, retranchés dans un entre-soi où les congratulations arrosées au champagne – façon pot de première ou vernissage – peuvent parfois passer pour de la vaine, mais réelle, complaisance.

Ponctuée par plusieurs textes que Laura Vazquez – avec qui Philippe Quesne avait déjà collaboré pour Fantasmagoria et Le Jardin des délices – avait composés en amont des répétitions et qui se retrouvent ici lu ou projetés, sans toujours jouir, il est vrai, de la visibilité qu’ils méritent, cette traversée, qui chemine constamment sur un fil, emporte la mise grâce à un savant alliage entre savoir-faire et talent. Savoir-faire de Philippe Quesne qui, une nouvelle fois, prouve qu’il est maître en son royaume scénographique, capable de mobiliser tantôt les lumières, tantôt la musique – de John Cage à Schubert en passant par Marlene Dietrich et la version instrumentale du savoureux Love in Portofino de Dalida – pour en montrer, par la bande, le pouvoir transcendantal – ou comment, dans les premières encablures, faire monter la tension et accroître l’étrangeté avec des sonorités inquiétantes alors que rien ne substantiellement effrayant ne se passe au plateau ; et talent des cinq interprètes qui l’accompagnent. Résultat d’un habile mélange entre piliers du Vivarium Studio, comme la géniale Isabelle Angotti et le fidèle régisseur général Marc Chevillon, et nouveaux venus, tels l’autoritaire Veronika Vasilyeva-Rije, la non moins décidée Céleste Brunnquell et le plus discret Marc Susini, qui, pour les deux derniers, collaborent pour la première fois avec le metteur en scène, la distribution fait des étincelles dans sa manière de faire reluire l’« esprit Quesne », à mi-chemin entre absurde et réel, ironie et poésie, mais toujours empli d’une humanité qui déborde de son lit, et surtout de donner corps à ces magnifiques mots de Laura Vazquez prononcés à la volée : « si vous voulez savoir ce qui se passe à l’intérieur des choses / il faut d’abord les déplacer / puis il faut les écouter / puis il faut les assembler / puis il faudra les enterrer / les occupants des fusées sont au courant / les animaux marins sont au courant / les animaux volants sont au courant nous aussi nous sommes au courant ».

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Le Paradoxe de John
Conception, mise en scène et scénographie Philippe Quesne
Textes originaux Laura Vazquez
Avec Isabelle Angotti, Céleste Brunnquell, Marc Susini, Veronika Vasilyeva-Rije, Marc Chevillon
Costumes Anna Carraud, assistée de Mirabelle Perot
Régie et collaboration artistique François Boulet, Marc Chevillon
Collaboration technique Thomas Laigle
Peintre décoratrice Marie Maresca
Musiques Riz Ortolani, Pan Sonic, Noel Boggs, John Cage, Morton Feldman, Franz Schubert, Marlene Dietrich, Demetrio Stratos, Lucy Railton, Fred Buscaglione, Stelvio Cipriani

Production Vivarium Studio
Coproduction La Commune – Centre dramatique national d’Aubervilliers, Théâtre de la Bastille, Festival d’Automne à Paris, Théâtre Garonne scène européenne – Toulouse, Maillon Théâtre de Strasbourg – scène européenne, Maison Saint-Gervais – Genève, Kampnagel – Hamburg
Avec le soutien de la Région Île-de-France

La compagnie est conventionnée par le ministère de la Culture – DRAC Île-de-France.

Durée : 1h25

La Commune, CDN d’Aubervilliers, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
du 7 au 16 novembre 2025

Théâtre de la Bastille, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
du 26 novembre au 6 décembre

Théâtre Garonne, Scène européenne, Toulouse
du 22 au 25 janvier 2026

HAU, Berlin (Allemagne)
les 20 et 21 février

Librairie 7L, Paris
le 24 février

Kampnagel, Hambourg (Allemagne)
du 26 au 28 février

Le Lieu Unique, Nantes
du 3 au 5 mars

Théâtre National de Bordeaux-Aquitaine
du 10 au 13 mars

10 novembre 2025/par Vincent Bouquet
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